Après le 13 novembre, après l’émotion, prendre nos responsabilités

Face aux événements du 13 novembre, je me suis d’abord sentie complètement prise dans mes émotions : la peur, la terreur, la colère, le dégoût. Pour reprendre du pouvoir, de la capacité, pour que ces sentiments ne restent pas flottants mais viennent s’accrocher au réel et deviennent leviers d’actions, j’ai cherché quels sont les besoins dont ces émotions témoignent.

Face aux événements du 13 novembre, je me suis d’abord sentie complètement prise dans mes émotions : la peur, la terreur, la colère, le dégoût. Pour reprendre du pouvoir, de la capacité, pour que ces sentiments ne restent pas flottants mais viennent s’accrocher au réel et deviennent leviers d’actions, j’ai cherché quels sont les besoins dont ces émotions témoignent.
Je ressens un besoin de donner du sens et de comprendre ce qui nous arrive. Besoin de prendre du recul pour voir la situation dans sa globalité et sa complexité, pour sortir d’une position de victime trop réductrice. Je ne veux pas laisser les medias mainstream nous imposer une vision du monde.

Je propose ici une piste de réflexion et j’invite tou-te-s celles et ceux qui le souhaitent à continuer, prolonger voire contredire cette réflexion. La compréhension collective de la situation est pour moi le point de départ incontournable de toute action.
François Hollande déclare la guerre aux terroristes, il ferme les frontières, il veut vaincre le mal par le mal, combattre la violence par encore plus de violence. Comme si la guerre pouvait résoudre quoique ce soit. Comme si annihiler une partie de l’humanité allait arranger les choses.
Au lieu de nous couper des agresseurs et commanditaires des attentats, et de tous ceux qui se réjouissent de leurs actes, j’aimerais poser une question simple : pourquoi des gens se mettent à tuer d’autres gens, au hasard ?
J’aimerais aller au-delà du : « Ce sont des méchants sans cœur aveuglés » ou « des barbares », ou des « fous religieux ». J’aimerais essayer de comprendre ce qu’ils ont cherché à nous dire, malheureusement avec des armes. Ce que leur colère, leur rage exprime.

Ce qu’ils expriment a minima, c’est : « Nous sommes en guerre les uns contre les autres. » La première réalité face à laquelle ils nous mettent, c’est celle de la guerre.
Et en effet, la France est en guerre. Elle se vante de vendre des Rafales au régime égyptien, des armes à l’Arabie Saoudite et aux Emirats Arabes Unis, elle mène des opérations au Mali, en Centrafrique, elle bombarde la Syrie. Notre pays est en guerre, il mène une guerre.
J’ai entendu dire chez des copains alter « leur guerre, nos morts », mais je crois qu’en frappant des citoyens lambda, des Parisiens moyens, les attaquants ont voulu nous montrer combien nous sommes tou-te-s impliqué-e-s dans cette guerre, que nous le voulions ou non. Simplement en payant des impôts par exemple, nous sommes responsables de cette guerre.
Plus profondément, à un niveau économique, notre niveau de vie, notre société avec ses télévisions, ses vêtements, sa nourriture et ses voitures, notre mode de vie est entièrement basé sur des siècles d’inégalité, d’exploitation, de guerre économique.

Je souhaite prendre la responsabilité de ce que je vis. J’habite quelque part, je vis quelque part, je participe à un système, que je le veuille ou non. Que je le veuille ou non, en vivant comme je vis, je fais comme une déclaration de guerre à certain-ne-s.

J’ai aussi besoin d’humanité, de me relier fraternellement à d’autres, proches et lointains, semblables et différents, d’échanger, de vivre l’humanité pour revivre après de telles atrocités.
Et finalement, je crois que ce besoin d’humanité peut être une clé. Car reconnaître ma responsabilité sur cette guerre en cours, c’est aussi reconnaître l’interdépendance de mon mode de vie et de celui des autres. Je ne vis pas seule sur mon petit bout de planète, ce que je fais et vis ici a un impact ailleurs. Aujourd’hui, cela me semble difficile d’engager un dialogue, en tous cas le dialogue à haut niveau n’est pas de mon ressort. Par contre, il est de mon ressort de reconnaître mes responsabilités, mon interdépendance et d’engager le dialogue partout où il est possible de l’engager, pour trouver des solutions et non pas se parler par attaques interposées.
C’est pourquoi j’invite toutes celles et ceux qui le souhaitent à se retrouver pour partager, échanger, partout où c’est possible, comme par exemple à la BAM [1].

Daphné Vialan

Notes

[1Plus d’information sur cet événement :

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