C’est maintenant que tout se joue, et toi t’as cours de maths ?

Le titre de ce texte aurait tout autant pu être « c’est maintenant que tout se joue, et toi t’as du boulot ? » Ou encore « c’est maintenant que tout se joue et toi t’as aqua-poney ? »
Peu importe l’activité en question, les faits sont là, c’est maintenant que tout se joue, c’est maintenant qu’il faut agir, avant qu’il ne soit trop tard.

Pour remettre les choses dans leur contexte, ça fait quatre mois que Macron est président, et, contrairement à ses prédécesseurs, il a l’air bien décidé à tenir un certain nombre de ses promesses. En fait, contrairement à ses prédécesseurs, il a l’air bien décidé à aller vite, et c’est bien ça le problème, c’est pour ça que tout se joue maintenant.

Concrètement, que t’aies voté pour Macron, pour un autre candidat ou que t’aies pas voté du tout, on s’en fout, l’important c’est de prendre conscience aujourd’hui de la situation.

Ça fait des années qu’on assiste petit à petit à la grande braderie de nos droits, de nos acquis sociaux et de notre avenir, la seule chose qui change cette année, c’est que le « petit à petit » de cette phrase n’est plus d’actualité.

Macron, en quelques mois, c’est la baisse des APL, la suppression de 149 000 emplois aidés, la baisse du budget de l’enseignement supérieur de 331 millions d’euros mais aussi de l’éducation nationale de 75 millions, l’entrée de l’état d’urgence dans le droit commun, la promesse de la sélection à l’entrée dans les facs et de l’augmentation des frais d’inscription, un projet de destruction de l’assurance chômage et un autre de destruction du système de retraite et enfin la loi travail XXL, véritable casse du code du travail.

Au printemps 2016, on était des centaines de milliers dans la rue contre la loi El Khomri et une immense majorité de la population était opposée au projet, cette fois, ça va bien plus loin car c’est tous les secteurs qui sont attaqués en même temps. Ce que veut faire Macron est clair, il souhaite casser très rapidement nos droits sociaux afin d’éviter que nous n’ayons le temps de nous mobiliser.

Concrètement, si on laisse passer tout ça, c’est fini, ce sera trop tard. Concrètement, si on pense qu’on a le temps et qu’on se mobilisera plus tard, on laisse la voie libre à Macron pour détruire nos droits. Si on pense que les autres se mobiliseront pour nous, c’est pareil, on fait le pari que la mobilisation n’a pas besoin de nous pour être efficace.

Et pourtant, quand on tracte, quand on discute avec nos proches, nos potes, nos familles des manifs et des grèves qui viennent, quand on essaye de motiver nos camarades de classe, nos collègues de boulot, la meuf ou le mec qui est assis à côté de nous en amphi, on a souvent droit aux mêmes réponses qui commencent la plupart du temps par « je suis d’accord avec vous » et qui finissent bien trop souvent par « du coup je pourrai pas venir ». Entre les deux, tout un tas d’excuses, de rendez-vous, de cours de maths ou de français, de dossiers à finir, de match de foot à ne pas rater, de cours de yoga ou encore je ne sais quoi.

Oui, on a toutes et tous nos vies, nos activités, nos boulots, nos cours, mais qu’est-ce que ça représente une journée de cours à côté de la destruction de 80 ans de luttes et d’acquis sociaux dont l’immense majorité de la population profite ? Et ton cours de maths que t’aura suivi de manière assidue et que t’aura invoqué pour ne pas venir à la manif, il te servira à quoi quand tu sera pas pris dans la fac que tu voulais faire à cause d’un système de tirage au sort qui risque d’être généralisé ? Ton cours de français, il te servira à quoi quand tu devras, dans quelques années, arrêter la fac car t’auras pas les moyens de payer tes droits d’inscription qui auront augmenté de manière exponentielle ?
Et c’est vraiment impossible de rater une fois ton cours de yoga du jeudi après-midi pour défendre ton droit du travail ou tes allocations chômage que t’auras plus dans quelques mois si tu t’es pas mobilisé, ce qui t’obligera d’ailleurs à arrêter le yoga, faute de moyens pour pouvoir t’y inscrire ? Et ton dossier à terminer, il justifie de ne pas te mettre en grève une ou plusieurs journées pour pouvoir espérer conserver ton poste et non te faire licencier sans indemnités une fois les ordonnances de Macron adoptées ?

Oui, c’est bel et bien une transformation en profondeur de la société française qui est en cours, et cette transformation va nous impacter toutes et tous, certains d’entre nous perdront leur boulot, d’autres leurs allocations chômage, d’autres encore ne pourront pas s’inscrire à la fac ou seront contraints d’arrêter faute de moyens. Chacun et chacune d’entre nous sait que laisser se mettre en place cette société dont souhaite Macron c’est laisser le champ libre à tout un tas d’autres réformes qui viendront en suite. On le sait déjà, la sécurité sociale est dans la ligne de mire du gouvernement qui va forcément s’y attaquer à un moment ou à un autre à force de baisser les cotisations sociales qui permettent de la financer. On le sait aussi, la baisse des APL de 5€ n’est qu’un début, d’ailleurs une baisse de 50 à 60€ pour les HLM est d’ores et déjà prévue avec certes une baisse équivalente du loyer mais donc également moins de budget pour les bailleurs sociaux qui ont pourtant besoin de cet argent pour rénover les logements sociaux.

Justifier ton immobilisme par une quelconque activité que tu pourrais pourtant exceptionnellement rater, c’est à terme renoncer aux quelques réglementations qui nous protègent encore un tout petit peu, à l’université gratuite et ouverte à tous et à un certain nombre d’autres droits et acquis sociaux. Quant à l’argument massue consistant à dire que Macron a été élu et donc qu’il est légitime pour entreprendre des réformes, premièrement, il ne prend pas en compte les circonstances dans lesquelles a été élu, et deuxièmement, il revient à accepter au mépris de ces circonstances la casse de nos droits et acquis sociaux. Néanmoins, cet argument est souvent utilisé non pas pour défendre la légitimité de Macron, mais pour justifier le fait de ne pas se mobiliser.

On est des millions à râler devant notre télé ou en lisant notre journal, on est des millions à se dire que les réformes de Macron risquent bien de nous porter préjudice, mais l’important c’est de passer de la simple pensée à l’acte. L’étape qui consiste à passer d’une situation d’indignation personnelle à l’engagement dans un mouvement collectif peut paraître difficile, pourtant, elle est la plus importante aujourd’hui si nous ne voulons pas regretter notre immobilisme dans quelques années. Nous nous devons donc de franchir cette étape, de ne plus avoir peur de nous rendre dans les manifestations, lieu où nous pouvons faire de nombreuses rencontres, de ne plus avoir peur de bloquer notre lycée ou notre fac, de ne plus avoir peur de nous rendre aux assemblées générales organisées sur notre campus ou dans notre entreprise, de ne plus avoir peur de nous mettre en grève, pour plusieurs jours s’il le faut, bref, de ne plus avoir peur de prendre part activement à un vaste mouvement de contestation.

Lycéen ou étudiant, ta journée de cours est moins importante que la défense de tes droits et acquis sociaux. Ton avenir, ton droit à aller à la fac et tes conditions de travail valent bien la peine de rater quelques cours de français, de maths ou de n’importe quelle autre matière.

Travailleur, perdre une ou plusieurs journées de salaire pour faire grève n’est pas toujours facile, mais c’est maintenant que ça se joue et te mobiliser maintenant c’est faire un investissement sur l’avenir, c’est considérer que ne pas te faire virer dans quelques mois ou années sans aucune indemnisation est plus important que quelques dizaines d’euros, c’est considérer que tes enfants, si tu en as, doivent pouvoir aller à la fac sans avoir à payer des milliers d’euros de frais d’inscription. Et si tu n’as vraiment pas les moyens financiers de te mettre en grève, des milliers de camarades seront prêts à t’aider afin de t’avoir à leur côté dans la lutte.

Car la situation est trop grave pour faire comme si tout allait bien, car nous n’avons pas le droit de perdre, car notre avenir, celui de nos facs, de nos lycées, de nos jobs en dépend, nous devons dépasser notre petit confort et notre paisibilité immédiate pour éviter la catastrophe qui nous est promise, celle d’un Monde où seuls les fils et filles de riches pourront aller à la fac, celle d’un Monde où les employés seront une force de travail jetable dont on peut se débarrasser aussitôt qu’on le souhaite.

Et si la situation avant ces réformes n’est pas optimale pour nombre d’entre nous, soyons conscients qu’un mouvement social d’ampleur peut permettre non seulement de contraindre Macron à renoncer à ses réformes, mais aussi à nous accorder de nouveaux droits.

Ch

Mots-clefs : libéralisme | grève | prud’hommes

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