Même si le flic retire sa plainte, le proc vous aura

Retour sur une mésaventure classique. Il y a de cela plusieurs années j’étais un jeune militant un peu inconscient mais déterminé. L’histoire qui va suivre est celle du quotidien de nombreuses personnes et si je ne voudrais pas me victimiser (ce n’est pas si terrible à l’égard de ce qui se produit encore chaque jour) je voudrais juste (re)mettre en lumière une pratique caractéristique de l’État policier.

L’histoire de ce jeune homme m’a beaucoup touché. L’état dans lequel il a fini ainsi que les réactions que cela a suscité ont engendré l’ouverture d’une enquête, et tant mieux.

Si lui n’avait rien fait, j’ai eu le malheur, lors d’une manifestation, de m’asseoir sur le capot d’une voiture dont je ne savais pas qu’elle appartenait à un élu. Acte non-réfléchi, je le concède, mais pas bien grave. Dès que j’eus tourné le dos à un cordon de CRS qui « sécurisait les lieux », 3 hommes en uniforme m’ont attrapé. L’un m’étranglait, un autre me faisait une clé de genoux, le dernier une clé de bras. Criant ma douleur, j’ai insulté allègrement ces bâtards jusqu’à ce que ma gorge soit tellement serrée que je ne pouvais plus respirer.

On m’a emmené à l’écart de la foule, derrière des camionnettes sérigraphiées. C’est là qu’un policier plaqua ma tête sur le capot d’une voiture et, tout en la maintenant d’une main, me mit 3 coups de matraque dans le nez avec son autre main. J’avais 13 ans, je pissais le sang. Ce vicelard me regardait droit dans les yeux et me disait « tu m’insultes toujours maintenant ?! ». J’ai décidé de ne plus rien dire et me suis laissé emmener dans une voiture dans laquelle 2 policiers m’attendaient. Menotté les mains dans le dos, je comprenais que j’irai direct au comico. Sur le chemin, entre conduite de chauffard cocaïné et insultes, un policier qui était assis à coté de moi s’amusait beaucoup en tirant sur mes boucles d’oreille et en serrant l’articulation de mon genou gauche avec ses doigts. « Ça ne laisse pas de trace ça » disait-il.

Une fois au poste j’ai refusé de dire quoi que ce soit, seulement que je voulais voir un médecin. On m’a dit que j’étais là pour dégradation de bien public car la voiture sur laquelle j’étais monté était celle d’un élu.
Le médecin que j’ai vu pendant ma GAV fit une radio, constata une fracture au nez et me donna un doliprane et des mouchoirs. De retour en cellule je refusais toujours de dire quoi que ce soit. Au bout d’une dizaine d’heures à imaginer tout ce que je pourrais faire pour me venger, mon daron est venu me chercher. C’est là que nous avons appris que le policier qui m’avait pété la gueule avait porté plainte en disant que je l’avais agressé. Méthode classique pour se couvrir. Quand mon père a vu ma tronche de travers il est retourné voir ce type et l’a menacé de porter plainte contre lui.

« Si vous ne portez pas plainte contre moi, je retire celle que j’ai déposé contre votre fils » lui a-t-il répondu. Il accepta et on me laissa sortir. Plus tard je reçus une convocation. Si le policier avait bien retiré sa plainte, le procureur avait décidé de me poursuivre quand même, pour « l’agression à agent » et pour la « dégradation de biens publics ». Comme je n’avais pas d’antécédents cela finit par un rappel à la loi. Une demie-heure d’un discours inouï en tête-à-tête avec le procureur visant à me faire abandonner toute idée militante et l’affaire était finie.

Si ce rappel à la loi m’a bien emmerdé quand je me suis fait serrer dans d’autres manifs, de quoi aurait écopé quelqu’un pour qui ce n’était pas la 1re fois ? Combien de personnes subissent encore cela ? Combien de personnes sont condamnées pour des agressions dont elles sont les seules victimes ?

Je n’ai que 2 choses à vous dire : ne refusez pas de porter plainte contre un flic, et ne croyez pas que s’il retire sa plainte contre vous, vous serez sorti d’affaire.

Note

Si une aventure similaire vous arrive, soyez conscients que porter plainte ne vous apportera pas la justice mais pourra tout de même vous aider à mieux vous défendre face aux poursuites dont vous faites l’objet.

Mots-clefs : violences policières

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