Quand l’Etat assassine une grand-mère au nom de la Monarchie de Juillet

Yvette Bert, surnommée par chez elle « Mamie Loto », 76 ans, est morte d’épuisement au centre hospitalier de Helfaut dans le Pas-de-Calais où elle avait été acceptée pour troubles respiratoires. « Mamie Loto » avait défrayé la chronique pour avoir été poursuivie par le tribunal correctionnel d’Aras. Son crime ? Accroche toi bien à la barre, ça risque de tanguer : avoir organisé 160 lotos « clandestins » dont les bénéfices étaient reversés intégralement à des associations caritatives ou des personnes dans le besoin. Soit au total, 460.753 euros de 2009 à 2013.

Ainsi, il faut souligner que ces jeux fleurissent de plus en plus en France ces dernières années, répondant à un contexte d’insécurité économique devenu chronique.
La région d’Yvette, le Nord pas de Calais, est la plus touchée de France par le chômage, où, au 2e trimestre 2013, le taux officiel atteignait 13,3% de la population contre 9,9% de la population en France. Avec une augmentation de 3,2% de chômeurs par an, dont 19,7% ont moins de 25 ans et 47,7% le sont depuis plus d’un an, autant dire que Mamie Loto portait assistance, munie de son temps libre, de ses simples cartons de loto et de son unique dynamisme.

Mais revenons à notre Mamie Loto. À quelle peine avait été condamnée notre généreuse Mamie par le parquet d’Arras ? Là encore, accroche toi bien, cela risque de tanguer à nouveau :

  • 6 mois de prison avec sursis.
  • 10 000 euros d’amende dont 5,000 pour abus de confiance (sur les 50 à 200 personnes qui venaient chaque week-end participer au loto qu’elle organisait en louant une salle à 2000 euros par mois).
  • 400 euros de déficit douanier au fisc.
  • 29 435 euros de pénalités de douane.
  • 88 007 euros de montant de droits fraudés.

Soit un total de 117 842 euros et 6 mois de prison avec sursis. Et si tu croyais être arrivé au bout de tes surprises, lectrice, lecteur, laisse moi te dire que le plus effarant reste à venir.

La loi sur laquelle s’est appuyée le tribunal d’Arras, est la loi qui stipule que « Les loteries de toute espèce sont prohibées » et donne de facto le monopole de l’organisation des jeux à la Française des jeux, donc l’État. La loi du 21 mai 1836. Tu as bien lu… une loi qui date de la Monarchie de Juillet ! En plein sous le règne de Louis Philippe, l’année même où est inaugurée à Paris l’Arc de Triomphe.

Une époque où la France gouvernée par la bourgeoisie conservatrice et religieuse, entrait de plein pied dans l’ère industrielle (extraction des houilles du Nord, construction des premiers chemins de fer, des grandes aciéries, des usines textiles). L’époque où la classe ouvrière s’accroissant, était misérable et méprisée comme rarement dans notre pays elle l’a été. Une période si sombre qu’elle donnera naissance à l’insurrection parisienne de 1848. C’est Balzac, et c’est aussi la genèse des Misérables de Victor Hugo.
Au nom d’une loi archaïque, datant d’une époque archaïque, la « Justice » a rendu un jugement archaïque, condamnant ainsi une grand mère de 76 ans a une mort sociale et économique certaine.

Ou pour reprendre les mots tellement appréciés par les « juges », la justice a « donné à Yvette Bert, la mort sans intention de la donner ». Sans intention de la donner, parce que comme Yvette, nous sommes généreux. En vérité, appelons un chat un chat, l’État voulait faire un exemple et les juges se souciaient comme de leur premier script des conséquences qu’une telle condamnation aurait sur une femme âgée et à la santé physique déjà fragilisée. Ainsi, la presse aux bottes du pouvoir, rejette déjà sans que personne ne lui demande la faute de la mort sur la grand-mère elle-même, en raison de son état dépressif.

Ainsi, on nous dépeint d’un côté une grand-mère dynamique (et on ne le saurait l’être moins pour organiser chaque semaine dans la région, à 76 ans des lotos de 50 à 200 personnes) et d’un autre côté une grand mère dont on croirait que ce n’est plus du tout la même, dépressive, et déclarant vouloir mourir.

Entre ces deux femmes, qui sont pourtant la seule et même mamie de 76 ans, 117 842 euros d’amende et 6 mois de prison.

A se contenter de 650 euros par mois et se décarcasser pour venir en aide aux plus démunis quand soit même on est dans la misère, et se faire condamner pour délit de solidarité au nom d’une loi archaïque, j’aimerais savoir, moi, lequel de ces excréments de vautours auraient encore le sourire après une telle sentence ?

Note

Sources : 20 Minutes et l’Express.

  • Legifrance.fr
  • La carte de France du chômage, région par région, Capital, 25 juillet 2013
Mots-clefs : justice

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