Pour un mouvement sur brulis

Texte introductif d’une série d’hypothèses sur la place que pourrait prendre le mouvement dans nos luttes.

Il nous faudrait arrêter d’attendre du mouvement social une « victoire », et le voir comme ce qu’il pourrait être : un instrument parmi d’autres, nous permettant d’avancer dans nos objectifs : nous rendre visibles et rejoignables, augmenter notre nombre, changer nos quotidiens et, en dernier lieu, libérer des territoires.

Acte 1 : Rentrée 2017

Après un été macronien qui a été au-dessus de nos craintes et plus d’un an après le mouvement contre la loi travail qui ne cesse d’ouvrir les possibles, on pourrait presque croire que pour la saison 2017-2018 c’est la révolte qui part favorite. Nous sommes à présent à la veille du lancement d’un nouveau mouvement social dont personne n’est réellement capable de dire la forme qu’il prendra.

Quand le mouvement éclate, que ce soit par colère ou par enthousiasme, difficile de ne pas s’y laisser emporter. Dans ces moments, on se sent fort, on exulte ! On jubile en voyant la rue qui se remplit, les facultés enfin agitées et les raffineries bloquées. On voit dans ces moments que l’on n’est pas si seul, que l’inertie apparente n’était qu’un écran de fumée. Derrière, les corps attendaient. Mieux, ils trépignaient.

Si nous voulons profiter de ce moment pour nous renforcer et propager nos idées, il va nous falloir être rusés et habiles, car en face, s’ils se permettent tant de mépris et d’audace, c’est sans doute que la machine répressive est prête.

À se demander si ce n’est pas une sorte de piège que l’on nous tend, un peu comme une immense nasse, à l’échelle d’un mouvement cette fois. Son but serait d’isoler les plus déterminés d’une masse qui hésite et tarde à les rejoindre. Une fois identifiée, l’autorité pourra acculer, encercler, ficher et réprimer violemment les récalcitrants. Pour nous affaiblir le plus possible et surtout pour empêcher qu’on se retrouve à nouveau sur le chemin d’un président dont le mandat promet d’être dévastateur pour tout le monde. Car finalement tout mouvement peut être un piège que nous nous tendons à nous-mêmes quand il est envisagé comme un moment décisif, ou plutôt le seul moment décisif. Croire que le salut viendra de la révolution ou qu’un mouvement peut, doit « réussir », c’est se rendre vulnérable à leurs échecs, malheureusement incessants. C’est cette vision qui aujourd’hui comme hier, pousse tant d’individus, militants ou non à la résignation ou à l’épuisement.

Attention, énoncer ces évidences n’a pas pour but de faire la leçon à qui que ce soit, mais bien d’essayer de rappeler des choses que la frénésie du calendrier politique s’efforce de nous faire oublier.

Penser le mouvement (ou la révolution et l’insurrection) comme un moyen plutôt qu’une fin, voilà ce qui nous permettrait de sortir de cette spirale négative. Plus de grand soir émancipateur à attendre… Mais une multitude de jours et de nuits qui peu à peu nous rapprocherons des formes de vies que nous souhaitons.

Il nous faudrait arrêter d’attendre du mouvement social une « victoire », et le voir comme ce qu’il pourrait être : un instrument parmi d’autres, nous permettant d’avancer dans nos objectifs : nous rendre visibles et rejoignables, augmenter notre nombre, changer nos quotidiens et, en dernier lieu, libérer des territoires.

Si nous appelons à abandonner l’idée de la révolution comme une fin, ce n’est pas par manque d’ambition mais au contraire par ambition véritablement révolutionnaire. Non pas pour mépriser les changements matériels pour le plus grand nombre, mais pour bouleverser nos vies de façon durable.

Si nous voulons réellement profiter des mouvements, et plus particulièrement de celui qui arrive, il faut nous entendre sur le sens profond et l’utilité qu’il peut avoir pour la période de lutte dans laquelle nous nous trouvons. Ce qui va se jouer maintenant dépend de ce qui s’est construit avant, et de son déroulement dépendra ce qui se construira après. Mouvement-construction-mouvement-construction.

Comment contrôler ces deux phases pour qu’elles se nourrissent réciproquement, pour ainsi permettre la naissance d’un cycle, enfin, inarrêtable. C’est cette question que nous devons garder en tête lors de ce mouvement, non pas pour s’écarter de celui-ci, mais pour lui donner tout son sens.

Quelques Enfants de la nasse.

https://sortirdelanasse.wordpress.com/

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