[Kurdistan] L’esprit de la Commune de Paris plane à Sur

Ce texte kurde publié sur le site d’info du mouvement, DIHA, le 11 février 2016, fait le rapprochement entre la Commune de Paris et la résistance actuelle du quartier historique Sur de la capitale kurde, Diyarbakir. Le blog Ne var ne yok en propose une traduction...

La Commune de Paris, qui constitue l’une des expériences d’autogestion peut-être les plus importantes dans l’histoire de l’Europe – avec sa résistance qui dura 72 jours – reste inscrite dans l’histoire comme l’une des plus grandes célébrations de la liberté du XIXe siècle, et continue encore aujourd’hui, à inspirer et enthousiasmer l’humanité en tant qu’expérience de vie sans État.

La résistance de Sur [NdT : quartier d’Amed, capitale du Kurdistan du Nord], avec ses barricades, ses chants révolutionnaires, les zılgıt des femmes [NdT : exclamations de rage et de souffrance des femmes kurdes], le battement des ailes des colombes de la liberté, prolonge au XXIe siècle l’esprit de la Commune de Paris qui s’est déroulée au XIXe siècle. Sur résiste depuis 72 jours [NdT : 88 jours au 27 février] et salue Paris.

Alors que l’état de siège, un « couvre-feu » selon l’État, dure depuis le 2 décembre 2015 dans le district de Sur à Diyarbakır, il est devenu l’un des plus longs sièges de ville de l’histoire. La résistance dont les murailles de Diyarbakır sont témoins, évoque de plus en plus certains exemples de résistances sociales de l’histoire mondiale.

Durant le siège de Kobanê, qui symbolise la Révolution du Rojava avec sa résistance qui dura 134 jours, on comparait déjà les villes de l’Union Soviétique résistant aux armées nazies allemandes durant la seconde guerre mondiale. Concernant la résistance de Sur qui dure depuis 72 jours [NdT : 88 jours au 27 février], de nombreuses analogies ont été faites avec des résistances urbaines, de la résistance contre le fascisme de la ville de Tolède en Espagne, avec la « contribution » du Premier Ministre Ahmet Davutoğlu [NdT : le premier Ministre turc avait déclaré vouloir faire de Sur une ville comme Tolède, voulant sans doute par là donner un exemple de restructuration urbaine pour attirer le tourisme, mais il en avait oublié que cette ville est la capitale de la région autonome de Castille et qu’elle avait été le théâtre d’une résistance au fascisme en 1936] à celle de la citadelle de Dımdım [Ndt : Kela Dimdime], l’une des plus grandes révoltes de l’histoire kurde.

La commune de Paris
La résistance de Sur salue l’une des plus grandes expérience révolutionnaires de l’histoire et des plus grandes célébrations de la liberté du XIXe siècle. La Commune de Paris, qui donna lieu à de nombreuses œuvres artistiques et littéraires, bien qu’elle ne dura que 72 jours, a eu un impact sur toute l’histoire, car elle a montré que les utopies de liberté étaient réalisables.

De la défense de la ville au Conseil de la Commune
Durant la guerre entre la France et la Prusse qui fut déclarée en 1870 par Napoléon III, et qui se termina par l’occupation de Paris, des dizaines de milliers de volontaires Parisien-ne-s ont défendu la ville et ont résisté pendant des mois aux forces prussiennes lors de l’occupation de Paris.
Après la capitulation de Paris, le gouvernement républicain et la bourgeoisie française ont essayé de liquider ce mouvement qui avait acquis une assise sociale forte, par peur que cela ne fasse naître une alternative sociale. Cependant, l’esprit mutin et libertaire de Paris a commencé à résister contre le gouvernement de la même manière qu’il avait résisté contre la Prusse. Le 18 mars 1871, les révolutionnaires ont gagné la bataille entre le gouvernement et les forces révolutionnaires armées. La Commune de Paris fut déclarée officiellement le 28 mars.

Le premier Ministre Thiers avait vidé Paris, le gouvernement AKP retire aussi ses fonctionnaires de la ville
Le soulèvement de Paris s’est propagé à une telle vitesse que le Premier Ministre de la 3e République, Adolphe Thiers, a donné l’ordre à tous les soldats, policiers et toutes sortes de dirigeants et d’experts de quitter Paris. Il a lui-même fuit à Versailles. De la même manière, aujourd’hui, le gouvernement AKP rappelle ses fonctionnaires et représentants comme, par exemple, les enseignant-e-s des villes du Kurdistan qui sont en résistance comme à Sur, Silopi, Cizre, İdil et Nusaybin.

La vie sans État derrière les barricades.
À Paris, des barricades avaient été dressées, dans toutes les rues de la ville et le Conseil de la Commune composé de 92 membres assurait l’administration de la ville. Les besoins essentiels de la ville, qui comptait 2 millions d’habitant-e-s, étaient assurés par une forme d’organisation proche de l’autogestion. Celle-ci reposait sur l’autogestion des quartiers. Par la suite Friedrich Engels parlera de la Commune comme d’une pratique éliminant l’État. Derrière les barricades et les tranchées, un nouveau système s’ébauchait, basé sur l’autogestion, le commun, et le partage.

Les résistant-e-s de Sur : Nous partageons tout ce que nous avons
À Sur, qui est en tête des villes du Kurdistan dans lesquelles l’autonomie a été déclarée, malgré les lourdes attaques de l’État, une vie sociale basée sur l’entraide et la solidarité s’organise depuis les premiers jours de la résistance. Depuis des mois il n’y a plus l’État dans Sur, mais il y a un État qui attaque Sur avec toutes ses forces. Malgré le siège, la réponse des gens quant à la manière dont ils et elles résistent est la même depuis des mois : « Nous partageons tout ce que nous avons ! »

La Garde Nationale de la Commune de Paris et les Unités de Défense Civiles de Sur
Peu de temps après la proclamation de la Commune de Paris, le 2 avril, la ville essuie les attaques des forces gouvernementales. Après ce jour-là, la ville sera soumise à d’intenses bombardements. L’une des décisions les plus importantes de la courte expérience d’autogestion de la Commune de Paris a été la conclusion de mettre fin au service militaire obligatoire et d’organiser la Garde Nationale composée de volontaires de la ville, capables de se servir d’armes pour la défense de la cité.
À Sur, comme dans les autres villes en résistance du Kurdistan, des Unités de Défense Civiles (YPS) ont été formées : elles ne reposent pas sur une organisation militaire classique mais sur l’esprit d’autodéfense d’un peuple qui défend de manière volontaire sa propre rue, son quartier, sa ville, sa culture. Ces groupes, défendent non seulement le quartier de Sur avec le soutien de la population, et, dans le même temps, ils participent comme les autres voisin-e-s à trouver des solutions aux problèmes du quotidien.

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