Hafed Benotman, décédé ce 20 février

Hafed Benotman est décédé ce 20 février.

Il était écrivain. Il avait 54 ans. Il avait passé 17 ans ans en prison en trois fois pour braquages de banques, sans arme. Écrivain, poète, metteur en scène, acteur, auteur de scénarios (le film « Sur la planche » de Leïla Kilani), etc.

Hafed venait de terminer le tournage d’un film en Belgique dont il était l’acteur principal et y jouait le rôle d’un antiquaire. Le film s’appelle « Diamant noir » de Arthur Harari et sera en salles entre août et septembre prochain. Et Abdellatif Kechiciche va faire un film sur l’un de ses livres, « Marche de nuit sans lune ».

Il était « sans-papiers », Hafed (s’il avait été arrêté dans la rue, c’était directement la garde à vue). Mais rien ni personne ne pouvait empêcher cet homme-là de faire ce qu’il jugeait bon de faire. Comme de participer à des festivals, d’intervenir dans les médiathèques, dans des amphithéâtres d’IUT pour parler du racisme, de la prison, de l’enfermement en général.

Dans une pièce, chez moi, j’ai une affiche avec – quand même ! – le sigle de la préfecture de la Haute-Loire. Il y est écrit : « Tous ensemble contre le racisme » PAS D’HISTOIRE, 12 regards sur le racisme au quotidien, avec la participation exceptionnelle du parrain de la soirée Hafed Benotman. Quel détestable cynisme !!

Alors oui, moi, Laurence Warot, qui était une des amies d’Hafed Benotman, j’accuse les gouvernements successifs d’avoir laissé cet homme sans papiers, donc sans sécurité sociale, donc sans aucun moyen de se soigner ni d’avoir la possibilité d’avoir ne serait ce qu’une chambre pour se loger, sans pouvoir avoir un téléphone, d’avoir par imbécilité intellectuelle essayé de le clochardiser pour le faire taire. Après l’avoir pratiquement tué une première fois en le laissant agoniser, sans aucun soin, parce que les gardiens de Fleury Mérogis avaient peur qu’il mente et qu’il en profite pour se faire la belle, alors qu’il souffrait mille morts en faisant son premier infarctus , seul, dans sa cellule.

Hafed Benotman dont Robin Cook parlait en disant : « Si je devais définir le travail de cet écrivain, je dirais que c’est son cœur qu’il arrache devant nous et pose, encore battant, sur la table, c’est le travail d’un homme qui – non de sa propre volonté, mais parce qu’il n’a pas le choix – entretient un rapport intime et familier avec l’horreur qui le hante. »
Le cœur, l’écriture, le goût des autres, l’Amitié qu’il dispensait sans compter… Il riait aussi beaucoup Hafed, il aimait faire la fête avec celles et ceux qu’il aimait .
Il m’avait dit un jour : « Tu sais je ne suis pas heureux, non , mais je suis joyeux. ».
Et puis pour, presque terminer et je souhaite que la postérité le retienne comme tel, Hafed Benotman fut un génie de l’écriture. Il a inventé un style et c’est si rare !
Voilà, maintenant je lui laisse la parole en recopiant quelques lignes d’un de ses poèmes « L’œil à clef » paru aux Éditions Domens :

Voyance
L’avenir a parfois des clins d’œil
A ouvrir ce cercueil
Où ronfle mon destin

La mort est parmi moi
Je le sais
Je le sens
Et tant mieux pour ce tant pis

Laurence Warot

Article écrit pour le Monde libertaire.

Note

Les livres d’Hafed :
« Les forcenés », « Eboueur sur échafaud », « Les poteaux de torture », « Marche de nuit sans lune » chez l’Editeur Payot-Rivages, Rivages/ noir.
« Garde à vie », livre pour ados chez Syros.
« L’œil à clef » Editions Domens.
« Le philotoon’s » et « La joue du roi » aux éditions L’Insomniaque.
« Coco », illustré par Laurence Biberfed.

Mots-clefs : livre | anti-carcéral | prison

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