Du 7 au 23 mai : bilan de la répression à Paris et en région parisienne lors du mouvement contre la loi travail

Comme le bilan précédent (disponible ici), celui que nous proposons pour la période du 7 au 23 mai reste nécessairement incomplet, car il ne recense que ce dont le collectif a pu avoir connaissance directement ou indirectement. C’est un bilan de la répression judiciaire, qui ne relate pas les autres moyens utilisés par les flics, l’État ou les lycées, pour empêcher le mouvement de s’organiser.

Gardes à vue

Entre le 7 et le 23 mai, le groupe de défense collective a eu connaissance de 43 gardes à vue (GAV) qui ont concerné des personnes arrêtées dans et autour des manifestations et actions à Paris intra-muros, ce qui fait s’élever à 136 le nombre total de GAV depuis début mars. Il n’est pas ici question des dizaines de vérifications d’identité qui ont par ailleurs été rapportées pendant cette période. Ce nombre, qui tient compte des communiqués de la préfecture de police, est à considérer comme un minimum. Il comprend les cinq GAV de mercredi pour l’affaire de la voiture de police du mercredi 18 mai et les 9 interpellations de la manif du jeudi 19 mai.

Encore une fois, il faut y ajouter un nombre indéterminé de GAV de lycéens en banlieue parisienne, dont 4 lycéens de Levallois mis en GAV le 23 mai.

Comparutions immédiates

La comparution immédiate (CI) est une procédure expéditive, très répressive, dans laquelle le dossier est systématiquement à charge pour le prévenu. Le groupe de défense collective a continué de suivre les audiences de CI les lendemains et surlendemains de manifestation, et à chaque fois qu’il a été contacté par des proches de manifestants arrêtés grâce à sa ligne téléphonique (07 53 82 19 10).

Il faut rappeler que la réactivité des proches est essentielle. En effet, pour pouvoir refuser la comparution immédiate (c’est à dire demander un délai pour préparer son procès) sans risquer la détention provisoire, on doit présenter des documents attestant de son identité, son travail, son logement, ses études... Or, ces documents doivent être apportés de l’extérieur. Les conserver dans un dossier papier accessible à ses proches et dans brouillon de sa boite e-mail est une très bonne idée.

Entre le 13 mai et 21 mai, huit personnes sont passées en CI. Cinq d’entre elles ont demandé un renvoi et sont sorties libres jusqu’à leur procès, soit avec une interdiction de lieu (par ex. Place de la République) ou une obligation de pointage plus ou moins fréquente. Les trois personnes ayant accepté la comparution immédiate ont reçu respectivement une amende de 1000 euros, 3 mois avec sursis et 6 mois de prison ferme sans mandat de dépôt.

On peut noter que deux personnes arrêtées le 14 mai et accusées des mêmes faits ont fait le choix de rester solidaires face à la justice. L’une des deux personnes, dont les garanties de représentations ne suffisaient pas, risquait de partir en détention provisoire en demandant le renvoi de son procès, alors que l’autre non. Elles ont toutes deux accepté d’être jugées en CI pour pouvoir être jugées ensemble.

Audiences de renvoi

Le groupe de défense collective a recensé douze audiences de renvoi entre le 9 et 21 mai. La plupart étaient poursuivies pour violences sur agent et jet de projectile.

Trois d’entre elles ont reçu des heures de travaux d’intérêt généraux ou du sursis-TIG, trois sont ressorties avec du sursis, l’une avec une peine de 4 mois de prison ferme et une à 18 mois de prison dont 9 avec sursis.
Les quatre personnes arrêtées le 17 mars devant l’université Tolbiac et leurs avocats n’ont pas eu la possibilité de se défendre durant le renvoi de leur comparution immédiate, qui a eu lieu le 9 mai. Le parquet avait décidé de mettre sous scellés la vidéo dont souhaitait se servir la défense, entraînant nécessairement l’ouverture d’une instruction. Malgré la demande des avocats de ne pas utiliser cette vidéo et d’apporter à la place d’autres vidéos, la proc et la juge ont argué ne pas vouloir ou pouvoir le faire. Dans un climat très tendu, la juge a donc confirmé l’ouverture d’une information judiciaire ainsi que le prolongement du contrôle judiciaire des quatre personnes, alors que ce dernier point n’a pu être discuté à aucun moment par les avocats.

Ouvertures d’information judiciaire

En plus de ces quatre ouvertures d’instruction, quatre autres personnes ont été mises en examen le 21 mai suite à l’attaque d’une voiture de police le 18 mars. Cet épisode a eu lieu durant d’une manif sauvage partie de la Place de République, alors qu’il s’y tenait une manifestation « contre la haine anti-flics » organisée par le syndicat de police Alliance et avec le soutien du FN, et que sa contre-manifestation avait été interdite. (voir le communiqué à ce sujet).

Après leur garde à vue, les quatre personnes ont été présentées à un juge des libertés et de la détention (JLD) et incarcérés. Puis, quatre jours plus tard, après un nouveau passage devant le JLD, une personne a été placée en détention provisoire et les trois autres sous contrôle judiciaire.

Interdictions de manifester

Le 12 mai, au moins trois personnes ont été cueillies en bas de chez elles par des groupes de flics et empêchées de se rendre à la manifestation, soit par un contrôle d’identité de quatre heures, soit par des menaces les enjoignant à ne pas sortir de chez elles.

Durant le week-end suivant, une quarantaine de personnes ont reçu chez elles des arrêtés préfectoraux leur interdisant de se rendre dans les arrondissements traversés par la manifestation du 17 mai, et autour de la place de la République. Les avocats du collectif Defcol ont lancé un appel à toutes les personnes ayant reçu ces interdictions, afin de déposer des référés-libertés auprès du Tribunal Administratif. Finalement, sur les 10 dossiers déposés, 9 interdictions ont été levées. Dans la nuit du 18 au 19, de nouveaux interdits ont été distribués, interdisant aux concernés la manifestation qui devait se tenir quelques heures plus tard. (voir article).

Outre les pluies de gaz lacrymogènes, les tirs tendus de grenades de désencerclement et LBD, les coups de tonfa et autres violences des flics en uniformes et en civil durant les manifs, la police a multiplié les méthodes visant à empêcher les personnes de se rendre aux manifestations ou d’y rester : stations de métro et rues bloquées aux abords des manifestations, barrages policiers et fouilles systématiques (donnant parfois lieu à des gardes à vue pour « port d’armes »), confiscation du matériel de protection (lunettes, masques respiratoires, casques etc) et du matériel des Street Medics, intimidation directe…

On peut y ajouter l’intimidation par des perquisitions, dont le groupe a également eu connaissance, ainsi que la pression exercée durant les GAV pour obtenir des informations des interpelés, notamment en leur demandant de déverrouiller leur téléphone portable pour consulter leur répertoire, leurs messages et appels. Eteindre son téléphone avant l’arrivée au comico et oublier ses codes d’accès est à cet égard conseillé.

On soulignera enfin l’usage du contrôle judiciaire (CJ) comme forme de peine. Dans le cadre de l’ouverture d’une information judiciaire, au moins un manifestant arrêté le 24 mai avait fait appel à l’interdiction de manifestation qui faisait partie de son CJ. Celle-ci, reconnue illégale a été levée … mais remplacée par une interdiction de se rendre Paris. Pour une personne vivant en très proche banlieue, cela constitue un alourdissement considérable du CJ.

Soutenir le groupe Defcol :

Depuis la mi-mars, les avocates et avocats qui travaillent avec le groupe de défense collective (Defcol) ont apporté leur assistance durant de nombreuses gardes à vue (initiale ou prolongée) que ce soit en entretien, auditions ou confrontations. Ils ont défendu des manifestants amenés en comparution immédiate, d’autres faisant l’objet d’une ouverture d’information judiciaire, ainsi que des renvois d’audience. Ils ont aussi assisté plusieurs mineurs devant le juge des enfants et des majeurs devant le juge de la détention et des libertés.

Les avocats de Defcol sont rémunérés par l’aide juridictionnelle ou le montant équivalent lorsqu’elle n’est pas possible. Pour leurs interventions en garde à vue, lors de déferrement et lors de la comparution immédiate, ils sont rémunérés selon des barèmes équivalents à ce que touche un avocat commis d’office.

Pour payer les avocats, Defcol se finance exclusivement par des dons.
Vous pouvez soutenir le groupe grâce à cette collecte de don en ligne :
(https://www.helloasso.com/associations/cadecol/collectes/defcol)

Localisation : région parisienne

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