Imposons un CDD non renouvelable à nos gouvernants

| Groupe Salvador Segui - FA

Le 5 novembre dernier, la ministre du Travail, interrogée sur BFMTV par Jean-Jacques Bourdin, a été forcée d’avouer son ignorance crasse en matière de… droit du travail, incapable de dire combien de fois pouvait être renouvelé un CDD en France. Derrière la bourde anecdotique, c’est la réalité de toute la classe politique qui se dévoile à nouveau, dans toute sa médiocrité. Une médiocrité dont on ferait peu de cas si elle ne portait pas des attaques contre nos droits de travailleurs, des attaques sans cesse répétées qui ne font que témoigner une fois de plus que, dans la lutte des classes en cours, l’État a toujours été du côté du patronat.

Et un, et deux, et trois zéro ! C’est bien une triple bulle que nous pouvons aisément décerner à la triple buse actuellement en charge du ministère du Travail, Myriam El Khomri. Il est en effet exemplaire et illustratif des temps actuels que notre ministre du Travail par défaut n’ait pas su répondre à la question d’un journaliste, certes plus réactionnaire et libéral qu’elle, portant sur le nombre de renouvellements autorisés pour un contrat à durée déterminée (CDD). Après tout, cette dame n’est qu’un échantillon représentatif d’un gouvernement dit socialiste, mais dont aucun membre n’a jamais goûté les plaisirs du monde du travail – Macron mis à part, mais directeur d’une banque, nous sommes bien d’accord, ça ne compte pas ! Un gouvernement accomplissant par ses mesures antisociales et régressives la mise en place d’une société ultralibérale dépassant par bien des aspects celles déjà existantes (États-Unis d’Amérique ou Grande-Bretagne), et ce avec une aisance et un accompagnement des centrales prétendument syndicales qui font pâlir de jalousie l’agité sur talonnettes, ancien locataire de l’Élysée. Car derrière l’image du président bon enfant qui peinerait à imposer son autorité se trouve en réalité un chef d’État aux froides logiques menant une politique qui fait preuve d’une rare constance, celle du sacrifice des droits des travailleurs sur l’autel du profit capitaliste.

Depuis 2012 et l’élection d’un candidat « socialiste » alors présenté comme ennemi de la finance, rien n’a été entrepris pour remettre en cause les choix politiques qui ont permis le crack financier de 2008 ; rien n’a été mis en œuvre pour mettre les banques au service de l’économie alors qu’elles ont été gavées de nos liquidités sans contrepartie exigible ; rien n’a été mis en place pour mettre fin aux opérations financières spéculatives ; aucun contrôle fiscal et social de la concurrence économique en Europe pas davantage que des moyens législatifs et répressifs pour anéantir l’évasion fiscale pratiquée par les entreprises du CAC 40 n’ont été même affleurés. Ah, si ! Il est récemment évoqué la fameuse réforme fiscale omise en début de quinquennat et désormais impossible à faire adopter au Parlement. Qu’on soit d’accord ou non avec l’idée d’État, une réforme de la fiscalité aurait eu un minimum de sens commun si l’impôt touchait justement l’ensemble de la population et un tant soit plus la minorité opulente qui s’y soustrait légalement alors qu’elle vit de la captation de la richesse produite par le travail. De toute évidence, les Arlequins de gauche n’ont pas ce courage qui aurait pu les distinguer des Polichinelles de droite.

Nous assistons au triomphe de la couardise alliée à celui de la vacuité. Mais le problème est que nous les subissons. Car, plutôt que de reconnaître la place centrale et incontournable qu’a toujours occupée le travail dans la création de la richesse, ces marionnettes n’ont de cesse de le (mal) traiter comme « la » variable d’ajustement de leur politique économique. La loi issue de l’ANI de janvier 2013 et adoptée au pas de charge, les récentes lois Macron et Rebsamen se succèdent à un train d’enfer pour étendre et aggraver la précarité – qu’ils érigent en système d’organisation du marché du travail – et pour toujours plus amoindrir les possibilités de défense des travailleurs contre la délinquance patronale. Le rapport Combrexelles, présenté en septembre 2015, laisse déjà entrevoir la prochaine réforme du Code du travail, réforme qui prendra la forme d’un détricotage général qui réduira nos droits à peau de chagrin.

Avec de moins en moins de subtilité, en l’absence de toute révolte, la classe politique est tout entière affairée à détricoter à coups de cutter l’ensemble de la construction de droits sociaux obtenue par des générations de luttes syndicales et sociales dont la vocation réformiste était d’atténuer les affres de la misère et de la précarité auquel le capitalisme nous expose intrinsèquement. Leurs efforts sont sans défection à détruire le système de protection de la Sécurité sociale – dont l’esprit était de « débarrasser les travailleurs de l’incertitude du lendemain » en contrepartie de l’effort de reconstruction nationale à la Libération – pour la livrer progressivement aux assurances privées. Leurs efforts sont sans borne pour supprimer tout le système de droits qui protégeait encore le contrat de travail et ses conditions sous le prétexte que le Code du travail instaurerait l’insécurité parmi les employeurs. La démonstration de cette allégation étant impossible à établir, ils n’hésitent même pas à jouer la grosse ficelle d’une prétendue complexité induite par le nombre de pages conséquent de ce Code du travail (en prenant, bien sûr, son édition annotée de jurisprudence !). Comprenne qui pourra le sens de la démonstration ! Sur ce mode, on peut s’imaginer capables de faire la même démonstration crétine avec le Code du commerce, s’il s’agissait de l’accuser d’entrave au commerce libéral…

Décidément, non contents d’accompagner leur politique antisociale par la violence de mots dignes des gangsters de l’édification du capitalisme d’il y a plus d’un siècle sur des montagnes ensanglantées de viande à produire, il faut en plus que nos édiles gauches et bien à droite nous témoignent du néant abyssal qui les habite. Et cela, dans une torpeur générale dont on dit même, pour effrayer davantage, qu’elle se traduirait aussi en succès électoral pour l’extrême droite. Une extrême droite qui s’époumone à se présenter comme antisystème mais qui poursuit les mêmes rêves antisociaux que ses homologues PS et Républicains de l’échiquier politique – son silence à propos des attaques libérales de ces dernières années en témoigne suffisamment. Démonstration est faite que, pour courir avec autant de concurrence et d’envie après le moindre poste de pouvoir, l’indemnité ministérielle n’est pas fondée sur le QI. Sans quoi, c’est toute une armée de politiciens qui ne boufferait pas.

De notre point de vue de travailleurs, syndicalistes et anarchistes, il est décidemment de plus en plus urgent de décréter l’obsolescence programmée de cette classe de parasites ! Car nous pouvons aisément conclure que la ministre du Travail, ses collègues ministériels comme tous les gouvernements, ne méritent qu’une rupture de contrat sans indemnité et avant même la fin d’une période d’essai. Pourtant, plus il est évident que ces malfaisants ont à cœur de servir les seuls intérêts de la classe possédante, et donc de ne jamais satisfaire les attentes sociales d’une population exploitée, et plus celle-ci s’évertue encore à les croire indispensables comme un chaton s’accroche au robinet qui le noie. Si une société de justice sociale ne peut pas seulement se bâtir avec des pendaisons de patrons par leurs cravates, il reste pourtant beaucoup de chemises d’engendreurs de misère à déchirer pour s’affranchir des prédateurs sociaux.

Jean-Marc Destruhaut et Guillaume Goutte
Groupe anarchiste Salvador-Seguí

Mots-clefs : libéralisme | démocratie

À lire également...