Petit témoignage d’une blessée de la manif du 14 juin contre la loi Travail et son monde.

Récit d’une manifestante blessée à la tête par un tir de flash-ball à Paris alors qu’elle venait en aide à une passante et de son passage aux urgences.

Mardi 14 juin vers 14h20 boulevard Port Royal, alors que nous manifestions en tête de cortège, l’ambiance a commencé à chauffer. Ça a gazé sévère, la foule s’est rangée du côté gauche de la manif. Une dame d’une soixantaine d’années s’était assise sur le bord du trottoir. Sur le trottoir en face les flics (CRS, ou gardes mobiles je ne sais pas) envoyaient des bombes lacrymogènes en direction de la foule et donc de cette dame. Elle ne bougeait pas et semblait terrorisée, avec un ami on est allé la voir et on l’a aidé à se lever pour avancer afin qu’elle ne se fasse pas blesser. Mais avec le gaz en masse, nous avions du mal à avancer. D’un seul coup j’ai senti un choc brutal sur ma tempe droite, ça raisonnait dans mon oreille, j’ai lâché cette femme et me suis mise à terre en hurlant. Je venais de me prendre un tir de flash-ball directement sur ma tempe !!!

Mon ami est arrivé pour m’aider ainsi que des camarades des équipes de médics, ils m’ont aidée à me mettre sur le côté, moi j’hurlais de douleur et de peur pensant à mon oreille, à mon ouïe, et aux séquelles que je pourrais avoir. Les manifestants ont réussis à négocier avec les flics que je sorte avec mon ami, mais dans la foulée les flics les ont bousculés, alors qu’il ne se passait rien.

Je suis allée aux urgences de l’hôpital Cochin, en y arrivant nous avons retrouvé d’abord 6 autres manifestants blessés à la tête, puis de plus en plus. En discutant avec eux j’ai appris que les flics les avaient matraqués à la tête, les blessures étaient plus ou moins profondes, mais beaucoup saignaient. Les manifestants disaient comme pour se justifier « j’ai rien fait ». Plus le temps avançait, plus les urgences se remplissaient de manifestants blessés à la tête...

« J’ai rien fait » je suis éducatrice et je travaille avec des enfants qui peuvent avoir des activités délinquantes et qui se font bien souvent frapper par les forces de l’ordre publiques ou privées. Un jour plusieurs d’entre eux ont été agressés en rentrant chez eux par des baqueux en civil, lorsqu’ils nous l’ont raconté les enfants ont dit « j’avais rien fait », mais que l’on fasse ou que l’on ne fasse pas les forces de l’ordre n’ont pas à nous frapper en toute impunité, que ce soit frapper des enfants par ce qu’ils n’ont pas la bonne couleur de peau, ou des manifestants parce qu’ils décident de manifester contre une loi pourrie au devant des cortèges syndicaux !!!
Le personnel soignant s’est vite organisé et je les remercie de toute leur bienveillance. À priori je n’ai pas de trauma crânien, et garderais sûrement de cette manif la trace d’une balle de flash-ball sur ma tempe durant plusieurs jours.

Par la suite, je suis sortie des urgences et j’ai repris la manif, un peu avant Invalides un cordon des forces de l’ordre a bloqué la manif et je n’ai toujours pas compris pourquoi les cortèges syndicaux n’ont pas continué malgré ce faux blocage alors que de nombreux manifestants et militants de leurs organisations étaient malmenés à Invalides.

Je ne veux pas avoir de débats sur les « casseurs », certain manifestent en cassant des banques ou autres symboles du capital, d’autres avec leurs organisations et leurs drapeaux, d’autres en buvant du Mojito. Perso je ne rentrerai pas dans le jeu du gouvernement d’essayer de nous diviser. Cette loi on n’en veut pas, cette société on n’en veut pas, on n’a pas tous la même colère, ni même la même manière de l’exprimer, mais si on veut que ça change il va falloir unir nos forces !!!

Je pense que si c’est la tête de manif qui trinque à chaque fois, ce n’est pas juste parce qu’il y aurait des « casseurs » mais aussi parce que les gens qui arrivent à s’organiser indépendamment des partis et des syndicats, ça fait flipper. On ne sait pas où ça va, on ne sait pas qui dirige donc avec qui négocier. Et surtout ça sent trop la liberté et l’épanouissement collectif. Bref ça fait flipper donc faut nous casser ? Particulièrement lors d’une manif unitaire qui rassemble ces forces venant des quatre coins du pays. Si le gouvernement nous laisse nous rencontrer et nous organiser entre Nuits Debout et militants syndicaux, politiques et associatifs ça risque de leur créer des complications. Car oui nous sommes de plus en plus nombreux à nous rendre compte que la société capitaliste est responsable des guerres, des morts sur les chemins des migrations, des morts dans nos rues... Et qu’un jour lorsqu’on arrêtera de se diviser entre nous, on risque de pouvoir détruire leur système !!!

Enfin après de nombreuses années de manif et de militantisme, il m’aura fallu attendre un gouvernement socialiste pour me prendre un tir de flashball dans la tête lors d’une manifestation... ça se passe de commentaire.

Localisation : Paris

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