Avant-propos à La domination adulte, de Yves Bonnardel

Texte paru sur le blog de Christine Delphy traitant du livre « La domination adulte », de Yves Bonardel.

La domination adulte… qu’est-ce que ça veut dire ? Les adultes aident les jeunes de l’espèce, qui ne pourraient pas vivre seuls, les nourrissent, les élèvent, bref, sont leurs bienfaiteurs … Domination ? Mais de quoi parlez-vous ?

Eh bien on parle en effet d’une domination, et même d’une appropriation de la partie jeune de la population, par la population adulte.

Revenons en arrière. La familia romaine, ce n’était pas notre famille contemporaine, mais celle-ci est l’héritière de celle-là. La familia désigne l’ensemble des parents adultes, des enfants, des domestiques et des esclaves possédés par le pater familias. Il a droit de vie et de mort sur les membres de sa familia. Son épouse fait partie de cette familia. Le travail de tous les membres de la familia est dû au pater familias.

Que reste-t-il dans la famille actuelle de cette familia ? Il reste que les femmes ont mis des siècles – et des luttes – à récupérer leur force de travail pour elles-mêmes, à pouvoir la vendre et être rémunérées. Et jusqu’en 1907 elles ne pouvaient pas garder pour elles cette rémunération (en France). Jusqu’en 1965, un mari pouvait s’opposer à ce que sa femme travaille « au dehors ». Jusqu’à la même date, une femme mariée ne pouvait pas ouvrir un compte en banque séparé sans l’autorisation de son mari.

L’appropriation du travail des femmes dans notre société – occidentale, européenne, française – demeure dans le travail dit « ménager », dont les femmes font largement plus que leur part (80%), et dans le travail para-professionnel des épouses de travailleurs indépendants. Qui sont considérés comme seuls. Récemment, en une semaine, deux émissions concernant le travail agricole montraient un homme seul. Dans l’une on voyait une femme en arrière-plan, en train de remuer du fourrage à la fourche. Dans l’autre, on ne voyait pas de femme du tout, mais le journaliste disait que l’agriculteur « travaillait seul », avec « seulement l’aide de sa femme ». Et l’agriculteur disait qu’il avait une « famille à nourrir ». Incluant donc sa femme dans les personnes dépendantes. Dépendantes ou « aidantes » ?

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