Tabassage à Répu : compte-rendu de la manifestation pour les migrants du 4 mars

Suite à l’expulsion d’une partie de la jungle de Calais, une manifestation a été organisée le vendredi 4 au départ de Gare du Nord. Compte rendu d’un membre du groupe Regard noir de la fédération anarchiste.

Cette manifestation classique étant déclarée en préfecture, on aurait pu s’attendre à un défilé calme en direction de République ; pourtant, à cause d’un certain nombre de provocations de la part de la police, il en a été différemment. En effet, dès le départ de la manifestation, les CRS décidèrent de se mettre en ligne sur les bords de la manif’ avec pour but de la suivre « à l’allemande », c’est-à-dire de suivre le cortège à moins d’un mètre des manifestants. Cette provocation claire n’étant pas de suite contestée, une deuxième a suivi. Ces chers messieurs de la police nationale décidèrent donc que la manifestation se déroulerait à « mi-chaussée ». Pour ceux ayant passé le code de la route il y a un certain temps, la chaussée représente la zone de circulation des voitures et la mi-chaussée une zone ridiculement petite pour le déroulement d’une manifestation. Ce à quoi le groupe de réfugiés à l’initiative de l’évènement décida de résister dans une démonstration exemplaire d’unité et de repousser les CRS, refusant leurs injonctions absurdes. Les flics ne s’attendant pas à une telle résistance abandonnèrent leur tentative d’invisibilisation du cortège, préférant se concentrer sur la meilleure manière d’arborer une tête de fierté froissée en retournant sur le trottoir. Suite à ça, la manifestation avança, lentement mais surement, en direction de la place de la République, et ce malgré une tension dans l’air à couper au couteau et un certain nombre de coups de bouclier lorsque l’on passait à côté de ces fameux gardiens de la paix.

Arrivé à République, j’allais déposer les drapeaux au local, avant de revenir pour la dispersion. Pour ceux n’ayant jamais vu une dispersion de cortège de réfugiés, une certaine mise au point s’impose : le but de ces dispersions est de profiter de l’absence de médiatisation et de soutiens pour casser la volonté de protestation des réfugiés, ceci passant bien évidement par leur casser la gueule. Pour parler plus concrètement, la « stratégie » adoptée ici par les flics a été de pousser la quarantaine de réfugiés, et les quelques soutiens restant, dans les escaliers de la bouche de métro, ce qui fut particulièrement idiot car, comme dit plus haut, le groupe de réfugiés en question était très uni, déterminé et habitué à ce genre de sales coups ; ils décidèrent donc de bloquer l’escalier, bloquant ainsi l’avancée des flics. Ces derniers entreprirent donc de tabasser méthodiquement le premier rang. Coup de chance, le premier rang en question était en grande partie composé de soutiens, les flics ne pouvant donc pas frapper avec la même force et la même violence, de peur des retombées médiatiques. Ce fut tout de même une sacrée pluie de coups qui nous fut adressée, que ce soit coups de pieds, de poing ou même de tonfa dirigé en majorité à la tête (dont la mienne d’ailleurs). Pour rester dans le pléonasme, ce ne fut ni une expérience agréable ni une stratégie de maintien de l’ordre efficace car, malgré ça, le groupe de réfugiés ne recula pas d’un centimètre bloquant littéralement l’avancée des flics. Ces derniers décidèrent donc d’utiliser leur si chéri gaz lacrymogène ; nous fûmes donc obligés de descendre les escaliers, voire de les dégringoler pour certains. Étant sévèrement touché par le gaz, je ne « vis » plus rien durant les minutes suivantes. Toujours est-il que lorsque j’émergeais de ce brouillard de larmes, la majorité des soutiens et des réfugiés commençait à partir par les différentes sorties de la station en emportant avec eux les blessés les plus graves.

Ce qu’il est important de retenir de ce texte c’est que ce genre de dispersion n’est pas une exception : lorsque l’on est sans-papier, c’est la norme.

Les flics profitent de la situation précaire des réfugiés pour prendre des libertés qu’ils n’oseraient jamais prendre avec des Blancs, là où dans une manif’ classique de gauchistes, ils évitent au maximum d’avoir recours à leurs matraques (leur préférant la lacrymo) ; ils l’utilisent ici en premier choix. Mon cas est symptomatique : j’étais à un des endroits vraiment violents de la dispersion et je n’en retire pourtant que peu de séquelles, les flics rechignant à frapper ma tronche de babtou, et je ne peux malheureusement pas en dire autant pour le camarade Afghan qui était à ma gauche [1]. Cette violence systématique n’est pas gratuite ; elle a une volonté politique, une volonté de « casser » les mobilisations. Elle est aussi utilisée depuis des années pour chasser les camps de réfugiés en plein Paris, le degré de violence étant directement défini par le nombre de caméras et de soutiens présents. Les dispersions de camps de cet été étant particulièrement médiatisées, on y observait moins de violence physique.

En ce moment les caméras sont dirigées vers la Macédoine et évidement vers Calais, il est donc important de garder une forte présence de soutiens et de continuer à médiatiser envers et contre tous ces événements.

C. du groupe Regard noir

regardnoir.org

Notes

[14 personnes (migrantes) ont été transportées à l’hôpital à la suite de l’intervention policière

Localisation : Paris 10e

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