Un cortège anodin et conséquent
Alors que la dernière manifestation des avocats datait de 2006, ils ont été bien plus de 3 000 avocats [1] à défiler dans les rue de Paris ce lundi 7 juillet 2014. Plus de la moitié n’était pas de Paris.
En appelant à la troisième journée de grève en un mois, le Conseil National des Barreaux (CNB) veut mettre le gouvernement sous pression, à l’heure de réformer le mode de financement de l’aide juridictionnelle (A.J.) qui permet la prise en charge des frais de justice des citoyens les plus précaires.
Texte d’un des tracts distribués pendant la manif’ :
Les avocats défendent une justice pour tous
Avoir des droit, c’est bien. Pouvoir les exercer, c’est mieux.
Plus de 9 millions de personnes en France ne peuvent accéder à la justice par leurs propres moyens, et dépendent d’une prise en charge par l’État : c’est l’aide juridictionnelle.
Aujourd’hui, cette aide juridictionnelle est en danger.
En dépit des nombreuses alertes lancées depuis des années par les avocats, et alors que la demande de droit ne cesse de croître dans notre pays, l’État n’a pas su faire évoluer le budget qu’il lui consacre.
En défendant les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle pour une indemnisation symbolique, les avocats assurent à leurs frais le fonctionnement d’un dispositif à bout de souffle.
Si le gouvernement ne réagit pas maintenant, nous connaîtrons demain une justice à deux vitesses où chacun sera défendu en fonction de ses seules ressources.
Nous ne voulons pas de cette justice-là.Parce que l’égal accès au droit est un impératif démocratique, les avocats se mobilisent pour vous aujourd’hui.
Réformons l’aide juridictionnelle. Vite !
Un projet gouvernemental comme remise en question du système de l’A.J.
En 2013, 787.289 missions rémunérées par l’aide juridictionnelle ont été assurées par 25.663 avocats sur les quelque 60.000 que compte la profession [2].
Le projet du gouvernement serait alors la mise en place d’une contribution financière des avocats eux-même pour le système de l’aide juridictionnelle. Si le projet de la ministre de la Justice serait officiellement de ne pas taxer la profession mais de « proposer un mécanisme de solidarité à l’intérieur de la profession », il n’en reste pas moins une vraie remise en question du système de l’aide juridictionnelle.
Néanmoins cela créerait une catégorie d’avocats indemnisée par d’autres avocats. Ce serait entériner la présence d’une forme de caste d’ "avocat assisté" par certains de leurs pairs. Drôle de relation à l’intérieur de la profession... .
C’est aussi et surtout l’occasion pour le gouvernement d’introduire à petite dose une refonte total du système de contribution de l’A.J.. Après avoir divisé la profession pour mieux régner, la route sera toute tracée pour taxer tous les avocats (qu’ils travaillent ou non à l’A.J.) afin de finaliser le désengagement de l’État dans ses sacro-saints "services publics" comme cela est déjà en cours dans d’autres secteurs (comme dans les transports, etc.).
D’autres source de financement
Certains avocats proposent d’autres sources de financement pour renforcer le budget de l’A.J. : une augmentation des droits d’enregistrement (perçus sur des actes juridiques et des mutations), une taxation des actes juridiques déposés non enregistrés (par exemple dépôts de brevets, de marques ou de comptes de sociétés) ou encore une taxe sur les contrats d’assurance.
La revendication d’une revalorisation de l’Aide Juridictionnelle
Au-delà du mode de financement, les avocats demandent une revalorisation du barème d’indemnisation des avocats qui pratiquent l’aide juridictionnelle. Le montant de l’aide juridictionnelle [3] n’a pas été modifié depuis 2007 : l’indemnisation par l’aide juridictionnelle est donc en chute libre, ne suivant même pas l’inflation depuis plus de 7 ans !
On pouvait entendre à l’intérieur du cortège les avocats dire « Quand on voit ce qu’on est indemnisé pour des dossiers qu’on traîne parfois plus de deux ans, c’est dérisoire » ... .
Un mouvement qui pourrait continuer
Une délégation devait être reçue, à l’issue de la manifestation, par le cabinet du Premier ministre.
La profession d’avocat n’était pas descendue dans la rue depuis 2006 même si la revendication de la revalorisation de l’A.J., tout comme la volonté de poursuivre le mouvement, ne font pas l’unanimité. Pour l’anecdote, on pourra d’ailleurs noter que le barreau de Paris était un des rares à ne pas avoir de banderole mais les choses pourraient changer avec les futures élections au sein de la profession quand on sait que le bâtonnier actuel de Paris est loin de faire l’unanimité à Paris et que ses propos, suite aux affaires de M. Sarko et de M. Herzog, ont pu offusquer au sein même de sa profession...
Certainement à suivre... .}