À propos des arrestations suite à l’occupation de l’ENS

Dans la nuit du 13 au 14 mai 2022, l’amphi Dussane de l’Ecole Normale Supérieure a été occupé.

Si nous avons occupé Normale Sup dans la suite de ce mouvement d’occupations initié dans l’entre deux tours, c’est parce que cette institution est un des nombreux lieux où se produit et se reproduit une bourgeoisie étudiante et dont la mission est de sélectionner et de former l’élite des futurs serviteurs de l’État (la plupart des énarques sont d’abord passés par Normale Sup). C’est un des maillons qui construit cet élitisme qui empêche le brassage des histoires, des opinions, des représentations du monde, et qui devient de fait le meilleur terreau de la répression dans les facs, favorisant des lois spécifiquement répressives de gestion préventive des mouvements, comme celle que le gouvernement grec tente d’imposer depuis des mois, à savoir des casernes de police au sein même des universités.

Dès 6h du matin, pour éviter toute possibilité que l’occupation se pérennise et s’amplifie et empêcher la tenue de l’AG prévue à midi, les flics sont rentrés dans la salle occupée en défonçant la porte barricadée donnant sur les couloirs du bâtiment. Nous nous sommes donc regroupés dans la rotonde en nous accrochant les uns aux autres pour ne laisser personne seul à la merci des flics. L’un d’entre eux avait lâché un coup de gazeuse pour leur faciliter l’accès à la rotonde, ce qui lui a valu de se faire détester par ses collègues toussotants et pleurants.

Ils nous ont tous fait nous allonger, brandissant leurs matraques pour bien nous faire comprendre les conséquences d’un potentiel refus de nous plier à leurs ordres, et nous ont alors sorti un par un dans le couloir le plus proche pour procéder à la prise de nos identités et nous fouiller.

Parmi nous se trouvait une personne trans qu’ils ont particulièrement brutalisée parce qu’il ne correspondait pas au schéma normatif de ces abrutis, le faisant tomber au sol, le frappant et le faisant fouiller par une fliquette malgré ses protestations énoncées clairement sur le fait qu’il n’était pas une fille. Ce « traitement spécial » a duré jusqu’à la garde à vue où il a été placé dans une cellule de meufs et où il s’est pris multiples insultes – « Eh madame ! », « Ta gueule, t’es pas opéré » – et plusieurs coups. Et tout ça dans un comico tapissé d’affiches incitant à « dire NON aux violences faites aux LGBTQI+ » : quelles que soient les déclaration d’intention abstraites, la réalité de la répression obéit toujours aux mêmes logiques dégueulasses.

Les 22 personnes présentes ont toutes été interpellées et placées en garde à vue, et pour cela, ils ont eu besoin de déployer toute une armée de flics, de bacqueux, et même la brigade canine (pourquoi faire, à part l’exercice d’une menace et le besoin d’impressionner ?). On peut résumer cela ainsi : il y avait un chien policier, mais tous les autres étaient des porcs. Malgré ce déséquilibre numérique certain, nous étions quand même assez nombreux pour les emmerder : ils n’avaient d’autre choix que de nous dispatcher dans trois commissariats différents (Ve, XIIIe et XVe) et d’en relâcher la majeure partie le soir même – pour être précis, ils en ont gardé 4, relâchés 24h plus tard – pour faire de la place dans leurs geôles. Alors soyons toujours plus nombreux !

Quasiment tout le monde a gardé le silence durant les auditions, sous le regard blasé des OPJ – « vous aussi vous faite parti de la team rien à déclarer ? ». Les basses tentatives de mettre des noms sur les actes ont été a priori empêchées par le silence maintenu du début à la fin de l’interrogatoire. Les flics raconteront n’importe quoi pour faire craquer les gens, du mensonge pur et simple à l’énonciation des peines maximales encourues pour le délit duquel on se retrouve accusé, peines qui ne sont évidemment jamais appliquées. De toutes manières, quoi qu’ils en disent, la décision de ce qui nous arrive ne leur appartient pas.
N’oublions jamais que se taire face au flics protège tout le monde, alors ne cédons pas à leurs chantages.

Une grande partie d’entre nous a refusé la prise d’empreinte et d’ADN. Malgré cela, et pour cause, la nouvelle loi permettant de prendre les empreintes et des photos par la force si l’on encoure plus de trois ans d’emprisonnement (https://paris-luttes.info/quand-les-flics-prennent-tes-15982#nb1), certains se les sont faites prendre pas la force. Les niveaux de contraintes ont été divers selon les cas : l’un d’entre nous s’est fait frapper et Taser, 4 se sont fait menacer par des flics qui étaient visiblement dans des dispositions d’esprit de tortionnaires, leur pressant le Taser contre le flanc et prêts à leur écraser la tête sur le sol tout en les frappant. Il est à noter que certains sont néanmoins sortis sans les avoir données. Contrairement à l’histoire de Vincennes dont l’article est relayé plus haut, dans notre cas, aucun ADN n’a été pris de force. Cette pratique de refus est relativement large et diffuse, on a pu voir que d’autres gardés à vue refuser également de manière virulente la prise d’empreintes, y compris face aux menaces, coups et Tasers.

Malgré cette nouvelle loi, refuser la signalétique peut fonctionner, d’autant plus si tout le monde le fait, et résister à cela peut aussi permettre de leur faire perdre espoir pour prendre les photos et l’ADN, d’autant plus que la loi en question est censé ne concerner que la signalétique – empreintes digitales et palmaire et photos. D’autre part cette loi implique la menace de la coercition systématique mais n’implique pas nécessairement qu’ils aillent jusqu’au bout, ni que la contrainte soit d’une brutalité extrême, même si elle peut l’être dans certains cas. Elle implique à coup sûr de passer un mauvais moment, mais, comme ça a été le cas pour certains d’entre nous dont celui sur lequel ils se sont acharnés à coup de Taser, si nous restons déterminés à refuser, il se peut qu’ils n’arrivent à les prendre que très partiellement, ce qui n’est pas rien. Il nous paraît donc essentiel d’appeler tout un chacun à continuer de refuser ce fichage.

Le soir suivant les arrestations, un rassemblement a eu lieu devant le commissariat du Ve, ce qui a permis de recouper toutes les informations sur les personnes arrêtées et de ne laisser personne seul, isolé, dont on ignorerait la situation. Une fois de plus, l’individualisation et les tentatives d’isolement se sont trouvées enrayées par la prise en charge collective des première étapes de la défense.

Tout le monde est sorti sans convocation, mais restons sur nos gardes puisque l’enquête préliminaire pour « dégradation de bien classé en réunion » a été maintenue ouverte, des convocations pourrait être envoyées par courrier. Restons solidaires et n’allons pas aux convocations si elles nous invitent à nous faire auditionner par les flics, ils ne feront que chercher des éléments incriminants contre nous. Une convocation reçue par lettre postale, si elle n’est pas recommandée, ne constitue pas une obligation, ne pas nous y rendre ne constitue pas un délit.

La lutte continue !

Les gavés de l’ENS
Mots-clefs : université | police | occupation

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