Bolsonaro, ascension et éléments pour y résister

Le site A-louest.info a pris contact avec des amis qui sont, entre autres, brésiliens pour mieux comprendre la séquence historique qui a amené la victoire du candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro ainsi que les effets régressifs immédiats sur la politique sociale ou écologique, les attaques sur les populations indigènes et noires. Il s’agit d’essayer de trouver les moyens de faire face à une telle situation historique.

1. Qui est Jair Bolsonaro et comment a-t-il été élu ?

Bolsonaro est un député fédéral dont le travail a été inexistant durant 20 ans. Bolsonaro était le représentant de l’extrême droite et de ce qu’il y a de plus conservateur dans la politique institutionnelle du pays. Peu à peu, grâce aux médias qu’aujourd’hui il critique, et par mimétisme avec Donald Trump, il est devenu une sorte d’idole pour beaucoup. Il commence à devenir une superstar, c’est pour cela qu’il est aussi difficile de discuter avec les personnes qui le soutiennent le plus. Il n’y a plus d’argument, seulement du désir et de l’idolâtrie. Il a acquis ce statut de superstar en se construisant uniquement en opposition : ses propositions, au fond, ne sont que des oppositions. Mais nous devons prêter attention à l’ensemble des discours caractéristiques de Bolsonaro.

Il est comme un terminal informatique, un point intermédiaire entre récepteur et émetteur de discours permettant ainsi une amplification de telle ou telle déclaration. Il se dit beaucoup ici que sa victoire a été possible à cause de la corruption et de l’antipetismo [1]. Peut-être. Mais nous pensons que Bolsonaro a gagné aussi en réaction aux mouvements incessants au Brésil : mouvement pour le droit des femmes, des noirs, des LGBT+, des « sans terre », des « sans toit », tous ces mouvements qui – certains plus que d’autres –, variés dans leurs formes, sont liés aux perspectives et aux luttes en rupture avec le capitalisme. Pour nous il s’agit d’une réaction. Ce n’est pas un hasard si ses discours sont tous racistes, homophobes, misogynes. Encore moins le fait qu’il considère les groupes des « sans terre » ou des « sans toit » comme des terroristes. Ce n’est pas non plus un hasard si la majorité de ses électeurs sont des hommes blancs. La majorité des votes pour Bolsonaro n’a pas été contre la corruption. Ils ont été, en grande partie, des votes de peur. La peur de voir une modification des structures sociopolitiques brésiliennes. Il a aussi remplacé son discours de défense de l’État brésilien par un discours néolibéral sans frein, un capitalisme sans masque, brutal, écrasant et de désertification sociale.

2. Quelle est l’ambiance générale dans la population brésilienne ?

Impossible de répondre à cette question en ces termes, car il n’y a pas une population brésilienne. Si nous prenons en compte seulement les données de l’élection, près de 60 millions de personnes ont voté pour Bolsonaro, mais 80 millions de personnes n’ont pas voté pour lui (votes pour Haddad, votes blancs et abstentions). On sait également que le Brésil est un pays construit sur le maintien en dessous de la « citoyenneté brésilienne » de certains groupes. Il ne s’agit pas de lumpenprolétariat, mais bien de groupes considérés en dessous de toute humanité. D’une certaine manière, il y a toujours un massacre qui continue. Mais là, il y a quelque chose de différent qui est difficile à analyser, même dans le camp des vainqueurs. Il y a ceux qui ont voté contre le Parti des travailleurs (PT), influencés par le discours des médias, selon lesquels la corruption serait « l’invention de ce parti » : ceux-là semblent avoir un « espoir de changement ». Pour eux le discours de Bolsonaro n’est pas si problématique, car le plus important, c’est l’économie et la fin de la corruption. Il y a aussi des opportunistes de toute sorte et un peu partout. Ceux-là sont surtout dans le monde politique et ont gagné en s’alliant à Bolsonaro. Et il y a les fans. L’ambiance chez ces derniers ressemble à de l’euphorie idolâtre. De ceux-là émergent les violences, les tabassages, car celui qu’ils considèrent comme idole légitime en permanence ces violences. Il est aussi important de noter que même si le PT l’avait emporté, nous serions dans une situation difficile.
Bolsonaro étant un réactif chimique fasciste, d’une chimie déjà présente, qui a gagné d’autres dimensions et d’autres natures avec sa catalyse. Beaucoup de gens qui ne s’identifiaient pas dans le discours fasciste ont été entraînés dans cette direction. Il y a un grand danger de sédimentation et d’enracinement des pires désirs politiques ultraréactionnaires et fascistes dans les différentes couches de la population brésilienne. Pour les fans, qui étaient déjà séduits par le discours, cela a empiré. Par exemple, la période électorale a été un terrain plus fertile pour passer à des actions concrètes : des dizaines de personnes ont été agressées et certaines ont été assassinées pour avoir des liens plus ou moins forts avec les mouvements de femmes ou de noirs... (...)

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