L’État turc viole les droits humains au Kurdistan

Lettre ouverte au gouvernement français et aux institutions européennes et internationales concernant les graves violations des droits humains commises par l’État turc au Kurdistan

Suite à l’appel de la députée de Diyarbakir Sibel YİĞİTALP (encadré ci-dessous) concernant la situation dramatique dans la ville de Sur assiégée par les forces armées turques depuis plus de trois mois, les associations kurdes en France ont reçu beaucoup de messages de solidarité demandant ce qu’on pouvait faire pour empêcher l’État turc de commettre de nouveaux massacres.

Dans le cadre du Sit-in entamé à Strasbourg le 22 février, afin de briser le silence européen face à ces massacres, le Conseil démocratique kurde en France (CDKF) a rédigé cette lettre ouverte destinée au gouvernement français, au Conseil de l’Europe, à l’Union européenne, l’ONU, et aux représentations permanentes de la Turquie au sein des institutions européennes et internationales. Nous vous invitons à signer ce texte et à le faire signer par le plus grand nombre d’organisations, partis politiques, élus, personnalités…

Pour signer, il suffit d’envoyer un mail à info@cdkf.fr en indiquant le nom de votre organisation ou vos nom et titre.


Lettre ouverte concernant les graves violations des droits humains commises par l’État turc au Kurdistan

Depuis le 22 février 2016, des milliers de Kurdes venus de toute l’Europe, soutenus par divers groupes de solidarité, sont rassemblés devant le palais de l’Europe, à Strasbourg, dans le but d’attirer l’attention des institutions européennes et des gouvernements respectifs sur les massacres perpétrés au Kurdistan par l’État turc.

D’après les rapports publiés par les ONG telles que Amnesty International, Human Rights Watch et l’Association des Droits de l’Homme de Turquie (IHD), et les informations communiquées par les élus kurdes, l’état d’urgence illimité décrété par les autorités turques dans plusieurs villes du Kurdistan, sous couvert de « lutte contre le terrorisme », a conduit à des violations massives des droits et libertés fondamentaux, en particulier du droit à la vie, et continue à représenter une menace grave et imminente pour les populations des villes en question.

Au cours des quatre derniers mois, une vingtaine de villes kurdes dont la population avait exprimé la volonté de s’autogérer ont été placées sous couvre-feu, assiégées et bombardées par les forces armées turques. A ce jour, près de 600 civils ont été tués et des centaines d’autres blessés dans cette campagne militaire brutale dont le but est de raser de la carte les villes visées.

Les couvre-feux ont affecté 1,3 millions d’habitants et jeté des centaines de milliers de personnes sur la route de l’exil. Les bombardements ont par ailleurs entraîné la destruction de de milliers d’habitations, de lieux de prière et de sites historiques (surtout dans le district de Sur, centre historique de la ville de Diyarbakir dont plusieurs sites sont inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO).

Cet acharnement contre les Kurdes s’explique par le fait que l’État turc rejette toute idée d’autonomie démocratique à l’intérieur de ses frontières, de même qu’il ne tolère en aucune façon l’existence d’une région autogérée au Rojava (Kurdistan de Syrie).

Nous condamnons fermement ces massacres qui sont des punitions collectives planifiées par le gouvernement d’Ankara.

La Turquie étant membre fondateur du Conseil de l’Europe, partie à la Convention européenne des Droit de l’Homme et candidate de longue date à l’adhésion à l’Union européenne, il est inadmissible que nos gouvernements et nos institutions n’agissent pas pour mettre fin à ces graves violations des droits de l’homme qui constituent des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.

• Nous appelons l’Union européenne, le Conseil de l’Europe et la Cour européenne des Droits de l’Homme à prendre les mesures qui s’imposent pour sanctionner l’État turc, l’amener à cesser ses opérations militaires contre les Kurdes et à respecter ses engagements en matière de droits humains.

• Nous demandons la création d’un tribunal spécial pour enquêter sur les violations des droits humains et du droit de la guerre, pour juger et condamner les responsables de ces crimes.

• Nous appelons les institutions précitées à contribuer à une solution politique et durable de la question kurde qui concerne, au-delà des quatre États qui se partagent le Kurdistan, tout le Moyen-Orient.

Le Conseil démocratique kurde en France

Appel urgent d’une députée kurde de Turquie aux organisations internationales, pour l’évacuation des civils piégés dans la ville assiégée de Sur/Diyarbakir

Diyarbakir, 24 février 2016

Je suis membre de la grande Assemblée nationale de Turquie, élue dans la province de Diyarbakir. Je vous écris cette lettre du district de Sur, dans le centre historique de Diyarbakir, qui est actuellement bombardé par les forces armées turques. Depuis août 2015, Sur a été soumise à 6 couvre-feux décrétés pour des durées indéterminées, en application de la stratégie militaire du gouvernement turc de l’AKP consistant à réprimer par les armes les revendications politiques du peuple kurde. Le dernier couvre-feu qui est en cours depuis le 11 décembre 2015 a coûté la vie à plus de 100 civils. Les tirs d’artillerie sur les différents quartiers du district ont par ailleurs entraîné la destruction d’une grande partie des habitations et du patrimoine historique, et provoqué le départ forcé de dizaines de milliers d’habitants.

Je lance cet appel en raison de l’imminence d’un nouveau drame. Tandis que l’offensive des forces armées turques continue avec la même intensité, nous avons été informés du fait que plus de 200 personnes étaient piégées dans des sous-sols où elles s’étaient réfugiées pour se protéger des tirs d’artillerie. Nous avons la confirmation que ces personnes sont quasiment toutes des civils parmi lesquels se trouvent au moins 20 enfants. Durant les 7 derniers jours, j’ai, avec plusieurs autres députés de Diyarbakir, contacté toutes les instances et les représentants du gouvernement dans la ville pour demander l’ouverture d’un couloir d’évacuation afin de permettre aux civils de quitter en sécurité les zones visèes par les opérations militaires. Malheureusement, toutes nos requêtes sont demeurées sans rèponse.

Aujourd’hui, nous avons reçu des appels téléphoniques des personnes piégées sous les bombes. Elles ont indiqué que leur situation s’empirait avec l’augmentation du nombre de personnes blessées par les tirs d’artillerie et l’aggravation de leur état. Au cours de la dernière semaine, 12 personnes ont été tuèes par les forces de sécurité. Leurs corps gisent encore dans la rue, leurs proches ne pouvant les récupérer du fait du pilonage continu des quartiers. Nous sommes face à une guerre engagée contre la population de Sur.

Nous lançons cet appel pour vous demander de prendre des mesures urgentes afin d’exhorter le Gouvernement turc à lever le couvre-feu sur Sur, ne serait-ce que provisoirement, pour permettre l’évacuation des civils. Nous sommes convaincus que vos interventions peuvent permettre l’enclenchement d’un dialogue constructif et la mise en place d’une coordination avec les autorités gouvernementales pour l’évacuation des civils rescapés.

Voici les noms et âges de plusieurs des enfants réfugiés dans les sous-sols, à Sur : Elif Su Aslan (4 mois), Özgür Aslan (3 ans), Muazzez Aslan (4 ans), Rojda Aslan (7 ans), Gülistan Aslan (11 ans), Beritan Tosun (2 ans), Şerife Tosun (10 ans), Ruken (4 ans), Berfin .... (4 ans), Kadir Şahin (11 ans), Furkan Dağ (11 ans), Mehmet Karacadağ (14 ans)

Sibel YİĞİTALP
Députée de Diyarbakir
Parti démocratique des Peuples (HDP)

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