Chronique d’une banale garde à vue

Interpellé le dimanche 1er mai 2016 mai puis placé en garde à vue, je vais vous relater mon expérience. Je n’ai pas ici la volonté de me victimiser ni d’attiser quelque haine que ce soit, je souhaite uniquement lever le voile sur le comportement banal, anodin, quotidien de la police ainsi que sur la façon dont sont traitées les personnes gardées à vue.
Je suis conscient que ma garde à vue s’est relativement bien passée si on la compare avec celle d’autres personnes, je tiens malgré tout à témoigner car trop peu de gens le font.

Chronique d’une banale garde à vue

Cette chronique a été écrite le vendredi 6 mai et mise à jour le 24 juin.

Le 6 mai, la France était dans un contexte social particulièrement tendu, elle n’est d’ailleurs toujours pas sortie de ce contexte. La défiance vis à vis du gouvernement et des forces de police atteint des sommets et le syndicat de police proche de l’extrême droite Alliance a même osé organiser une manifestation contre « les violences des manifestants et la haine anti flic ».

J’ai été jugé le 3 juin pour « violences volontaires aggravées sur personne dépositaire de l’autorité publique » et la délibération du tribunal a été rendue le 24 juin. Mon procès est la raison pour laquelle il s’écoule autant de temps entre l’écriture et la parution de cette chronique.

Avant de relater les faits survenus au cours de ma garde à vue, avant de présenter les agissements des policiers, je tiens à mettre au clair ma situation et à m’exprimer clairement sur les faits qui me sont reprochés. En effet, le chef d’inculpation « violences volontaires aggravées sur personne dépositaire de l’autorité publique » semble gravissime et impressionnant. En réalité, il m’est reproché d’avoir lancé quelques gouttes de mercurochrome mélangé avec de l’eau sur un officier de la BAC sans brassard et matraque levée au cours de la manifestation du 1er mai à Bordeaux.

J’ai été reconnu coupable des faits qui me sont reprochés le 24 juin et condamné à un stage de citoyenneté à mes frais. Le procureur, après un discours à haute teneur politique et faible teneur juridique digne du syndicat de police proche de l’extrême droite Alliance, avait requis un stage de citoyenneté et une interdiction de manifester car il estimait que mon niveau de citoyenneté n’était pas compatible avec le droit de manifester.

À l’heure où j’écris ces mots, c’est à dire le 24 juin 2016, les deux policiers qui ont laissé Zyed et Bouna mourir dans un transformateur électrique viennent d’être relaxés. Il y a quelques semaines, le gendarme qui a tué Rémi Fraisse a été mis hors de cause. Romain, 28 ans vient de sortir du coma avec des séquelles suite à une blessure due à une grenade de la police.
Ceci étant dit, je peux maintenant expliciter les faits survenus au cours de ma garde à vue et le comportement des policiers à mon égard. Je suis conscient en écrivant ceci que c’est « ma parole contre la leur ». Cependant, je trouverais dommage de passer sous silence les faits que je m’apprête à décrire.

Voici donc mon expérience de garde à vue en sept actes.

Acte 1 – L’arrestation.

J’ai été appréhendé par les officiers de la BAC le 1er mai aux alentours de 13h, un homme a tenté de s’interposer et a violemment été frappé au visage puis projeté à terre par les agents de la BAC alors même que ceux-ci n’avaient pas leur brassard « police » qu’ils ont pourtant obligation de porter lors des arrestations. L’agent de la BAC me dit d’abord que c’est un simple contrôle d’identité, mes amis présents au moment de l’arrestation filment la scène, les baceux disent alors qu’ils préfèrent entrer dans la voiture de police de façon à ce qu’ils ne puissent pas être filmés.

Alors même que mon identité n’a pas été vérifiée, les agents de la BAC me disent que je vais avec eux au commissariat, je leur demande si je suis interpellé ou bien placé en garde à vue, je n’obtiens pas de réponse claire, je leur demande le motif qu’ils ont pour obligation de me donner, ils me disent que je suis là pour dégradation et que LCL compte déposer plainte contre moi, je nie alors avoir dégradé quoi que ce soit, ils me disent qu’ils ont des vidéos. J’apprendrai une heure plus tard que j’ai en réalité été interpellé pour « violences volontaires aggravées sur personne dépositaire de l’autorité publique ».

Je suis ensuite transporté au commissariat, les agents de la BAC me descendent de leur voiture et me disent « tu vas coopérer sinon tu vas goûter le goudron ».

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Mots-clefs : justice | manifestation

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