À Nanterre comme dans les autres facs de la région parisienne, sous prétexte de nous protéger d’on ne sait pas vraiment quoi, le plan Vigipirate a instauré un flicage permanent des étudiants, sommés de présenter leur carte d’étudiant pour pouvoir accéder aux bâtiments.
Il va sans dire que cela durant depuis trois semaines et ayant lieu une petite dizaine de fois par jour et par personne, ça commence à nous gonfler un peu. Par souci d’honnêteté, nous nous devons d’admettre avant tout l’efficacité de ces mesures : aucun djihadiste surarmé n’a encore eu le courage de les affronter, et depuis leur mise en place, aucun massacre n’a eu lieu ! Ceci étant dit, on se sent entièrement dépossédé de notre lieu d’étude, et l’atmosphère paranoïaque de suspicion généralisée devient irrespirable. Si on ne les aime pas trop, il faut préciser que nous éprouvons aussi un peu de compassion envers ces types qui passent des journées entières dans les courants d’air à regarder nos cartes, et à affronter l’exaspération justifiée mais sourde du flux continu d’étudiants, sans même chercher à imaginer la gueule de leur salaire.
Face à ça, nous avons décidé de réinvestir ce lieu dans lequel on aimerait bien pouvoir enfin se sentir chez nous. Étant donné le caractère ridicule et absurde de ce contre quoi nous luttons, nous avons décidé de répliquer de manière adaptée : en organisant une raclette. Après avoir diffusé un tract appelant à réinvestir la fac autour d’un festin, tract que nous vous invitons à lire ci-dessous, nous avons été une trentaine à ripailler au milieu du passage d’étudiants, amusés.
Entre de multiples pancartes affichés pour l’occasion, nous avons mangé comme des rois pour la modique somme de « prix libre ». Une table de propagande a également été mise en place afin de vendre des livres pour répandre la bonne parole parmi cette population d’imbéciles érudits.
Il est à signaler qu’à notre grande surprise les membres de la sécurité ne nous ont pas le moins du monde dérangés – peut-être n’ont-ils pas lu le tract – toujours est-il qu’ils nous ont trouvés plaisants, il y en a même eu un pour nous offrir ses conseils en affaire de branchement de nos machines ! Nous le remercions.
On aurait tout de même été un peu déçus si, le festin touchant à sa fin, une illustre inconnue, que nous supposons membre de la bureaucratie kafkaïenne du bâtiment, n’était pas venue nous expliquer le caractère inadapté du fait de manger une raclette ici. Étant donné que nous sommes polis et que l’on ne parle pas la bouche pleine, nous avons ravalé les insultes de circonstance, et avons attendu patiemment la fin de son sermon. Celui-ci nous a permis de prendre conscience du danger que cela représente, de manger une raclette.
En effet, notre présence ici n’ayant pas été signalée à l’administration, un risque conséquent d’accidents était possible, tel qu’un incendie, une brulure, une glissade malheureuse ou probablement une indigestion. De plus, dans un tel cas, on serait nous-mêmes responsables de nos propres actes, nous a-t-elle dit. Nous avouons ne pas avoir pensé à tout cela, si on avait su on aurait sans doute plutôt organisé une tisane. Fort heureusement la chance devait être de notre côté puisqu’aucun accident n’a été à déplorer. On lui aurait bien proposé de se manger une patate, mais elle a préféré partir nous cafter au service de sécurité, le même qui nous avait expliqué comment bien brancher nos machines à raclette. L’affaire s’est avérée sans suite.
À l’issu de cette action des plus subversives, nous avons eu écho de nombreux retours déçus, de ceux n’ayant pas pu participer, faute d’avoir été au courant ou pour être arrivés trop tard. Sans doute devrons-nous recommencer après un tel plébiscite. Nous restons malgré tout sur notre faim, nous espérions que cette action réveille la population endormie de cette fac pour qu’un mouvement révolutionnaire mondial naisse sous le signe de la pelle à raclette. Ceci n’est pas encore le cas, mais prévoyants, nous avions quand même envisagé cette éventualité, nous ne perdons donc pas espoir et nous appelons à reproduire des évènements similaires ou non, partout où vous l’estimez nécessaire.
Depuis ce jour, une odeur de fromage hante l’entrée du bâtiment L de Nanterre.
Cette action a été organisé par le P.A.T.A.T.E (Parti Autonome des Travailleurs Anti Trotskystes Etudiants) avec le soutien logistique de L’Armée Zapatatiste de Libération Nanterroise.