Bagnolet : le magasin Babou en grève depuis le 3 octobre !

Plus de 3 semaines de grève au magasin Babou de Bagnolet et un moral au beau fixe. Récit d’une grève inédite dans cette enseigne discount comptant 92 magasins partout en France.

C’est un licenciement le 23 septembre pour faute grave d’un salarié ayant 12 ans d’ancienneté suite à une altercation avec un collègue ai magasin mais en dehors de ses heures de travail qui a mis le feu aux poudres : manque de respect du personnel et des clients, virement en retard des salaires, modifications unilatérales des horaires au dernier moment et parfois au delà du délai de prévenance, pressions en tout genre... La liste des revendications et griefs des 26 SMICard·es du magasin Babou [1] situé 76 Avenue du Général de Gaulle est longue comme un jour sans pain. C’est pourquoi le lundi 3 octobre, les salarié·es de ce très grand magasin de 2 étages hyper vidéosurveillé [2] se mettent en grève reconductible (entraînant la fermeture du magasin) avec piquet de grève dès le lendemain.

« (...) J’ai reçu un avertissement parce que je me suis absenté une journée alors que j’avais prévenu par téléphone (...) » S. gréviste, sur France Bleue (04/10)

Le 5 octobre, près de 600 signatures et près de 100€ récoltés pour le 1er jour de la caisse de grève... Le couple Briand gérant le magasin est alors acculé à s’improviser magasinièr·e, caissier et caissière et fait appel à sa famille pour faire tourner le magasin sous couvert de « solidarité familiale » tout en refusant de parler aux médias : « consigne de la direction [càd de la centrale d’achat Babou] » affirment-ils sans donner le moindre début de preuve... Les grévistes saisissent l’inspection du travail pour entrave au « droit de grève » et aussitôt la « solidarité familiale » cesse...

La solidarité, c’est classe... contre classe !

Le 5 octobre aussi tombent les premiers soutiens des autres magasins Babou comme celui de Cournon d’Auvergne (63) [3], la section CGT écrit notamment dans une motion de soutien rédigée le 4 au soir :

(...) apportent tout leur soutien à mouvement de grève des salarié-es de (...) Bagnolet dans leur lutte (...).
(...) exigent que les salarié-es de cet établissement retrouvent des conditions de travail dignes et décentes (...)

Réciproquement les Babou en grève commencent à diffuser le rdv des 19/20 octobre pour le procès des Goodyear à Amiens et continuent la grève de plus belle avec un 1er rassemblement de soutien [4] vendredi 7 octobre à midi devant le magasin : ce jour là, déjà plus de 1.500 signatures de la pétition et 100% de grévistes ! La seule réponse de la direction étant une lettre ouverte totalement creuse [5] avec comme unique argument que les gérants en sont à leur 3e magasin Babou... Devant son isolement complet, la direction décide lundi 10 de fermer le magasin avant la médiation du lendemain avec l’inspection du travail. Mercredi 11 octobre, le secrétaire de l’Union Locale de Roissy Paris Nord 2 est venu apporté son soutien aux grévistes. L’UD CGT 93 a collecté 1500 euros, Nuit debout a donné 400 euros : la caisse de grève atteint les 3000€ et un pot commun est lancé.

Semi échec de la médiation, nouvelles atteintes au droit du travail !

Le couple des gérants rageux qui a été contraint de se déplacer après avoir été forcé d’accepter la médiation multiplie les propos méprisants et provoque une discussion houleuse.

« L’entreprise, ce n’est pas un champ de coton » une gréviste

Les grévistes arrivent à arracher quelques maigres avancées : retrait des sanctions arbitraires et abusives, calendrier de négociations sur les conditions de travail et engagement du paiement sans retard des salaires... Et la direction recommence à faire travailler du personnel extérieur à tel point que l’inspection du travail rappelle dans une lettre qu’ « au plan pénal, l’emploi de faux bénévoles se traduit par une infraction de travail dissimulé, par dissimulation de salariés, réprimé par l’article L8224-1 du code du travail [6] » en soulignant que ces faits sont « pénalement sanctionnés et susceptible de constituer une atteinte au droit de grève » : la CGT a dores et déjà engagé les démarches pour un référé, les Délégués Syndicaux portent alors plainte le 17 octobre, les grévistes l’envisagent à leur suite...

Vendredi 21 octobre, la CGT 93 organise un rassemblement de soutien alors que les grévistes se donnent rendez vous à la bourse du travail de Bagnolet lundi pour envisager les suites de cette grève qui dure déjà depuis 3 semaines. Grève reconduite ce lundi 24 en AG avec une mise à jour des revendications qui précise certains points (par exemple à la demande d’être payé en temps et en heure s’ajoute la demande de remboursements d’agios en cas de retard) et rajoute deux revendications de fonds absolument essentielles :

  • la mise en place d’une Unité Economique et Sociale [7], revendication suggérée par G. Filoche lors de sa venue le 10 octobre. Cela peut jouer à deux niveaux : local si les gérants possèdent plusieurs magasins, national pour faire connaître que les 92 magasins hexagonaux sont une seule et même entreprise (ce qui n’est pas une mince affaire...). La reconnaissance d’une [UES|Unité Economique et Sociale] donne de nouveaux droits aux salarié·es
  • le paiement des jours de grève

Note

Pour soutenir les grévistes : pot commun ou par chèque à l’ordre « entraide et solidarité salariés du 93 et famille » à l’UD CGT 93, Bourse départementale du Travail 1 place de la Libération 93.000 Bobigny.

Notes

[1géré par la SARL Briand (créée en octobre 2012 avec un capital de 3000€, gérants : Peggy Briand et son mari, arrivés en 2015)

[214 caméras intérieures, 2 extérieures : pp12-13 du BIA (12/01/2016)

[3Où se situe également le siège de la [SAS|Société par actions simplifiée] Babou

[4Le 2e a eu lieu dimanche 9.

[5Dont copie est adressée au conseiller régional, au préfet, à la mairie de Bagnolet et à la centrale [d’achat] Babou : en réponse, le maire et le député (PS tous les deux) sont alors venus soutenir les grévistes dès le lendemain aux aurores...

[6Le fait de méconnaître les interdictions définies à l’article L. 8221-1 est puni d’un emprisonnement de trois ans et d’une amende de 45 000 euros.

[7Soit un groupe de structures économiques distinctes mais étroitement imbriquées dans leur fonctionnement et leurs relations financières

Mots-clefs : grève
Localisation : Bagnolet

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