Démystifier Euromaidan – Révoltes et héritage du socialisme réel

« Voir dans les barricades et les affrontements violents avec les mercenaires du régime un signe de radicalité révèle un grave manque de sens critique, au même titre qu’attribuer un contenu démocratique à la révolte en fonction de la revendication d’intégration à l’UE relève d’un raisonnement erroné. »

Par Charles Reeve. Le 28 février.

Les événements ukrainiens, l’occupation de la place de Kiev et le massacre qui a abouti à l’éviction de Yanoukovitch et de son gang n’ont pas été faciles à suivre pour qui cherche à comprendre le monde où l’on est forcé de vivre ! Surtout si l’on tient compte du peu d’informations directes et fiables, et de la puissance de la propagande pro-UE et pro-démocratique distillée par les des médias européens. Nous avons aussi été confrontés aux dérives habituelles de ceux qui se laissent vite séduire par tout affrontement de rue avec la police. Or, voir dans les barricades et les affrontements violents avec les mercenaires du régime un signe de radicalité révèle un grave manque de sens critique, au même titre qu’attribuer un contenu démocratique à la révolte en fonction de la revendication d’intégration à l’UE relève d’un raisonnement erroné.

Le devenir de toute révolte sociale qui reste cantonnée dans le champ de la politique est façonné par les intérêts des forces capitalistes et les rapports inter-capitalistes. Comme on sait, on l’a observé concrètement, le rapport entre les intérêts du capitalisme européen - tout particulièrement son noyau allemand - et ceux du capitalisme russe est au centre de la crise ukrainienne. Mais un mouvement social capable de déséquilibrer les rapports politiques à l’intérieur d’un État crée inévitablement des situations imprévisibles et peut peser sur la logique froide des rapports inter-capitalistes. C’est pourquoi la compréhension de la nature et des projets des forces politiques à l’œuvre à l’intérieur du mouvement ukrainien est indispensable pour y voir plus clair.

Deux forces politiques organisées étaient présentes, depuis le début, dans la révolte de Maidan contre le régime de Yanoukovitch et son Parti des Régions. À côté des partis démocratiques libéraux pro-UE, une autre force politique a progressivement exercé une influence sur le cours des événements. Il s’agit du courant ultra-nationaliste et raciste, représenté en particulier par le parti Svoboda, qui a une réelle implantation et un pouvoir de mobilisation à Kiev et en Ukraine occidentale.Pour des raisons d’opportunisme et d’intérêt politique, les démocrates occidentaux et leurs plumitifs ont choisi de minimiser, voire d’ignorer et de passer sous silence, leur intervention, leur idéologie et leur projet politique [1]. Or celui-ci n’est pas identique à celui des forces pro-UE, dans la mesure où ce courant fanatiquement nationaliste est opposé, du moins en théorie, à la fois à la domination russe et à celle de l’Europe, vue comme une zone de valeurs décadentes et soumise aux « intérêts juifs internationaux » [2].

L’existence, à Kiev, de petits groupes possédant une vision critique du monde et des intérêts capitalistes en jeu est un atout précieux pour nous éclairer dans le brouillard d’Euromaidan. Plusieurs textes sont accessibles sur le Net. Citons notamment cette interview, réalisée par une radio libre de Caroline du Nord (USA), Ashville Fm Radio, avec un camarade anarcho-syndicaliste de l’Union autonome des ouvriers d’Ukraine. On peut aussi lire, sur le site de ce groupe et en anglais, une autre interview [3] et une discussion [4]. Enfin, un texte, moins intéressant et plus idéologique, du Syndicat autonome des travailleurs de Kiev est disponible en français.

Il ne s’agit pas de tenir ces textes pour LA vérité sur la situation en Ukraine. Compte tenu de la confusion qui règne et des aspects contradictoires et changeants de la situation, des divergences d’analyse sont légitimes et doivent s’exprimer. Mais il s’agit de lire ces textes en respectant l’intelligence de ceux qui s’expriment et d’en tirer des éléments pour prolonger la réflexion, comprendre un mouvement qui ne va pas nécessairement dans le sens de nos désirs et attentes. Car, à l’instar d’autres évolutions dans les sociétés issues de l’effondrement du bloc du capitalisme d’État, ces révoltes sont portées par et porteuses de tendances profondément réactionnaires face auxquelles les courants émancipateurs se trouvent en minorité, voire en danger.

Revenons maintenant brièvement sur quelques-uns des aspects abordés par ces camarades ukrainiens.

Lire la suite sur Article 11

Notes

[1Une exception à souligner, l’article d’Emmanuel Dreyfus, « En Ukraine, les ultras du nationalisme », dans Le monde Diplomatique de mars 2014.

[2Sur le sujet, il faut aussi mentionner ce texte, qui apporte un autre son de cloche sur la question du racisme mais qui confirme le retour du religieux et la domination des idées nationalistes et autoritaires.

[3Note de PLI : Il s’agit en réalité du même groupe anarcho-syndicaliste que celui cité plus bas. Une traduction en Français existe : “Les hommes politiques ont dû obéir à la foule” – Interview sur les manifestations à Kiev

[4Note de PLI : idem. Voir la traduction : Ukraine « les contradictions de l’insurrection d’EUROMAIDEN »

Mots-clefs : néo-nazis
 | Ukraine

À lire également...