Histoire, technique et business des armes dites « non létales »

Une enquête — historique, technique et géographique — sur les armes à létalité réduite, c’est-à-dire toutes les armes de la police censées ne pas tuer. A lire en trois parties, par le site Reims Médias Libres. Ces extraits ont été originellement publiés en 2015, depuis l’arsenal s’est développé, mais cet article conserve toute sa pertinence.

Première partie : historique des armes dites « non-létales »

« Historiquement, donc, si la présence d’arme non-létale est à constater un peu partout, et surtout dans les colonies dès le début du siècle dernier, les premiers à utiliser de manière répétée et réfléchie ces armes vont être les britanniques. L’Irlande du Nord est considérée comme le laboratoire des armes non-létale sur les populations locales de la Métropole. Leur utilisation va intervenir dans deux circonstances, sommes toutes très différentes : l’interrogation des prisonniers de l’IRA et la gestion des émeutes. La première de ces utilisations sera qualifiée de "traitements inhumains et dégradants" par la Cour Européenne des Droits de l’Homme dès 1976. En revanche, la seconde utilisation, celle durant les manifs, va poser beaucoup moins de problèmes éthiques.(...)

Les lacrymos et les canons à eau, même si ces derniers sont peu utilisés en France il est vrai, vont devenir une image d’Épinal des manifs, à tel point que plus personne ne sera choquée par leur usage. En revanche, dans les quartiers se développe une toute autre vision. Avec l’arrivée de Mitterrand, la gauche souhaite éviter de trop tuer, la violence des derniers ministres de l’intérieur (dont les deux tarés Marcellin et Poniatowski) a un tant soit peu écorné l’image de la police dans les couches populaires. C’est donc en 1982 qu’arrivent les célèbres GOMM-COGN de l’entreprise ManuFrance tirées par des fusils à pompe. Les policiers vont très vite les adopter et leur présence va se généraliser dans les rangs des forces de l’ordre au cours des années 1980, notamment dans les quartiers. »

La suite de « l’Historique des armes dites "non-létales" » sur Reims Médias Libres.

Deuxième partie : descriptif technique des armes dites « non-létales »

« A tout seigneur tout honneur ! Il paraissait impensable de ne pas commencer cet article par la star des armes à létalité réduite : le Flash-ball. Cette arme sort tout droit de la tête de Pierre Richert, d’abord à destination des commerçants. Suite à la flambée de meurtres racistes dans les années 80/90 de cette catégorie de la population, il imagine un fusil de chasse à canon scié tirant des balles en plastique, le Flash-ball naît ! Après plusieurs discussions, la police se laisse séduire. La police, mais surtout son ministre de l’Intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, qui par une intense communication médiatique et politique va convaincre services, ministères et journalistes que l’avenir de la police se trouve dans le Flash-ball. (...)

Cependant, l’utilisation du Taser augmente. En France, les autorités se servent du Taser X26.
Cette arme de 4e catégorie se présente sous la forme d’un pistolet de 175 grammes. Il envoie deux dards de 5 centimètres de long à une vitesse de 50 mètres par secondes. Ces dards, reliés au pistolet par des fils, se plantent dans le corps et délivre alors une décharge de 50 000 volts et 80 ondes de 2 milliampère et de 0.07 joule. Sa portée maximale atteint 7,60 mètres. Il peut également être utilisé comme arme de poing ou arme dissuasive. En effet, ce mode d’utilisation consiste à faire en sorte que la personne visée puisse visualiser le point rouge du désignateur laser sur lui, cette cible s’accompagne souvent du bruit de l’arc électrique afin d’accentuer l’effet dissuasif..

Au moment de la décharge, pouvant être multipliée à souhait, le système nerveux se paralyse complètement pendant cinq secondes. S’en suit une douleur aiguë que les Nations Unies qualifient de "forme de torture" dans plusieurs rapports entre 2007 et 2010. D’ailleurs, le règlement européen numéro 1236/2005 du 27 juin 2005 le classe dans les armes potentielles de torture. (...)

Historiquement, les lacrymogènes apparaissent en France en 1912. En collaboration entre la police, l’institut Pasteur et le laboratoire municipale, le premier gaz lacrymogène, le bromacétate d’éthyle, est utilisé dans l’assaut contre "La bande à Bonnot" à Choisy-le-Roi, puis son utilisation est généralisé en 1913 contre les manifestants. Entre 1913 et 1939, la brigade des gaz intervient dans le maintien de l’ordre, gestion des foules et des forcenés retranchés. Depuis, l’utilisation de gaz est une tradition dans la gestion des foules en France, sifflant souvent le coup d’envoi des émeutes entre manifestants et policiers.
La police française utilisent principalement deux sortes différentes de gaz, l’OC et le CS. »

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Troisième partie : les armes dites « non-létales » dans le monde

« En 2013, lors des manifestations paysannes en Colombie, c’était Combined Systems, entreprise étasunienne, qui fournissait le gaz après avoir signé un contrat de 1,5 millions d’euros avec le gouvernement colombien en 2007. Le coup, en Colombie, d’un tir de grenade est évalué à 17 euros, le fonds de roulement de la police colombienne a également passé un contrat avec Combined Systems, à hauteur de 94 000 euros
Combined System fournit également Israël, l’Égypte et le Yémen.

Le gaz CS, pourtant qualifié "d’arme chimique" par les Nations Unis se voit commercialisé sous l’appellation "armes non létales". Et la crise donne des ailes à ce business. En 2012, au moment des révolutions arabes et au Moyen-Orient, le marché de la sécurité de cette zone représentait 6 milliards d’euro, soit une augmentation de 18 % par rapport à l’année précédente.
400 000 unités de gaz ont été exportés des États-Unis pendant les révolutions arabes.

Selon Amnesty Internation, 230 sociétés dans 35 pays fabriquent des armes à décharges électriques, en particulier en Chine, à Taïwan, aux États-Unis, en Corée du Sud, et en Afrique du Sud. 81 pays utilisent des armes électriques.

69 entreprises de 12 pays fabriquent, distribuent ou font le commerce des entraves pour les jambes, des chaînes ou des menottes pour les pouces. Les chercheurs ont recensé des fabricants de ces matériels dans des pays comme la Chine, la République tchèque, l’Afrique du Sud, la Corée du Sud, Taïwan... (...)

La profusion de ces armes lors des dernières décennies a engendré une industrie prolifique autour du maintien de l’ordre qui devient un domaine du privé. La principale conséquence devient l’intérêt économique qu’il y a à mutiler, voire tuer, avec ces armes. La société qui produira l’arme la plus efficace en terme de coercition de révolte gagnera les marchés. Ainsi, la mise en concurrence crée une fuite en avant vers des armes de plus en plus violentes, précises et mortelles, malgré leur "létalité réduite" affichée.

« Les armes dites "non-létales" dans le monde », à lire en intégralité sur Reims Médias Libres.

Mots-clefs : armes de la police

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