« Nous considérons la prison comme le navire négrier moderne »

Pendant les 400 ans que dura la traite négrière entre le XVe et le XIXe siècle, plus de 14 millions de personnes noires furent réduites en esclavage. 2 millions périrent pendant les traversées dans ces « donjons flottants ». Marcus Rediker raconte cette tragédie dans son livre « À bord du négrier - Une histoire de la traite atlantique ». Il revient sur le quotidien des esclaves, la dureté extrême des châtiments, la violence des rapports hiérarchiques et sur les révoltes de ces prisonniers.

Marcus Rediker : (L’« Histoire d’en bas », également appelée « people’s history » et « radical history », s’intéresse à la façon dont les mouvements populaires ont fait l’histoire. Ce courant de recherche a pour objet la manière dont des individus qui sont normalement mis à l’écart du récit historique peuvent y être à nouveau intégrés.

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j’ai commencé mon deuxième cycle avec l’idée d’être historien de l’esclavage. Par la suite, je me suis intéressé aux pirates, si bien que je me suis retrouvé à étudier une partie de l’histoire radicale anglaise, de l’histoire d’en bas anglaise. Je me suis rapidement rendu compte que je devais élargir mon champ de recherches afin d’y inclure tous les travailleurs maritimes de cette période, ce qui m’a mené au livre Between the Devil and the Deep Blue See (Les Forçats de la mer : Marins, marchands et pirates dans le monde anglo-américain). Mon dernier livre, À bord du navire négrier, n’a été possible que parce que j’avais déjà travaillé de nombreuses années sur les archives maritimes et que, en cours de route, j’avais accumulé un certain nombre de matériaux concernant les navires négriers.

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Comme je suis impliqué dans lutte contre la peine de mort, de nombreux prisonniers m’ont demandé d’envoyer un exemplaire du livre à la bibliothèque de leur prison, ce que je fais toujours avec plaisir. En 2009, lors d’une conférence au sein de la prison haute sécurité d’Auburn, dans le nord de l’État de New York, l’un des prisonniers afro-américain, m’a dit : « Nous considérons la prison comme le navire négrier moderne. » Ce fut l’une des discussions les plus intéressantes que j’ai eue dans ma vie. La racialisation du système judiciaire américain a été, de bien des manières, une réponse au mouvement pour les droits civiques et au mouvement Black Power. Mais cela participe aussi de la transformation structurelle du capitalisme, dans la mesure où une portion de la population devient inutile au capital.

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