La grève des écoliers anglais, en 1911

Publié, en 1976, dans la revue Les Révoltes logiques, ce texte traite d’une lutte ancienne, mineure et éphémère, oubliée parce que la mémoire ouvrière ne pouvait en tirer ni levier, ni emblème.
Il traite aussi de la manière dont, huit ans après mai 68, les souvenirs des mouvements lycéens et étudiants s’effaçaient un peu plus à chaque rentrée scolaire. Qu’est-ce qu’une grève qui fait date ? Et que faire des autres, quand la grande histoire fait défaut ?

La grève des écoliers (texte de Danièle Rancière)

La grève a commencé à l’école catholique de Sainte Marie quand 13 des garçons plus âgés ont abandonné les plus jeunes dans la cour de récréation. Une fois qu’on sut qu’ils étaient en grève, la nouvelle se répandit et avant le début des classes de l’après-midi, elle avait atteint plusieurs écoles de l’Est de Hull. Aussitôt, il y eut des attroupements d’enfants devant les écoles hur­lant : "dehors" ou bien "jaunes" aux élèves qui retournaient en — classe »(Hull Daily News, 13 sep­tembre 1911).

Quelques jours après la rentrée de septembre 1911, les élèves des écoles municipales britanniques se mettaient en grève. De Dundee à Southampton en passant par Liverpool et Dublin, plus de 62 villes étaient touchées, particu­lièrement dans les secteurs industriels, les régions déshéri­tées et opprimées. Mouvement national qui dura quinze jours et prit une ampleur considérable ; selon les comptes-rendus de presse, ce sont « des centaines d’enfants qui défilèrent dans les rues » ; ailleurs, comme à Dundee ou Hull, «  des milliers d’enfants défiant les autorités scolaires  ». Dans son ensemble et malgré quelques articles à la une, la presse a tendance à minimiser les faits, en les présentant comme une parodie des grèves d’adulte et de l’agitation sociale de l’été 1911 [1]. « L’épidémie de grève qui sévit actuellement a touché la jeune génération et, afin d’être à la mode, les écoliers ont décidé de poser l’outil. La chose commença à l’école Bigyn, lorsque les écoliers par solidarité pour leurs condisciples qui avaient été punis, décidèrent d’abandonner la classe et de défiler dans les rues en criant et en chantant » (Llanelly Mercury, 9 septembre).

« Autrefois les enfants s’inspiraient des récits d’aventures et des épisodes les plus romanesques de l’histoire rapportée dans leurs manuels. La presse illustrée et le cinéma les ont davantage mis en contact avec les événements quotidiens. La conduite de la grève révèle une grande familiarité avec les méthodes employées par les cheminots et les dockers durant la grève » (Birmingham Daily Mail, 14 septembre).

Le scénario de la grève était partout plus ou moins semblable. À Dundee : « De véritables scènes de charivari eurent lieu hier à l’occasion d’une grève d’écoliers. Il n’y avait pas moins de huit écoles concernées et on a calculé que vers l’après-midi plusieurs milliers de garçons se sont mutinés. L’agitation commença à l’école de Cowgate où il y eut un débrayage dans la matinée, et où l’on vit les chefs du mouvement brutaliser ceux qui refu­saient de les suivre... Vers 11 heures, l’agitation semblait avoir pris fin. Mais la nouvelle de la grève s’était largement répandue dans la ville et à l’heure du déjeuner, il y eut des défections dans les écoles de Wallacetown, Victoria road, Blackness, Balfour Street et Ann Street ; les garçons défilèrent à travers la ville, adoptant différentes tactiques pour protéger ceux qui voulaient rejoindre leurs rangs. Une bande se rendit à la High School et, armée de bâtons et de projectiles, fit une manifestation. Elle ne réussit pas à faire la moindre recrue dans cette institution...  » (Paisley Daily Express, 15 septembre).

Souvent, dès qu’ils étaient sortis de l’école, les gosses s’organisaient en élisant des comités de grève et des piquets volants chargés d’entraîner à la grève d’autres écoles

Note

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