Pour Batigère, le logement social est un business comme un autre

Soixante-dix mal-logés du Collectif des Mal Logés en Colère ont investi le 25 septembre 2014 le siège de la FIAC, une des filiales du bailleur social Batigère.

Les rapports de la MILOS, obtenus et publiés par la CLCV [1] dévoilent des pratiques inacceptables chez ce bailleur, notamment le recours aux emprunts toxiques qui mettent en danger à très court terme, les finances d’un bailleur alimentées par l’argent public.

Occupation de batigère en Janvier 2010

Au delà, les choix qui sont faits par certaines filiales de Batigère en terme de production, notamment le recours à l’usufruit locatif social, sont désastreux pour les demandeurs de logement.

Le logement social est un bien commun, financé par l’argent public. Les bailleurs sociaux nous doivent transparence et bonne utilisation des fonds. Demandeurs de logement, locataires du parc social, nous nous invitons chez Batigère, un bailleur social dont la gestion a de quoi laisser perplexe.

Batigère et l’Usufruit Locatif Social.

La FIAC filiale de Batigère annonce fièrement la livraison à Clichy (92) de 29 logements en ULS.

Les logements en usufruit locatif social n’appartiennent pas au bailleur social, mais à un propriétaire privé qui en laisse la gestion à Batigère pour quinze ans. En échange, ces propriétaires privés obtiennent jusqu’à 50% de remise sur le prix de vente du bien, des exonérations d’impôt sur la fortune et sur les plus values, et l’engagement de la remise en état du bien à l’issue de la période d’usufruit.

C’est une bonne affaire pour les promoteurs, une très mauvaise pour les mal-logés et les bailleurs : ces logements sont tous en PLS, les loyers les plus chers du parc social, inaccessibles à 80% des demandeurs. Dans quinze ans, ces logements retomberont dans le parc privé, et le bailleur devra reloger les locataires présents ou racheter le bien au nu-propriétaire. En prévision, un gouffre pour les finances du logement social, comparable à celui créé par la vente des logements d’ICADE.

Batigère, les rémunérations des dirigeants et les conflits d’intérêt

Après des mois de combat, la CLCV a pu obtenir les rapports de la MILOS, la mission d’inspection du logement social .

On y apprend qu’une filiale de Batigère s’exonère de toutes les règles en accordant par exemple à un dirigeant en départ en retraite, une prime de 200 000 euros sans même avoir consulté le Conseil d’Administration. De plus, certains dirigeants ont une pléthore de mandats et de fonctions différentes dans les sociétés du groupe (jusqu’à 27), ce qui donne lieu à des conflits d’intérêts et à une gestion opaque. Par exemple, la maison-mère facture des prestations à des filiales à des prix anormaux au regard du marché.

Batigère et les emprunts toxiques

Certaines filiales de Batigère se sont endettées lourdement (208 millions d’euros pour Batigère Nord Est) avec des emprunts dont les taux d’intérêt peuvent brusquement être multipliés par 5 ou par 10. Ce sont ces types de contrats (les swaps) qui ont mis dans la difficulté beaucoup de collectivités territoriales ces dernières années. Or les bailleurs sociaux ont un recours privilégié aux fonds du livret A et aucune raison d’aller souscrire de tels contrats à risque pour leurs finances et celles des entités publiques qui les subventionnent.

Comme le dénonce très bien la CLCV à l’occasion de la publication des rapports de la MILOS sur des dizaines de bailleurs sociaux, le monde du logement social a pris l’habitude de fonctionner dans l’entre-soi : les règlementations complexes, les lois successives qui redéfinissent la notion de « logement social » elle même, la multiplication des financements, les structures complexes des maisons-mère et de leurs innombrables filiales, tout concourt à l’opacité et à l’absence de transparence réelle.

Dans une période où les loyers des HLM ont augmenté énormément en dix ans, où la production de logements sociaux est drastiquement insuffisante, où les charges dans le parc public sont proportionnellement plus importantes que dans le parc privé, où des millions d’habitants de ce pays ne peuvent se loger décemment, les budgets alloués au logement social doivent être préservés et utilisés pour leur vocation initiale.

Note

Publié sur le site du Collectif Mal Logés en Colère
Une occupation des locaux de Batigère avait déjà eu lieu en janvier 2010, à l’initiative de ce même collectif.

Mots-clefs : logement social | finance
Localisation : Paris 19e

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