Paris / Nanterre : les cireurs de souliers de Jean Sarkozy

A l’Élysée, un conseiller du président faisait venir régulièrement un « cireur de souliers » au palais pour s’occuper de sa collection de chaussures de luxe. Celui-ci a fait un petit scandale en révélant l’affaire à la presse.

Aquilino Morelle lui a fait comprendre qu’il ne travaillerait plus pour lui. En dévoilant des informations sur le conseiller de François Hollande, le cireur de chaussures David Ysebaert s’est fait des ennemis à l’Élysée. Selon lui, le palais présidentiel lui aurait même fait comprendre qu’il risquait d’être placé sur écoutes. Et son client de lui préciser qu’il n’avait pas trente paires de Weston, comme cela avait été révélé dans Médiapart, mais simplement dix.

Enfin, le scandale, c’est aussi parce qu’Aquilino Morelle est également accusé de gros conflits d’intérêts avec des labos pharmaceutiques. Bref, dans tout ça, personne ne s’intéresse vraiment à ce nouveau petit métier. Jusqu’à ce qu’Olivier Cyran, ancien de CQFD et du Plan B, aille mettre son nez dans l’entreprise derrière tout ça et découvre une société qui fait travailler des auto-entrepreneurs sous franchise, et qui est grassement subventionnée par le Conseil général des Hauts-de-Seine au titre de l’économie sociale et solidaire. Un domaine dont Jean Sarkozy est justement le vice-président. Petite enquête sur le social-washing – qui prend donc la relève du green-washing – et ses gisements d’emplois sur Backchich.

Les révélations sur Aquilino Morelle, le conseiller de François Hollande qui se faisait reluire les tatanes à l’Élysée avant de démissionner, ont remis au goût du jour un vieux métier que l’on croyait disparu. À la faveur de la crise, les « bullshit jobs » sont en train de réapparaître, et pas seulement dans les rues d’Athènes ou de Madrid. Le cireur de chaussures du « petit marquis » socialiste appartient à une enseigne qui offre ses services dans les beaux quartiers parisiens et entre les tours de la Défense. Avec le soutien enthousiaste du Conseil général des Hauts-de-Seine, qui a versé 50 000 euros à cette entreprise proclamée « sociale et solidaire ».

(…) Cette entreprise « innovante » relève du régime de la micro-franchise. Le principe est simple : il n’y a pas de salariés, seulement des « indépendants ». En contrepartie de l’usage de l’enseigne, censée appâter la clientèle, le travailleur se range – ou plutôt se soumet – au statut acrobatique de l’auto-entrepreneur. Pas d’indemnités en cas d’arrêt-maladie, aucun droit aux allocations chômage. Au lieu d’un salaire, le cireur touche un cachet horaire sur lequel il doit payer lui-même une taxe de 23 %. De son côté, la « tête de projet » s’abstient de mettre les mains dans le cambouis : elle démarche les centres commerciaux pour leur vendre l’implantation de ses « artisans » cireurs. La promesse d’une « valorisation du site » par la prestation d’un « service de qualité créateur de liens » – le petit cireur de Broadway avait au moins la chance d’être épargné par le charabia du marketing – produit apparemment un effet irrésistible. Outre la Défense, plusieurs temples de la consommation se sont laissés séduire, parmi lesquels Parly 2, Le Bon Marché et So Ouest, le « centre de shopping chic et urbain de l’Ouest parisien ». À l’occasion, le prestataire peut aussi être appelé à délivrer ses services au domicile ou au bureau d’un particulier.

Localisation : Nanterre

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