Le Festival Ciné-Palestine (http://festivalpalestine.paris) consacrera trois journées de projections et de débats à des films qui traitent des archives du cinéma palestinien. Ces archives étaient stockées à Beyrouth, la capitale libanaise, et ont été partiellement détruites ou perdues pendant la guerre civile et lors de l’invasion israélienne de 1982. Ces films traitent aussi de la mémoire en tant que patrimoine culturel à préserver.

Le cinéma est un constituant intrinsèque des mouvements de résistance palestiniens, et dès les années 70, plusieurs militants palestiniens tenaient la caméra, comme d’autres tenaient le fusil. Certains d’entre eux furent tués sur le champ de bataille, comme Hany Jawhariyyeh en 1976.

Ces archives cinématographiques montrent l’existence historique du peuple palestinien et sa lutte de libération nationale. Elles sont des témoignages, des preuves qui permettent de concrétiser et de pérenniser la mémoire historique, politique, culturelle et artistique des Palestiniens. C’est aussi la raison du recours aux images d’archives, que font les réalisateurs, pour prouver l’authenticité des faits racontés.

La première séance du Focus Archives et mémoire, le lundi 30 mai, présentera Recollection, le dernier film de Kamal Jaffari, qui fait un travail très poétique et très politique sur la mémoire et la géographie urbaine de la ville de Jaffa.
Cette ville palestinienne très ancienne, qui comptait 70 à 800000 habitants palestiniens avant la Nakba de 1948, et transformée depuis en une banlieue de Tel-Aviv, n’en compte qu’un peu plus de 4000 aujourd’hui. Ce processus démographique trouve aussi une traduction physique et géographique dans le renouvellement urbain constant et la pression immobilière qui l’accompagne. Ces facteurs contribuent, petit à petit, à la destruction du patrimoine architectural palestinien et au remplacement toujours plus achevé de la population palestinienne restante.
Le débat à l’issue de la projection recevra Gilles Bernardeau, le réalisateur du son du film, qui en est une composante essentielle.

Pour les débats des deux séances suivantes de ce focus, sous aurons l’immense privilège d’accueillir Khadijeh Habashneh Abu Ali, réalisatrice palestinienne historique, révolutionnaire engagée au sein de l’OLP. C’est elle qui dirigea l’Unité Cinématographique de l’Institut du Film Palestinien à Beyrouth, de 1976 à sa destruction en 1982, lors de l’invasion israélienne. Elle coordonne aujourd’hui le Projet de Préservation des Anciens Films Palestiniens (Old Palestinian Film Preservation Project).
Ce sont deux moments d’échanges exceptionnels de ce Festival Ciné-Palestine 2016, que nous aurons le plaisir d’offrir aux nos spectateurs.

Deux films sont prévus le 31 mai, avec d’abord Kings and Extras (2004) qui traite de la quête commencée au début des années 2000 par sa réalisatrice palestino-libanaise Azza al-Hassan, de ces vieilles bobines de cinéma disparues à Beyrouth en 1982. Elle interviewe les réalisateurs et les personnes qui à cette époque, avaient essayé de cacher les films juste avant l’invasion israélienne, et cherche à reconstruire leur trajectoire depuis ce temps, et à les retrouver.
Ce premier film sera suivi d’un moyen-métrage de Michel Khleifi, Maaloul fête sa destruction (1985) qui montre comment les anciens habitants de Maaloul, un village palestinien de Galilée, dont ils furent chassés et qui fut détruit en 1948, reviennent, une fois par an sur les lieux. Ils ont pris l’habitude d’organiser à cette occasion, un pique-nique sur les ruines de leur village.
Le dialogue entre Michel Khleifi et Khadijeh Habashneh Abu Ali et avec le public à l’issue du film s’annonce passionnant.

La troisième soirée de ce Focus « Archives et mémoire » sera l’occasion d’une table ronde introduite par le moyen-métrage They Do Not Exist (1975) de Mustafa Abu Ali, un film essentiel du patrimoine cinématographique et de l’expression politique palestiniens, l’un des premiers films retrouvés des archives du cinéma palestinien, et l’un des très rares à avoir survécu jusqu’à ce jour. Prenant l’exact contrepoint de la très célèbre phrase de Golda Meir disant que « les Palestiniens n’existaient pas », ce film visait à humaniser les Palestiniens, à leur donner des corps, des vies, une culture, une histoire et chose déjà très importante, une image.
La table ronde réunira Khadijeh Habashneh Abu Ali, Eyal Sivan, producteur et réalisateur et Annemarie Jacir, réalisatrice.

Le Focus « Archives et mémoire » est un moment clé de cette deuxième édition du FCP, en ce qu’il réaffirme l’histoire et la culture palestiniennes au travers du média universel qu’est le cinéma, et s’oppose aux efforts israéliens, historiques et permanents jusqu’à aujourd’hui, qui visent à effacer jusqu’à la dernière trace, l’histoire et la culture palestiniennes de leur terre historique.
Au-delà d’être des curiosités historiques et cinématographiques pour certains d’entre eux, ces films sont importants parce qu’ils préservent la mémoire et que, comme le disait si bien Aimé Césaire, « Un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir ».

Ce focus est organisé en collaboration avec le collectif Palestine Paris 8 et le laboratoire ESTCA (Esthétique, Sciences et Technologies du Cinéma et de l’Audiovisuel) du département cinéma de l’université Paris 8 (Saint-Denis).