Permis de démolir ?

Contre cette société, ses flics, et ses jobs pour morts-vivants, il faut que nous arrivions à constituer un mouvement de sédition généralisée. Si, quantitativement, il n’y a pas encore beaucoup de luttes à faire converger, il y a au moins quelque chose de plus léger dans l’atmosphère, une faille qui s’ouvre. Élargissons la !!

LE TRAVAIL, qu’on en ait pas ou qu’on cherche anxieusement à le conserver, C’EST L’ÉPOUVANTAIL QUI NOUS EMPECHE DE NOUS POSER LE TEMPS NECESSAIRE POUR PENSER LA VIE QUON VOUDRAIT AVOIR.
Et la Police n’est là que pour surveiller les travailleurs, et terroriser ceux qui ne veulent pas en être...
ARRÊTONS LE TRAVAIL !
...DÉTRUISONS LA POLICE !

La normalité s’est enfin cassée la gueule : ne la laissons pas se relever !
(À défaut d’y parvenir : mettons lui un bon coup de pied en passant).
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Permis de démolir ?

C’est une bourrasque d’air chaud qu’on se prend ces jours-ci dans la face. Un de ces moments flous, confus, où tout ne sent pas toujours très bon, mais où l’atmosphère s’allège brutalement, et où se desserre la pression de la botte que la société nous tient habituellement écrasée sur la gueule. Ce n’est peut-être pas grand chose, mais il ne faut pas se leurrer : c’est déjà énorme. Et c’est même inespéré, quand on se remémore le climat d’apathie complète et de désespoir qui régnait il y a encore quelques semaines.

C’est déjà arrivé à n’importe qui de reconnaître des visages humains dans la lune, ou des armées dans les nuages, et si nous ne corrigeons pas par l’expérience et la réflexion ce penchant naturel, adieu la réalité ! C’est précisément avec cette réalité que trop de compagnons ne veulent surtout pas se retrouver nez-à-nez : il est tellement plus simple de se découvrir des alliés dans le premier citoyen indigné venu, ou dans le premier salarié en grève, et de voir par exemple une foule en révolte qui bout d’impatience d’en découdre (variante : une assemblée à manipuler) là où il n’y a qu’un amas confus d’anciens et de futurs électeurs de gauche, de travailleurs précaires au bout du rouleau et de militants radicaux déboussolés, assis, qui s’écoutent parler.

Nous pensons qu’il faut faire l’effort, et qu’il faut le faire maintenant, tout de suite, de ne pas se raconter d’histoire et de ne pas parler à la place des gens.

Nuit Debout, c’est dégueulasse. Cette espèce de grande communion conformiste, étatiste, légaliste jusqu’à la folie furieuse (« L’État, c’est nous : la police, avec nous ! », scandé par des dizaines de personnes...), a largement de quoi donner la nausée, et constitue le terrain rêvé pour tous les politiciens, tous les militants de la gauche-de-la-gauche, bref pour tous les manipulateurs de l’absence de révolte. Mais si ce n’était que ça les premiers jours, ce n’est plus seulement ça maintenant. Parce que ça déborde, parce que des choses très fondamentales sont mine de rien remises en question. L’idée toute simple qu’une institution criminelle comme la Police est une grande partie du problème commence à être de plus en plus communément partagé, ça se voit, ça s’entend. Quel authentique progrès ! Et de manière parfaitement symétrique, comme le dessous d’un iceberg va avec le dessus, les troubles autour des lycées, et la réjouissante culture de l’auto-défense face aux agressions policières qu’ils semblent amener avec eux, sont complètement impossibles à interpréter de manière univoque. Derrière le spectacle d’une pure négativité sans projets (émeute devant les caméras !), ce qui passe en contre-bande c’est potentiellement tout un tas d’autres choses : des choses inutiles, secondaires, mais aussi des choses belles et susceptible de donner le tournis, comme par exemple le goût de parler pour faire quelque chose de ce que l’on dit, la rage d’avoir des idées et non plus seulement des opinions, et même le refus viscéral de se laisser terroriser. Encore une fois, quel progrès !
Ça fait quoi, vingt ans ? Trente ans ? qu’on défile pieusement pour « la convergence des luttes », cette vieille rengaine rance de la gauche-de-la-gauche qui cherche à masquer la faiblesse des « luttes » réelles et à créer l’illusion de la masse par l’accumulation d’exemples isolés. Ça suffit. Mettons cela bien au clair : la convergence des luttes, c’est du vent ! Bien sûr qu’on a tous envie d’être moins isolés dans la lutte, que c’est horrible d’être le seul à essayer de faire grève dans sa boîte, ou d’affronter à dix le matin la brutalité vicieuse des flics venus débloquer l’entrée du lycée. Mais on ne constituera pas un mouvement de sédition généralisée contre la société, ses flics, et ses jobs pour morts-vivants, en accumulant des bribes de refus microscopiques : on ne reconstitue pas une baguette de pain en recollant des miettes.

Alors il ne s’agit pas d’attribuer une rage libératrice, et des sentiments et des passions antiautoritaires, aux plus inanimés et platement conformiste des discours « indignés », en faisant par exemple comme si c’était a priori un truc de révolté de bloquer son lycée, de péter une vitrine, de manifester le samedi ou de s’assoir en rond sur une place pour « refaire le monde ».

Pour l’instant, force est de constater que quantitativement, il n’y a pas grand chose à « faire converger ». Que trois mille lycéens sèchent les cours et se retrouvent dans le même cortège que quelques centaines d’étudiants, une dizaine d’épiciers bios et une pincée de vrai-prolos-garantis-CGT, après tout on s’en fout. C’est une banalité, mais c’est aussi quelque chose qu’il faudrait garder en tête, cette idée que dès lors qu’elle n’est pas revendiquée comme telle, la révolte est toujours la moins probable des explications à une perturbation de l’ordre quelle qu’elle soit. Une poignée de lycéens qui essayent de bloquer leur lycée ou qui défoncent un commissariat peuvent le faire pour tout un tas de raisons contradictoires : pour le plaisir (et c’est très bien), pour ne pas aller en cours (et c’est très bien !), mais aussi pour faire plus fort que le bahut voisin, pour passer sur BFM, pour s’assurer un minimum de considération et la perspective d’un boulot pas plus merdique que celui de papa... Pour plein de choses en fait, mais contre quoi ?

Après tout, rien ne les oblige à le dire, et la rage diffuse, la volonté de venger un condisciple tabassé par les flics, l’ennui, ou même pourquoi pas une colère qui refuse de se justifier, tout cela est parfaitement respectable et doit attirer la sympathie active des réfractaires de tout genres. Mais on ne nous ôtera pas la tête cette autre idée : que le dégoût de ce monde ne suffit pas pour nourrir une volonté de se battre et de diverger du train-train quotidien dans la durée, et qu’il faut pour cela se livrer à ce premier renversement de l’ordre établi qu’est la communication des raisons de son insatisfaction, qui la transforme en refus conscient.

Et pour notre part, les premières raisons qui nous viennent à l’esprit sont tout autant de questions : Combien d’êtres humains se sont démolis à produire les saloperies qui remplissent ces boutiques ? Et combien se sont démolis à gagner de quoi acheter ces saloperies, qui souvent une fois acquises les rendent malades et finissent aussi par les tuer ? Combien de gens ont-ils ces bonnes raisons de mettre ces lieux maudits en pièces ?

Que ceux qui sont les défenseurs de cette bizarre propriété et cet étrange commerce prennent garde que l’on ne vienne à la fin se venger sur eux, sur leurs biens, et sur leurs idées du bonheur. Ils font beaucoup de travailleurs démolis, et beaucoup de chômeurs démolis, et beaucoup de consommateurs démolis, mais à la fin ils pourraient bien se faire démolir, eux-aussi.

Des divergents

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Mots-clefs : nuit debout

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