Depuis plus d’un an, toujours des campements. Que fait-on ?

Ce qui se profile en terme de politique migratoire va plutôt vers le durcissement. Sans lutte et organisation collective sur les campements de migrants, la situation va empirer.
Soyons présent-e-s et combatif-ve-s

Il y a un peu plus d’un an, le 2 juin 2015, un campement de rue de migrant-e-s, qui grossissait depuis plusieurs mois sous le métro aérien au carrefour de la Chapelle dans le 18e était évacué sous le regard de dizaines de caméras. C’était la première évacuation « spectaculaire ».

Opération à la gloire des pouvoirs publics qui a passé sous silence qu’une centaine de migrants ce jour-là n’ont pas été pris en charge... .

Ce 2 juin 2015, ce n’est pas seulement un cycle « infernal » de chasse aux migrants qui a commencé, mais aussi un mouvement de solidarité. Dans lequel les laissés-pour-compte de l’évacuation du 2 juin et celles/ceux qui les ont rejoints n’étaient pas des malheureux-ses qu’on assiste mais des camarades de lutte. Cela a permis de résister au harcèlement policier et à plusieurs expulsions violentes telles celle du square Saint Bernard ou de la Halle Pajol le 8 juin 2015.

Après des manifestations régulières et l’occupation d’un immense bâtiment (la caserne de pompiers Louis Blanc), la Mairie de Paris et la Préfecture ont initié une nouvelle logique : des évacuations dites « opérations humanitaires ».

La mairie de Paris se félicite de ces évacuations en parlant de mise à l’abri et de prise en charge, oubliant qu’à chaque fois il y a des dizaines voir des centaines de laissé-e-s pour compte et ne mentionnant pas que ce n’est que quand les campements sont trop visibles qu’ils sont évacués. Malheureusement cette visibilité vient essentiellement du nombre de migrant-e-s qui y vivent, à défaut d’actions politiques menées par ces dernier-ère-s vivant sur les campements et leurs soutiens. En effet, 1000 personnes sur un trottoir ou sur une place, ça se voit et pour la mairie de Paris ça fait désordre.

Aujourd’hui, après 26 autres évacuations de campements dans le nord de Paris pour l’essentiel, la situation est catastrophique : chasse aux migrant-e-s dans les rues, vol et destructions de leurs tentes et couvertures, pressions et violences policières (sur facebook)

Ces dernières semaines le harcèlement policier et administratif s’est aggravé : arrestations sommaires et systématiques avec souvent à la clé une OQTF (obligation de quitter le territoire français, qui, si elle est contestable précarise grandement leur situation) et parfois placement en CRA .
En effet, pour la Police et l’État, s’attaquer aux personnes qui sont sur les campements c’est s’assurer de pouvoir afficher les résultats de leurs politiques migratoires, en capturant des gens qui n’ont pas encore pu avoir accès aux démarches d’asile censées les protéger.
Actuellement les PADA (plateformes d’accueil pour demandeurs d’asile qui sont chargées du pré-enregistrement des demandes) sont saturées faute de moyens mis en place pour assurer cette mission. À Paris particulièrement l’accès aux démarches d’asile est extrêmement difficile et il faut camper devant plusieurs jours pour espérer y entrer. Ainsi beaucoup de migrants-e-s peuvent rester plusieurs mois sans statut, à la rue et dans la plus grande vulnérabilité.

Lors d’une des dernières évacuations de campement du 29 juin 2016, des migrant-e-s se sont vus refuser l’entrée du gymnase réquisitionné par les pouvoirs publics par des élus qui les ont chassés à coups de pieds (Paris 15e).
Ceux/celles qui n’acceptent pas de moisir dans des gymnases isolés en grande banlieue, sur des lits de camps collés les uns aux autres reviennent sur les campements.
Avec d’autres, qui chaque jour continuent d’arriver à Paris, il-les tentent de rester ensemble, de s’installer sur des bouts de trottoirs, mais sont traqué-e-s violemment par la police (empêchés de s’installer à plusieurs, réveillé-e-s par des coups et des gaz lacrymogènes), leurs affaires détruites ou confisquées.

Ainsi, actuellement, la situation est la même qu’il y a un an après la très médiatique évacuation du 2 juin 2015, mais la répression s’est à la fois banalisée et durcie et surtout, aujourd’hui, il y a beaucoup moins de solidarité. Ou en tout cas si elle est matérielle (repas, vêtements…) ne s’exprime plus du tout en terme de lutte politique. L’an dernier, l’errance des groupes de migrant-e-s à la rue harcelé-e-s par la police a été accompagnée d’une belle mobilisation et nous étions souvent des centaines avec eux/elles dans la rue, et des milliers dans des manifestations de solidarité.
Des assemblées générales avaient lieu sur les campements, des lieux ont été occupés, l’organisation de la (sur)vie quotidienne supportée collectivement, des manifestations organisées par les migrant-e-s, des cours de français, de l’information juridique.

Lors de ces premières évacuations, il y a eu des tentatives pour obtenir des informations et des garanties (le minimum : destination des bus, assistance pour les démarches d’asile, conditions et durée des hébergements). Certain-e-s refusaient de monter dans les bus sans garantie d’une prise en charge de tou-te-s par exemple.
En effet lors des évacuations les pouvoirs publics exercent une terrible pression et toujours le même chantage : bus vers l’inconnu, sans information, ou la répression policière et la dispersion. Ce chantage n’est ni discuté ni envisagé dans le cadre d’assemblées sur les campements.

Sans lutte la fatigue prend le dessus, à la fois pour les migrant-e-s qui attendent passivement les bus et pour les personnes solidaires qui n’envisagent la question de la liberté de circulation et d’installation que sous l’angle de la distribution de couvertures ou de nourriture.

Se substituer aux pouvoirs publics en assurant la survie des personnes sur les campements sans accompagner cette action de revendications et d’actions politiques pour cette liberté de circulation et d’installation, et pour une évolution concrète et rapide de l’accueil des personnes migrant-e-s, menées par eux/elles et leurs soutiens, c’est jouer le jeu des politiques responsables.

Sans lutte, les perspectives manquent et cela laisse place au découragement et permet moins de résistances.

N’envisager la lutte que du point de vue de la solidarité matérielle mène à des situations absurdes. Par exemple le 30 juin alors qu’une trentaine de migrant-e-s étaient encerclé-e-s à la rotonde Stalingrad, la plupart des soutiens présents se préoccupaient essentiellement de ne pas perdre les tentes.
C’est donc sans tentative de résistance et de solidarité de ces même soutiens avec papier qu’il-elle-s ont été embarqué-e-s par la police, fiché-e-s et ont reçu des OQTF.

Il est essentiel d’être présent-es pour réagir collectivement face aux violences policières, refaire des réseaux pour être informé des rafles, se mobiliser pour qu’elles n’aient plus lieu, et à défaut, pouvoir les accompagner pour des recours.

Ce qui se profile en terme de politique migratoire va plutôt vers le durcissement. Sans lutte et organisation collective la situation va empirer.

Soyons présent-e-s et combatif-ve-s

Localisation : Paris

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