Du projet de documentaire « Et alors, qu’est-ce que ça change ? » - sur la lutte des Conti

Projection au LAP le jeudi 16 octobre à 19 h d’un documentaire sur la lutte des Conti, dont le montage est en cours de finalisation.

C’est parce que je me suis longuement interrogé sur ce que la lutte pouvait changer de manière existentielle pour chacun d’entre nous que je me suis lancé dans la réalisation de ce film documentaire.

Ça fait juste 5 ans que je travaille sur ce film. Certes pas tous les jours, mais 5 ans que ce film me travaille. Aujourd’hui le montage est presque fini. Reste encore quelques travaux pour l’achever.

Dans le cadre des jeudis du Lycée Autogéré de Paris, une projection-discussion est organisée le jeudi 16 octobre à 19h au 393, rue de Vaugirard. L’entrée est libre bien entendu. Cette soirée sera l’occasion d’échanger autour de l’histoire des Conti, du cinéma militant et de relayer la souscription pour permettre à ce projet d’aboutir.

Synopsis

Ils sont cinq Conti, des ouvriers qui ont travaillé de nombreuses années à l’usine de Continental, près de Compiègne.

Cinq ans plus tard, je les retrouve. J’exhume avec eux ces bandes vidéo que j’avais tournées et remisées. Des traces de leur lutte, moments bruyants, vivants, collectifs et lumineux. Aussi, je les questionne sur ce qu’ils y voient, ils me racontent ce qu’ils sont devenus. Droit dans les yeux, se contredisant, se complétant, les portraits de ces cinq anonymes dessinent en filigrane ce que la lutte laisse comme traces.

Parce qu’on a trop l’habitude de voir les ouvriers seulement dans le conflit, la colère, les réactions à chaud et l’effervescence, ce film nous plonge aussi dans un autre moment, celui de « l’après ».

Alors oui, le conflit est aujourd’hui fini, mais quelque chose a désormais profondément changé chez chacun d’entre eux...

Contexte

Être ouvrier chez Continental

Travailler 2 jours, dormir 3 nuits, dormir 1 jour, travailler 3 jours... Tous ont connu les “3 X 8“, voire les “4 X 8“, et pour quelques uns les “5 X 8“. Ces rythmes de travail ont été mis en place pour satisfaire aux contraintes de la production mais personne ne s’y retrouve. Même la direction est revenue au traditionnel « 1 semaine de matin, 1 semaine d’après-midi et 1 semaine de nuit ».

Depuis 2007, ils étaient repassés aux 40 heures afin de pérenniser le site jusqu’en 2012.
C’était le deal qu’ils avaient bon gré mal gré, passé avec la direction. Il faut dire qu’en Picardie, travailler chez Continental, signifiait pour la plus part d’entre eux, être propriétaire de sa maison, avoir des enfants et un cousin ou un beau-frère à l’usine. Les salaires étant supérieurs à bien d’autres entreprises du bassin industriel, c’était plutôt apprécié des banquiers lorsqu’ils devaient s’engager sur un crédit de vingt ans.

A peine deux ans plus tard, ils apprennent que leur usine va fermer et que leur licenciement va être prononcé rapidement. C’est alors qu’ils entrent dans un autre moment : Assemblée générale, formation, recherche d’emploi, bistrot, balade en forêt, manifestations, télévision et déprime, ça a été le quotidien pour une grande majorité des Conti. Encore sous contrat de travail jusqu’au 31 décembre 2011, 80 % de leur salaire leur a été versé jusqu’au licenciement. A cette date, ils sont partis avec une « prime supra-légale » de 50 000 euros, une prime qu’ils ont voulue égale pour tous, arrachée à la direction par une lutte menée collectivement.

Aujourd’hui, ils sont au chômage pour une bonne partie d’entre eux et ont perdu en plus de leur emploi ce qui va avec : statut, dignité et parfois maison. Pour certains, c’est beaucoup, voir tout. Pour d’autres, c’est une aubaine, un nouveau départ.

La fermeture
La raison invoquée pour fermer ce site de production est, comme d’habitude, la diminution des profits mettant en péril l’entreprise. Ceci malgré les 17 millions de bénéfices qu’elle se partage avec l’usine de Sarreguemines, située à quelques kilomètres de la frontière allemande. A Clairoix, on fabrique des “premières montes “, pneus aux spécifications particulières, installés sur les voitures neuves. La crise faisant, la vente de véhicules neufs a chutée, il est donc impératif de revoir l’organisation de la production... Paradoxalement, le directeur de la toute nouvelle usine de Timisoara, en Roumanie, qui connaît très bien Clairoix pour y avoir été non seulement le directeur des ressources humaines mais également l’initiateur du retour aux heures hebdomadaires, n’a jamais fait appel aux ouvriers français, bien que le site roumain était cruellement en manque de main-d’œuvre.

La réaction à chaud
Un délégué de la Confédération Générale du Travail (CGT), Xavier Mathieu, est interviewé sur France Inter. Il promet que les salariés de Continental ne vont pas en rester là. “Là“, c’est devant le local syndical, entre le parking bien rempli et l’entrée de la cantine, à trois tours de roues de l’usine. Franc-parler, colère et virulence tranchent avec le discours des médias. Quelques heures plus tard, quand le directeur du site se présente aux milliers de salariés, caméras et œufs se donnent rendez-vous sur le crâne du directeur du site. Les tirs sont précis et l’image fait le tour des rédactions : les Conti font déjà parler d’eux.

Dispositif

Ce film, c’est 5 portraits, une ouvrière et quatre ouvriers. Tous ont porté la lutte au sein du comité de lutte. Chacun s’exprime lors d’entretiens filmés. Ils réagissent à une sélection d’archives de lutte, filmées 5 ans plus tôt lors de la lutte. On part du concret des images du conflit, celui qui se joue devant nous pour arriver au plus personnel de chacun d’entre eux. Ce dispositif est aussi un prétexte pour savoir ce qu’ils sont devenus et ce que la lutte laisse comme trace.

Les archives, la lutte
Elles retracent la lutte au présent. On se retrouve en assemblée générale devant l’usine, aux réunions du Comité de lutte dans le réfectoire, aux discussions informelles dans le local syndical, sans oublier manifestations et actions. Ces moments de rigolades, de chansons et de coups de gueules sont collectifs, agités, vivants, intenses. Les prises de paroles régulières en assemblée générale posent les enjeux du moment et permettent de saisir leur stratégie.

Tourné seul, caméra à l’épaule, je porte un regard de sympathie et d’adhésion au mouvement et j’adopte une posture de neutralité bienveillante. Cette matière se distingue par sa tonalité incisive et ses couleurs vives comme les salariés, elle marque un moment de mobilité collective, dans les corps comme dans les esprits. Certains n’ont jamais autant voyagé que dans ce moment. Les enjeux y sont clairement exprimés.

Les entretiens
Filmés tour à tour dans la pénombre de la salle de visionnage, leur regard oscille entre l’écran qu’ils ont devant eux et ma caméra. Certain qu’ils attendaient ce moment : celui des explications.

Contacts

contact@etalors-lefilm.fr
Facebook : Et alors, qu’est-ce que ça change ?
Twitter : #etalorslefilm

Mots-clefs : usines | documentaire
Localisation : Paris 15e

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