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Des conseils juridiques en manif et en action

Ce document mentionne à titre indicatif les peines maximales applicables mais elles ne le sont quasiment jamais aux personnes sans antécédents judiciaires. Les amendes sont, en principe, fixées en fonction des revenus connus.

En manif, en action collective

Pense à avoir le contact d’un avocat : le collectif de soutien aux manifestants peut t’en fournir un que tu pourras indiquer au poste de police si tu es en garde à vue. Si tu suis un traitement, pense à prendre des médicaments et/ou une ordonnance (attention : document nominatif).

Attention aux conséquences en étant en possession  : de drogues illégales, d’objets considérés comme des armes (couteau suisse, cutter), d’armes par destination (bouteille en verre, caillou), d’un carnet d’adresses et répertoire téléphonique (qui peuvent être saisis pour alimenter le travail des flics).

En cas de charge : ne laisse aucune personne isolée. Essaie de rester avec des gens que tu connais (car si quelqu’un-e se fait arrêter, il sera possible d’avoir le contact de ses proches et donc plus facile d’organiser son soutien). Préventivement, on peut désigner les flics en civils aux autres manifestants.

Attention aux photos et vidéos  : Les flics filment et photographient pratiquement en permanence dans les manifestations pour récolter des « preuves » contre les personnes qui sont dans l’action. De plus en plus de manifestants et de journalistes font la même chose et risquent d’alimenter (notamment sur internet), volontairement ou pas, le travail de surveillance et de fichage de la police. On peut tenter d’essayer de les empêcher de filmer et se masquer.

Dissimuler son visage  : en principe, dissimuler « volontairement » son visage lors d’une manifestation « dans des circonstances faisant craindre des atteintes à l’ordre public » est puni d’une amende de 1500 euros. Dans les faits, on est rarement arrêter pour cette seule raison. En revanche, le fait de dissimuler son visage est une circonstance aggravante dans un certain nombre de cas (voir le point suivant).

Attroupement non autorisé.
Les flics peuvent charger pour disperser une manif ou tout rassemblement dans la rue qui n’a pas été autorisé. Ils le font soit après deux avertissements donnés par haut-parleur (les « sommations ») soit, s’il y a des « violences » commises par les manifestants, sans sommations.

Si les « sommations » ont eu lieu (ou même si elles n’ont pas eu lieu mais que les flics prétendent que c’est le cas), c’est un délit de ne pas se disperser, puni d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende.
Si la personne est porteuse d’une arme (qui peut être une « arme par destination », c’est-à-dire, par exemple, un projectile susceptible d’être lancé sur les flics) ou si elle « dissimule son visage » et qu’elle n’a pas quitté un attroupement après les sommations, les peines passent à trois ans de prison et 45 000 euros d’amende. Si la personne est armée et cagoulée, les peines sont de cinq ans et 75 000 euros d’amende.

En cas de contrôle ou d’interpellation

Tu peux faire l’objet d’un contrôle d’identité. Les flics peuvent contrôler l’identité de toute personne suspectée d’être l’auteur d’une infraction, de se préparer à en commettre une ou de pouvoir fournir des renseignements sur une infraction. Les flics contrôlent aussi les identités dans certaines zones répertoriées (ports, aéroports, gares), c’est le « contrôle Schengen ». Le procureur peut donner des instructions écrites aux flics pour qu’ils contrôlent massivement l’identité des gens dans un espace et un temps limité, ce sont les « rafles ». Enfin, les flics peuvent contrôler l’identité d’une personne pour prévenir une « atteinte à l’ordre public, notamment à la sécurité des personnes et des biens » quel que soit son comportement.

Tu es libre d’avoir ou pas tes papiers d’identité sur toi mais tu es tenu-e de décliner une identité (nom, prénom). Certain-e-s refusent de donner leur identité. Dans ce cas, les flics peuvent t’emmener au poste pour une « vérification d’identité ».

Les fouilles de sac en cas de contrôle. La fouille dans les affaires personnelles (sac, portefeuille, poche, etc.) d’une personne est assimilée à une perquisition. Un flic ou un gendarme peut fouiller dans les effets personnels si la personne contrôlée est suspectée d’avoir commis une infraction. Un douanier peut effectuer la fouille lors de la recherche d’une fraude. En revanche, un vigile peut uniquement inspecter visuellement des bagages à main avec le consentement de la personne.
Lors d’un simple contrôle d’identité, seule la « palpation de sécurité » est autorisée : elle consiste à palper la personne pour voir si elle est porteuse de quelque chose de dangereux mais en principe elle n’autorise pas à vider ses poches ni à fouiller dans son sac.
Toute fouille doit donner lieu à un procès-verbal. Il n’y a pas d’obligation à le signer.

Une fois au poste : Soit tu resteras maximum 4h si c’est une vérification d’identité. Soit tu resteras plus longtemps si c’est une garde à vue (GAV). Une vérification d’identité peut aussi se transformer en garde à vue : dans ce cas, tu dois en être averti immédiatement.

La vérification d’identité. D’une durée maximum de 4h, elle a pour but de vérifier l’identité des personnes arrêtées. Il est obligatoire de donner son identité mais aucune peine n’est prévue en cas de refus. Usurper l’identité de quelqu’un qui existe vraiment est un délit et donner une identité fictive est passible de 7 500 euros d’amende si cela a entraîné des mentions erronées au casier judiciaire. Toutefois, il n’est pas formellement interdit de se tromper d’une ou deux lettres en épelant son nom. Il n’y a pas de fichier central d’État civil qui permettrait aux flics de vérifier si une identité existe réellement ou si quelqu’un leur a fourni une identité inventée. Il y a en revanche un fichier central des permis de conduire (une personne qui donne une identité imaginaire a donc intérêt à dire qu’elle n’a pas le permis de conduire).
Lors d’arrestations en nombre, certains refusent collectivement de donner leur identité, ou refusent de montrer leurs papiers en acceptant de donner leur identité seulement à l’oral, afin de compliquer le travail de fichage de la police et la traque des sans-papiers.

La garde à vue  : la durée maximum est de 24h mais la GAV peut être prolongée jusqu’à 48h sur décision du procureur (dans certains cas comme terrorisme ou bande organisée, elle peut durer jusqu’à 96 heures).

Quand tu es mis en GAV, les flics ont l’obligation de te le faire savoir. Ils doivent aussi te dire que tu as le droit de taire, de ne pas répondre à leurs questions, ou de faire des déclarations. Tu as le droit de voir un médecin (même si tu n’as pas de médocs à prendre, même si tu n’as pas reçu de coups pendant l’arrestation). Tu peux aussi demander à appeler un proche mais c’est la police qui le fera (attention : le collectif de soutien ne sera pas considéré comme un « proche » par la police).

Enfin, tu peux demander qu’un avocat avec lequel tu auras un entretien de 30 minutes, soit présent pendant les auditions de ta GAV. Si tu n’en connais pas, tu en auras un commis d’office. Si tu ne comprends pas et ne parle pas le français, tu peux dès le début demander à être assisté par un interprète.

L’audition en tant que « suspect libre » (appelée « audition libre » avant) : c’est un statut intermédiaire entre celui de témoin et celui de gardé à vue. Les flics t’interrogent sans te mettre en garde à vue et, en principe, tu as le droit de t’en aller. Mais dans les faits, ils menacent de mettre en garde à vue ceux qui essaient de partir.

Stratégies de résistance et de non coopération : Pour ralentir le travail de la police, certain-e-s ne déclarent rien et refusent de décliner leur état civil. D’autres ne déclarent que le strict minimum (nom, prénom, lieu et date de naissance). Garder le silence est un droit. Lors de l’interrogatoire, tu peux répondre « je n’ai rien à déclarer » (différent de « je ne sais rien » qui revient à déclarer quelque chose). Tu peux justifier ce silence en faisant remarquer aux flics qu’ils t’ont dit que tu avais le droit de te taire. Donc tu exerces un droit, ni plus ni moins..

Plus elles sont portées collectivement, plus ces attitudes de résistance sont efficaces et faciles à tenir. Quelle que soit la stratégie, il ne faut donner aucune info sur les autres interpellé-e-s ni sur l’action. On ne balance jamais quelqu’un-e d’autre. Même si les flics disent le contraire, le fait d’en dire plus n’écourte pas la GAV et sera retenu contre toi, ou contre les autres, le jour du procès. Il est possible de refuser de signer les documents présentés par les flics (compte-rendu d’interrogatoires, PV de sortie de GAV,...). Signer c’est reconnaître que tout s’est bien passé et s’empêcher de revenir sur ce qui a pu être dit ou subit pendant la GAV.

Empreintes digitales, photos, ADN  : Refuser les photos d’identité, les prises d’empreintes digitales et le fichage ADN est un délit. C’est aussi une position politique qui marque l’opposition au fichage généralisé.
Dans le cadre d’un contrôle d’identité, refuser de donner ses empreintes digitales ou d’être photographié est puni de trois mois de prison et 3 750 euros d’amende. Lors d’une garde à vue, le refus de se soumettre aux mêmes opérations est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Lorsqu’une personne est suspectée d’être l’auteur d’une infraction appartenant à une liste prévue dans la loi (notamment dégradations, menaces, violences), c’est un délit de refuser de donner son ADN, puni aussi d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Les personnes « reconnues coupables » d’une de ces infractions risquent, en cas de refus de prise d’ADN, une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende si cette infraction est un délit, et une peine de deux ans de prison et à 30 000 euros d’amende si l’infraction est un crime.

Une fois que l’ADN est prélevé, les flics le versent au FNAEG. La police et les magistrats des pays de l’Union européenne ont la possibilité d’accéder à ce fichier.

En cas de procès

A l’issue de la garde à vue, il y a quatre possibilités. Tu peux être libéré-e sans suites (pour le moment). Tu peux te voir proposer une médiation, une composition pénale ou une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Tu peux te voir remettre une convocation devant le tribunal avant de quitter le commissariat. Enfin, tu peux être « déféré » c’est à dire emmené au palais de justice pour être présenté au procureur ou au juge d’instruction.

En cas de déferrement, tu peux passer jusqu’à vingt heures à attendre dans la prison du palais de justice (qu’on appelle « le dépôt ») avant de voir le procureur. Celui-ci n’est pas un flic mais un magistrat chargé de décider si tu dois passer en procès. Il peut après l’entretien, soit te libérer s’il estime qu’il n’y a pas de charges contre toi, soit te remettre une convocation pour un procès plus tard, soit t’envoyer devant le tribunal pour une « comparution immédiate ».

Dans les cas les plus graves ou les plus compliqués, tu peux être présenté non pas à un procureur mais à un juge d’instruction, qui va alors éventuellement te « mettre en examen ». Ensuite, un juge spécialisé, le juge des libertés et de la détention (JLD), pourra décider de t’envoyer en détention provisoire. Tu peux aussi ressortir libre mais avec un contrôle judiciaire (par exemple, interdiction de présence sur un territoire précis durant une période donnée préalable à un procès, et/ou obligation de pointer régulièrement au commissariat du lieu de domicile).

En cas de comparution immédiate, tu te retrouves devant le tribunal le jour même où le lendemain de ton entrevue avec le procureur. Tu es alors obligatoirement assisté d’un avocat, si tu n’en connais pas, il sera « commis d’office » c’est à dire désigné et payé par l’État.
A ce moment, tu peux accepter d’être jugé tout de suite ou bien demander un « renvoi » c’est à dire un délai pour préparer ta défense. Ce délai ne peut pas t’être refusé mais le tribunal peut décider de te mettre en prison le temps que le procès arrive (ce qui peut prendre plusieurs semaines). C’est pourquoi, l’avocat doit alors apporter au juge des « garanties de représentation », c’est à dire des preuves que, parce que tu as un boulot et un logement, il y a peu de risques que tu te sauves. Ceux qui n’ont pas de justificatifs de boulot ou de logement sont donc plus facilement flanqués en prison. Dans tous les cas, ces papiers, même de simples attestation d’hébergements ou des promesses d’embauche (à préparer d’avance si possible), sont précieux et doivent absolument être fournis par les proches à l’avocat.

Si tu n’es pas placé en détention provisoire, tu risques d’avoir un contrôle judiciaire en attente de ton procès.

La comparution peut être différée, le procureur remet au prévenu un procès-verbal qui vaut citation à comparaître. Dans l’attente du procès, il peut être décidé que tu seras mis sous contrôle judiciaire ou assigné à résidence.

Note

Si tu es témoin d’une interpellation, de violences policières ou que tu souhaites signaler la présence de policiers et/ou de contrôles.

  • Si tu souhaites des nouvelles de copain-es interpellé-es.
  • Si tu souhaites témoigner sur des événements que tu as vécus

Prends contact avec le collectif de soutien aux manifestants interpellés en appelant ce numéro

+33(0)7 53 39 35 45
cosomi@riseup.net

Merci d’indiquer au début de l’appel si tu souhaites t’exprimer dans une autre langue que le français, comme l’anglais ou l’allemand.
Attention à ne pas donner de noms au téléphone, ni de détails qui pourraient être dangereux pour les personnes interpellées.
Si tu es interpellé, la police refusera d’appeler ce numéro, mais tu peux faire prévenir une personne proche informée à l’avance et qui pourra contacter ce numéro ensuite.
Attention à ne pas inscrire le numéro du collectif sur ton bras, il ne te sera pas utile en garde à vue.

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