Samedi 6 décembre : récit d’une grosse journée d’agitation sociale

Un rassemblement à la mémoire de Malik Oussékine, une manif sauvage contre la police, une manif de chômeur-euse-s et une action contre les États généraux du Parti socialiste ! Tout ça en un seul jour !

Ce samedi 6 décembre 2014 était chargé en luttes sociales.

L’assemblée en lutte pour Rémi (et les autres) appelait notamment à deux rendez-vous :
- un rassemblement à 12h au 20 rue Monsieur le Prince (dans le VIe arrdt.), c’est-à-dire exactement là où a été tué Malik Oussekine il y a 28 ans.
- et une manif de chômeur-euse-s et précaires, place Stalingrad (dans le XIXe arrdt.).

Un peu après midi, rue Monsieur le Prince, il y avait une grosse centaine de personnes (dont un paquet de journalistes !) pour rendre hommage à la mémoire de Malik Oussékine, Rémi Fraisse et tou-te-s les autres. Dans une ambiance propice au recueillement, quelques discours sont prononcés et le tract de l’assemblée en lutte pour Rémi est distribué largement.

Un peu après 13h, le rassemblement se termine au son de « Pas de justice, pas de paix » et « Police nationale, milice du capital ». Certaines personnes se dirigent vers le Trocadéro (dans le XVIe arrdt.) pour un rassemblement en solidarité avec les proches de Michael Brown, tué par la police à Ferguson (dans le Missouri, aux États-Unis). Et un plus gros groupe, d’une petite centaine de personnes, part en manif sauvage avec l’intention de rejoindre la place Stalingrad pour la manif des chômeur-euse-s.

La manif sauvage est plutôt joyeuse, il y a beaucoup de monde dans les rues et on peut dire que les slogans et les centaines de tracts de l’assemblée sont cette fois loin d’être inutiles (je dis ça parce que ce n’est pas toujours le cas, mais on fait ce qu’on peut...). On crie plus ou moins les mêmes slogans que lors des manifs de ces dernières semaines, avec un changement notable concernant le « Flics, porcs, assassins », transformé en « Flics, fachos, assassins », avec la volonté compréhensible de ne pas assimiler nos amis les animaux aux détestables forces de l’ordre.

La manif est dynamique et zigue-zague entre les petites rues des VIe et Ve arrondissements. La police a du mal à suivre... Quelques flics en civil se prennent d’ailleurs quelques oeufs pourris, des tags sont inscrits sur quelques murs et des fumigènes sont craqués de temps en temps. Alors qu’on a traversé le Ve arrondissement d’ouest en est, on entend de plus en plus les sirènes des flics, ça se rapproche... À tel point que l’on commence à voir la couleur des voitures à gyrophare. Ça crie « on se casse par le métro Jussieu ! », tout le monde court vers le métro, on s’assure tant que possible que tout le monde est là, et les dernier-e-s balancent à nouveau quelques oeufs sur les voitures de flics qui arrivent en speed derrière nous.

Finalement, on prend tou-te-s le métro en direction de Stalingard, pour rejoindre la manif des chômeur-euse-s.

Là, ce sont plusieurs milliers de personnes qui manifestent (dont un bon nombre d’organisations de chômeur-euse-s), 8 000 selon les organisateurs et 850 selon la police (dixit une brève de l’AFP publiée sur le site de L’Express).

Un cortège autonome est constitué derrière une banderole « La police tue et assassine / Ni oubli ni pardon » et réunit au moins 200-300 personnes qui entonnent des slogans classiques et néanmoins offensifs allant de « À bas l’État, les flics et les patrons » à « Frappons vite, frappons fort, un bon flic est un flic mort ». Alors qu’on est sur le boulevard de la Chapelle, la manif étant partie depuis quelques minutes seulement, une petite partie des manifestant-e-s (dont une grosse partie du cortège autonome, ainsi que des chômeur-euse-s, des intermittent-e-s, etc.) bifurquent et s’engouffrent dans le métro La Chapelle. Le mot circule qu’une action aura lieu vers la porte de la Villette où se tiennent les États généraux du Parti socialiste... On fait donc demi-tour et on change à Stalingrad, direction porte de la Villette.

Là, on descend au pas de course et on réussit bizarrement à entrer dans le Paris Event Center, où se tiennent donc les « États généraux des socialistes », clairement étiquetés PS. On était pourtant repérables assez rapidement, et ça semblait assez simple pour eux de nous fermer les grilles d’entrée au nez, mais on a finalement réussi à rentrer massivement, les vigiles tentant difficilement de choper une personne ici ou là mais laissant passer 90% des manifestant-e-s. Déjà, quelques échaufourrées ont lieu à cause de la brutalité des vigiles.

Dans la cour, on est 150 à 200 personnes, le slogan « Chômeurs, précaires, intermittents, solidarité » est crié, on cherche vite fait le bâtiment où se tiennent les fameux « États généraux » mais des gros bras du PS sortent de partout et tentent de nous bloquer violemment. Ça se tape dès qu’on essaye d’avancer un peu, ça gueule dans tous les sens, le slogan « P comme pourris, S comme salauds, à bas le Parti socialo » est repris plusieurs fois, gâchant nécessairement l’ambiance du congrès, même si l’on n’a pas pu entrer dans le bâtiment...

Des coups sont échangés, la sécurité du PS pète des câbles et gaze à la lacrymo dans la face de plusieurs camarades, certains sortent même les tonfas et y a même un gros ouf qui sort son taser et agresse plusieurs personnes avec son arme de flic ! La colère monte de plus en plus, les grandes pancartes du PS sont détruites, des gros pots de fleurs sont renversés ainsi que deux scooters (va savoir, y a peut-être celui de François Hollande ?). Les vigiles du PS sont ultra agressifs, un copain a la gueule en sang tandis que d’autres ont les yeux rougis par les lacrymos.

Dehors, des dizaines de fourgons de flics et de CRS sont arrivées et bloquent l’entrée/sortie. Quelques personnes commencent à chercher une « issue de secours », et vu l’ambiance délétère, presque tout le monde se dirige vers l’arrière du Paris Event Center, en franchissant une petite ligne de vigiles (y en a partout !). Sur les côtés, des hauts murs sont protégés par des barbelés, mais heureusement, au fond, il a quelques trous dans leur complexe « clos et privatif » (on aurait d’ailleurs pu entrer par là, l’effet de surprise aurait été plus sympa...).

De nombreuses personnes s’échappent donc par là, mais quelques dizaines de personnes restent prisonnières du service d’ordre du PS et des flics (car entre temps des flics sont entrés en renfort, mais ceux-ci se font plus discrets que les vigiles du PS, c’est dire la violence de ces derniers !).

Un peu plus tard, des gens se rassemblent à l’entrée du Paris Event Center en solidarité avec les personnes « enfermées » à l’intérieur. L’éternel « Libérez nos camarades » est crié, en vain, puisque une soixantaine de personnes sont finalement interpellées à l’intérieur puis emmenées au commissariat de la rue de l’Évangile, dans le XVIIIe arrdt. (Elles ont finalement toutes été relâchées avant 21h, a priori sans aucune poursuite judiciaire.)

Tout cela coïncide avec la fin du congrès du PS, les gens qui en sortent sont donc copieusement hué-e-s. Quelques slogans leur sont adressés, dont un efficace « PS, MEDEF, même combat ». Et cela se passe dans un décor explicite : des dizaines de véhicules de police, des rangées de CRS qui protègent les socialistes, le tout sous une énorme pancarte officielle qui trône à l’entrée : « États généraux des socialistes / Bienvenue / PS ».

Les gouvernements se succèdent, de droite à gauche, c’est toujours la même merde, et s’il y a bien quelque chose de sûr et certain, c’est que la révolte est nécessaire.

Localisation : Paris

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