Parano dans les bureaux

Depuis quelques semaines, des occupations ou tentatives d’occupation de salles ont eu lieu dans quelques universités parisiennes. Chacune d’elle a rencontré une certaine adversité de la part des directions universitaires et de l’autorité publique. Ce communiqué revient sur les éléments et situations auxquels les différentes salles ont du faire face et rappelle quelques règles de base concernant la surveillance et le contrôle dans les universités.

Depuis quelques semaines, les autorités universitaires semblent de nouveau sujettes à une attaque paranoïaque aiguë comme cela leur arrive fréquemment. Les symptômes sont aisément identifiables : instauration d’un contrôle des accès avec fouille des sacs et vérification des identités, demande d’entretien avec les collectifs et représentant-e-s étudiant-e-s pour clarifier la situation, échanges plus nombreux qu’à l’accoutumée avec les autorités publiques et – lors des attaques paniques – suspension des cours et fermeture des locaux.

Depuis un an, cette paranoïa pouvait prendre pour excuse l’État d’urgence décrété suite aux attentats de novembre 2015. Ce prétexte au contrôle à tout va a fait long feu – à tel point que la présidence de l’Ehess n’a pu qu’évoquer « le contexte que vous connaissez » tant il aurait été grotesque d’évoquer explicitement la menace terroriste pour faire interdire une réunion publique. La corrélation entre l’instauration régulière des contrôles des accès et les différentes activités politiques prévues dans les locaux n’est plus simplement suspecte, elle est la vérité nue de l’État d’urgence qui à l’université n’a jamais eu d’autre rôle – de la COP21 à la « loi travail » – que de surveiller et enrayer toute tentative d’organisation contre l’insupportable état des choses.

Reconnaissons-le, nous ne sommes pas tout à fait étrangers à ce nouvel accès de paranoïa : dans l’ébullition politique actuelle, le mouvement d’occupation de salles qui s’étend dans les universités parisiennes est de nature à fortement inquiéter les différentes administrations. Qu’elles se rassurent, il ne s’agit pas là d’une conspiration reptilo-illuminati-islamo-appelliste mais simplement de groupes d’étudiant-e-s insatisfait-e-s des conditions d’expression politique dans les universités et désireux de s’organiser de façon autonome. Reste que dans toutes les facs où il s’est exprimé, ce mouvement d’occupation de salles a été confronté à un ensemble de mesures prises par les autorités universitaires dans le but évident d’enrayer son succès et sa progression.

Surveillance et (ré)pression dans toutes les facs

À l’Ehess, lors de l’occupation de la salle 13 le jeudi 9 mars, les autorités ont tout d’abord fantasmé une arrivée massive d’étudiant-e-s venu-e-s d’autres universités et décidé-e-s à occuper l’ensemble du bâtiment du 105Bd Raspail. Un filtrage des entrées a immédiatement été mis en place, suite à quoi les séminaires ont finalement été annulés et l’École fermée pour la journée. Alertés par une publication sur facebook, les flics ont aussi fait leur apparition aux abords puis au sein des locaux de l’école, menaçant de faire évacuer l’occupation par la force. Le lundi suivant, alors qu’une convention d’occupation avait été signée avec la présidence, celle-ci a tenté d’empêcher la tenue d’une réunion publique prévue dans la salle occupée. Le communiqué de la présidence indiquait alors : « Les autorités publiques nous ont informé depuis plusieurs jours qu’elles suivent attentivement ce mouvement et ne laisseront pas une réunion inter-universitaire avoir lieu dans nos locaux ».

À Paris 8, après deux semaines d’occupation d’une salle en accord avec la présidence, nous avons assisté à une brusque montée de panique lorsque l’UFR 0, la salle occupée par une bande d’étudiant-e-s, a accueilli l’AG interfac des salles occupées. Coup de fil des RG ? Injonction du ministère ? Dans la nuit du dimanche au lundi l’administration recrute dans la précipitation des membres du personnel pour vider la salle occupée, changer la serrure et y programmer immédiatement des cours et partiels. Dans l’urgence l’université oublie de payer des heures sups de ceux à qui elle a confié ce sale boulot, c’est du moins ce que laisse supposer la disparition (entre autres affaires et matériel) de la caisse collective. On les comprend : tout travail mérite salaire. Le contrôle des cartes d’étudiant, d’ordinaire inexistant, est rétabli le soir même avant que l’AG ne se tienne dans une salle nouvellement occupée. Par ailleurs, la présidente de l’université a elle même avoué avoir été contactée par les renseignements au sujet « d’étudiants d’extrême gauche » de Paris 8 interpellés devant le lycée Suger il y a 3 semaines.

À Paris 7, la tentative d’occupation ayant eu lieu début avril fut avortée au bout de 48h. Nous avons dû faire face au refus de l’administration de signer un écrit attestant de l’ouverture d’un espace libre et inclusif au sein de l’université durant les horaires d’ouverture du bâtiment. Après deux jours d’occupation de la salle, l’ensemble des bâtiments du campus a été fermé à 19h, rendant impossible l’entrée des personnes souhaitant participer à cette tentative d’appropriation d’un espace. Suite aux tentatives d’intimidation des vigiles (filmer les personnes présentes dans la salle, simulation d’un appel aux forces de l’ordre pour demander l’évacuation des lieux, …), la 027C OQP a finalement été évacuée. La présidence de l’Université a par la suite décidé de mettre en place un filtrage des entrées, exigeant la fouille des sacs et la présentation d’une carte étudiante pour toute personne souhaitant rentrer dans le bâtiment principal.

Rappel des quelques principes de base

Tout ces faits sont sans appel : les autorités universitaires sont en pleine crise paranoïaque aiguë et doivent être placées au plus vite sous surveillance de notre part. Nous ne pouvons reprocher à l’État ses propres pathologies mais nous pouvons lui prodiguer quelques conseils et nous prémunir de ses actes.

L’urgence à moyen terme est de ne pas laisser les directions universitaires se perdre dans leurs propres délires paranoïaques et les faire revenir à la réalité. Cette tâche nous est malheureusement rendue difficile par leur fréquentation régulière des services de renseignement – agent anxiogène s’il en est. Pour leur bien comme pour le nôtre, nous ne pouvons que les encourager à mettre un terme à ces fréquentations.

Dans l’immédiat, il convient d’empêcher les autorités universitaires de nous nuire et de rappeler quelques règles de base si d’aventure celles-ci étaient sujettes à d’autres crises :

– Les universités sont et doivent demeurer des lieux d’échange ouverts à toutes et à tous sans distinction de statut. Aucune raison de sécurité ne doit pouvoir remettre en cause ce principe.

– Les forces de l’ordre et les services de renseignement n’ont absolument pas leur place dans les locaux universitaires. Chaque infraction à cette règle doit appeler de notre part une réponse ferme, immédiate, collective et sans équivoque.

– Il ne revient en aucune façon aux services de renseignement et aux autorités publiques de prescrire aux directions universitaires ce qui est ou non acceptable en terme de réunion ou d’activité politique au sein des universités. Toute tentative de censure ou d’interdiction de réunion ou d’activité doit être systématiquement mise en échec par tous les moyens nécessaires.

– Plus largement, la paranoïa généralisée à la tête des universités ne doit en aucun cas remettre en cause le libre accès aux universités et les possibilités d’organisation politique au sein des locaux. Les universités sont un des rares endroits dans lesquels nos faits et gestes ne sont pas soumis au bon vouloir de la police ; il est important que cette situation demeure. Il faut pour cela répondre très fortement à toute attaque contre la liberté d’expression et d’organisation politique.

L’université appartient à ses personnel-le-s et étudiant-e-s, c’est à elles et eux qu’il revient de décider ce qui est acceptable ou non en matière d’activité politique – et certainement pas aux cerveaux malades qui se sont donné pour mission de gérer nos vies.

Nous comptons sur votre vigilance. N’hésitez pas à nous communiquer toute observation que vous constateriez dans l’évolution des symptômes paranoïaques et à vous organiser avec vos ami-e-s pour faire appliquer en permanence ces simples règles d’hygiène en milieu universitaire.

027C OQP (Paris 7)
La brèche (Ehess)
UFR 0 (Paris-8)

Note

Ce communiqué a été écrit par les étudiant·e·s concerné·e·s et diffusé dans les différentes universités concernées. Il peut être librement repris et/ou remaquetté pour diffusion.

Mots-clefs : université
Localisation : région parisienne

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