Après le temps des Charlie, dénonçons les Charl’ à temps !!

Quelques outils analytiques de bon sens pour continuer de dénoncer le racisme dans un contexte dictature de la pensée unique.

Avec le climat de délation digne de la période d’occupation nazie qui règne dans notre pays [1], je ne voudrais surtout pas rajouter de la matière fécale supplémentaire à la montagne d’excréments déjà collectée par les médias dominants.

Mais il y a pourtant des moments où il faut dénoncer, lancer une alerte est même salutaire, car il y a des moments où certaines personnes doivent se remettre en question ou rejoindre le camp adverse, il n’y a que deux côtés à la barricade et chaque côté se fait face.

Beaucoup trop de révolutionnaires auto-proclamés sont pour la révolution jusqu’à ce que le sol sur lequel ils se prononcent comme tels commence à bouger. Là, pris d’une soudaine panique, voyant ce socle de certitudes s’effondrer et l’origine de leurs privilèges matériels remis en question, ils s’accrochent à la malhonnêteté intellectuelle dans toute sa splendeur réactionnaire.

Alors c’est qui la menace réelle ? Les actes racistes ou anti-musulmans perpétrés ces jours-ci [2] sont le quotidien des gens assimilés à la religion musulmane en France (et pas que depuis Charlie), sans parler des tirs de drones et des bombardements sur des hommes, femmes et enfants innocents à l’extérieur de nos frontières.

Les attentats ont fait 17 morts en France, c’est triste, déplorable, et encore une fois les Juifs en ont payé le prix aussi, comment analyser ça ?

1) Le terrorisme et la religion

Cela devient difficile à comprendre lorsque, envahis par la permanente propagande libérale du « choc des civilisations », la violence fait part à un sentiment de crainte, lorsque l’empathie pour les victimes ne nous permet d’entrevoir que leur tristesse.
Pourtant, il faut dépasser la subjectivité et, lorsque l’on s’en tient au faits, l’origine de tout cela reste bien la politique raciste coloniale, puis impérialiste, inhérente au processus d’accumulation capitaliste et non pas la religion.

Ce n’est pas la faute d’une quelconque religion si moins de 10 % de la population mondiale détient 83 % du patrimoine mondial, tandis que 3 % vont à 70 % des habitants, si l’Amérique du Nord et l’Europe en possèdent 65 % [3] alors que ces territoires ne concentrent que 15% du total des habitants de la planète [4].

Si la religion était la source de la violence, nous n’aurions pas eu deux attentats, ni des dizaines, mais des millions ! Heureusement tous les musulmans ne pensent pas que le terrorisme soit une solution car, comme nous, ils ont bien d’autres intérêts matériels dans la vie, c’est malheureux de devoir le préciser, mais par les temps qui courent, ce qui est pourtant une évidence, doit sans cesse être clarifié.

L’expression de la croyance religieuse islamique ne passe pas par le terrorisme, c’est essentialiser les personnes selon des préjugés que d’affirmer le contraire, c’est réduire la personne à un stéréotype qu’elle n’est pas, pour la dévaloriser, la qualifier de « menace » : l’origine de ces agissements terroristes se trouve évidemment ailleurs.

Eu égard au contexte dans lequel les faits se sont déroulés, nous ne pouvons pas écarter la possibilité que des personnes prêtes à commettre l’irréparable aient un discours politique ; autrement dit, ce n’est pas seulement « parce que nous avons à faire des musulmans se sentant insultés par une caricature » qu’il y a eu un attentat, ça c’est une explication simpliste, qui isole les faits de l’Histoire et qui porte à confusion.

Le terrorisme est d’abord une arme de réaction et s’il y a réaction c’est qu’il y a action. De plus, ces attentats n’ont pas été commis par des dignitaires ayant un intérêt matériel quelconque à défendre, mais plutôt part des représentants de la frange la plus misérable de la population occidentale, des gens qui ont fait la prison, des exclus [5].

En effet, il n’y a aucune raison particulière pour laquelle des musulmans dans des conditions de vie similaires à la moyenne des non-musulmans agissent ainsi, nous avons tous des croyances et il faut une raison plus forte qu’une religion pour commettre un tel acte. On ne peut pas programmer quelqu’un par le simple discours religieux, pour qu’il y ait endoctrinement, il faut à la base une personne fragilisée.

Ces individus pensaient certainement agir au nom d’une cause morale, mais leur effet fut totalement destructeur pour toute morale, il y a une contradiction profonde dans le terrorisme que l’on ne retrouve pas dans la religion.

La religion vient donner une forme structurée à un discours politique légitime de dénonciation moraliste dans lequel les dominants peuvent y trouver une ressource idéologique, son succès hors des classes privilégiées étant une conséquence du désespoir de la misère, de la frustration ressentis (à juste titre la plupart du temps) comme des injustices à travers les inégalités du système capitaliste ; à la différence du terrorisme son but est de construire une morale idéaliste, par l’acceptation individuelle ou collective de la misère en tant que fatalité matériellement indépassable.

La détresse religieuse est, pour une part, l’expression de la détresse réelle et, pour une autre, la protestation contre la détresse réelle. La religion est le soupir de la créature opprimée, la chaleur d’un monde sans cœur, comme elle est l’esprit de conditions sociales d’où l’esprit est exclu. Elle est l’opium du peuple. [6]

Si bien la religion est une passerelle vers l’homophobie, le patriarcat et la résignation, toute personne croyante ne franchit pas consciemment ces passerelles, d’autant plus que, lorsqu’elles sont face à l’oppression, si ces personnes cherchent à s’organiser, l’expérience des luttes peut permettre à certaines de dépasser le mythe et de sortir libérées de cet idéalisme, toutes ne tombent pas dans l’abnégation.

Mais face à l’oppression matérielle lorsque des personnes ne peuvent pas renoncer, elles ne trouvent pas toutes les moyens de lutter.

Celles-là subissent l’isolement propre à la rupture des liens solidaires ou communautaires qu’engendre le rapport social capitaliste, la perte d’estime de soi due aux humiliations quotidiennes d’une société vouée à la rentabilité comptable ; la frustration causée par les déceptions à répétition, par tant de fausses-promesses implicites d’un système qui laisse entrevoir le succès, mais qui se révèle hermétiquement fermé à certaines classes et groupes d’individus minorés par des stéréotypes raciaux.

Est-il besoin d’une grande perspicacité pour comprendre que les idées, les conceptions et les notions des hommes, en un mot leur conscience, changent avec tout changement survenu dans leurs conditions de vie, leurs relations sociales leur existence sociale ? [7]

Ce sont autant de violences symboliques qui peuvent amener certains jeunes fragilisés à élaborer des constructions mentales irrationnelles en lien avec la pensée magique face à un environnement social rigide. Certains sociologues pensent ainsi que puisqu’ils ne peuvent pas l’accepter, puisqu’ils ne peuvent pas accéder aux moyens de lutter contre, ils finissent par s’imaginer une destinée mystique hors du commun [8] .

Par ailleurs, la religion peut servir à une bourgeoisie traditionnelle et à des théocraties pour proposer des solutions spirituelles aux problèmes matériels de tous ces damnés et ainsi assurer la sauvegarde de leurs propres intérêts.

La propagande « anti-occidentale » perpétrée par des puissances dans une concurrence « de fond » peut jouer un rôle important, une certaine noblesse et aristocratie arabophone qui collabore par nécessité avec l’impérialisme (princes d’Arabie Saoudite, du Qatar, etc) a intérêt à se faire passer pour « l’alliée des opprimés » et encourage la formation de groupes terroristes comme solution évidemment fausse aux problèmes qu’ils subissent.

C’est cette frustration issue du racisme et de la misère humaine, récupérée par les intérêts économiques d’une minorité, pour devenir enfin une action à caractère « djihadiste », totalement inefficace et contre productive pour l’individu opprimé, que nous voyons parfois se manifester à travers le terrorisme.

Ce n’est pas pour rien que Daesh recrute un nombre très important de jeunes musulmans étrangers à ses territoires, avec peu de formation ou des notions vagues sur la religion et que bon nombre d’entre eux, quand ils réussissent à retourner dans leur pays d’origine, rentrent déçus [9].

2) Un « complot musulman » ?

Mais par cette seule explication nous ferions aussi résonner l’écho d’un certain « complot musulman » qui serait dirigé tout droit à l’encontre de « notre civilisation et de ses valeurs » par des puissances étrangères.

Il faut alors rappeler que le jeu des bourgeoisies (d’un côté comme de l’autre) qui vise à désigner des boucs émissaires extérieurs, prend toujours naissance dans une crise sociale réelle et que c’est, non pas de la religion mais bien de cette misère humaine concrète que naît la nécessité pour un pouvoir de désigner un coupable afin de ne pas être submergé par la colère populaire.

Aujourd’hui, si bien nous accordons aux bourgeoisies traditionnelles leur part de responsabilité dans cette crise mondiale, nous ne pouvons nier tout de même, que dans bon nombre de crises humanitaires et bon nombre de guerres dans le monde, sont directement ou indirectement impliquées les puissances impérialistes de l’OTAN, elles sont responsables de la mort de milliers de musulmans par an depuis plus de dix ans [10].

On pourra arguer que des prolétaires subissent bien l’oppression des dogmes de la religion institués dans leur pays et c’est vrai ; il n’en demeure pas moins que la plupart d’entre eux sont loin d’être reconnaissants envers les anciennes puissances colonisatrices de l’arriération économique dans laquelle elles ont laissé (et qu’elles continuent parfois d’entretenir) leur pays et qui constitue un terreau on ne peut plus fertile pour le développement de la toute-puissance des dignitaires religieux ou d’aristocrates musulmans.

Le passé colonial ou esclavagiste de l’occident constituait déjà en soi un curriculum vitae bien rempli, mais les activités macabres opérées ces dernières décennies en Afrique et au Moyen Orient, par une classe politique occidentale en constante recherche de crédibilité, dépassent de loin les espoirs des plus machiavéliques des marchands d’armes et de leurs investisseurs : 7 milliards d’euros de vente à l’export, plus de 40.000 emplois générés en France, l’an dernier les commandes ont connu une hausse spectaculaire de +43%. [11]

Ces démocraties bourgeoises ne sont pas seulement « le coupable idéal », elles ont aussi une responsabilité sans conteste dans le processus de diffusion de la violence en laissant, dans le sillage de la protection de leurs intérêts marchands - sous prétexte de « guerres humanitaires » -, des zones de non-droit où les femmes et les enfants sont les proies de bandes armées sans scrupules.

Aussi, dans les États à majorité blanche chrétienne, les communautés visibles ou confessionnelles sont stigmatisées continuellement.

La discrimination à l’emploi ou à l’école, les contrôles d’identité au faciès, les inégalités face à la police et la justice, le fort taux d’emprisonnement, la ghettoïsation des quartiers, sont le quotidien de ces populations locales considérées à tort comme « étrangères » ; nous verrons que dans les faits, les notions de nation, de culture ou de religion restent intimement liées malgré les proclamations de neutralité.

Enfin, si bien des actes terroristes peuvent faire le jeu de certains intérêts peu scrupuleux, ce n’est pas automatique, et le risque est grand de voir la situation passer hors de contrôle et se retourner enfin contre le supposé organisateur.

C’est pourquoi, peu importe qu’il ait été récupéré ou pas, c’est d’abord un besoin matériel individuel, menacé par une oppression réelle, qui prend peu à peu une forme de revendication politique, religieuse ou les deux simultanément.

3) A qui la faute ?

Il est évident qu’il existe assez de facteurs réels pour qu’une revendication matérielle trouve place dans une expression terroriste, mais encore une fois notons que seule une minorité de personnes franchirons ce pas, nous ne pouvons que spéculer sur les déclencheurs finaux d’une telle escalade.

Cela ne doit pas nous empêcher pour autant de dénoncer le racisme destructeur qui existe. La politique anti-musulmans (entre autres) et l’impérialisme colonial sont des socles matériels sur lesquels se sont bâties les conceptions de liberté des États « occidentaux » par une domination militaire du Monde.
Quand on accumule de telles richesses sociales sur le dos des autres, il faut veiller à leur protection...

Les bénéficiaires directs ou indirects de la politique raciste occidentale et française essaierons de nous convaincre que ces actes de terrorisme démontrent à quel point nous avons raisons d’établir une barrière entre « nous » et « les autres », « les barbares », « non-civilisés », « les ennemis de la liberté ».

On voudrait nous faire accepter que la sauvegarde de leurs bénéfices va sauvegarder les nôtres « par ruissellement économique » [12] .
La bourgeoisie s’efforce de récupérer nos peurs et fait de l’islam une « menace » pour notre vie alors que les vraies menaces qui pèsent sur nous sont la « guerre pour la paix » et les mesures « pour notre sécurité ».

La disproportion de la force ne vient pas des « Kalachnikov contre des crayons » mais du fait que chaque coup de crayon s’accompagne d’actes racistes, de « bavures » policières, de prisonniers torturés a Guantanamo, de drones meurtriers, d’implantation de bases d’infanteries de marines suréquipées, de bombardements massifs sur Gaza ou sur d’autres villes soutenus directement ou indirectement, de velléités médiatiques permanentes, de diplomatie tronquée ayant pour seul intérêt la rentabilité du marché des armes et de l’énergie, sans aucun fond moral, etc, etc.

Le problème n’est pas de savoir s’il existe un fautif, mais dans quel Monde nous voulons vivre. Pour nous, être conscients que, dans le contexte actuel, le risque de réaction terroriste est augmenté par la violence physique ou symbolique déployée pour assurer intactes les inégalités d’un système en pourrissement nous permet de sortir de l’impasse idéaliste.

Cette violence globale ne saurait alors être réduite que par la remise en question des structures de pouvoir bourgeoises garantes de l’ordre actuel, qui constituent in fine la réelle menace pour les prolétaires du monde entier.

4) République et Lumières.

S’indigner contre les terroristes et simultanément contre les attaques racistes sur les musulmans, c’est bien, mais sans une critique radicale des rapports sociaux, cela ne mène qu’à dire de façon fataliste que « la nature humaine est ainsi caractérisée par la violence » ce qui n’est qu’une vision idéalisée et réductrice de l’humain.

Il faut dès lors se libérer de cet idéalisme et comprendre le fond d’origine matériel de ces symptômes violents. Ce n’est que par une recherche critique des causes matérielles, libérée des essentialismes culturels que nous pourrons en tirer des leçons.

Nous ne pouvons pas seulement nous en tenir aux conceptions bourgeoises de la liberté et voir tout cela comme un conflit de valeurs.

La révolution bourgeoise de 1789, n’est ni l’expression totale des Lumières, ni l’incarnation ultime de la libération de la pensée critique vis-à-vis du mythe religieux par son concept fallacieux de « laïcité déclarée ».

Ainsi sous l’une ou l’autre de ses deux formes – matérialisme déclaré ou déisme – ce matérialisme devint la conception du monde de toute la jeunesse cultivée de France, à tel point que lors-que la grande Révolution éclata, la doctrine philosophique, mise au monde en Angleterre par les royalistes, fournit leur étendard théorique aux républicains et aux terroristes français, et fournit le texte de la Déclaration des droits de l’homme. [13]

Elle est l’expression des besoins matériels de la bourgeoisie dans son contexte d’antan, ayant trouvé dans la philosophie humaniste et cartésienne, matière à fabriquer un prétexte a posteriori, un parapluie idéologique qu’elle a vite abandonné depuis l’aventure coloniale esclavagiste, la libre expression de l’idéologie raciste et l’adoption du calendrier Grégorien, inventé par un Pape ; une couverture sous laquelle elle a aussi continué d’opprimer les femmes.

Ce sont les faits matériels historiques qui comptent ; si bien la pensée critique a bénéficié du renversement du clergé et de la noblesse qui imposaient une seule unification de la pensée, ça n’a été que pour mieux se confronter à la croyance qui allait supplanter le mythe religieux, la doctrine libérale issue d’un matérialisme mécaniste et misanthrope.

La dictature spirituelle de l’Église fut brisée ; la majorité des peuples germaniques la rejeta directement en adoptant le protestantisme, tandis que, chez les peuples romans, une allègre libre pensée, reprise des Arabes et nourrie de la philosophie grecque fraîchement découverte, s’enracinait de plus en plus et préparait le matérialisme du XVIIIe siècle. [14]

La bourgeoisie européenne avait besoin de mettre fin aux autorités de la morale religieuse pour libérer les forces productives, celles qui aujourd’hui réduisent l’humain à cette seule dimension par le travail salarié et la consommation. Mettre librement en pratique les théories comptables du profit individuel, tel était son seul et unique but.

Autrement dit, ce ne sont pas les Lumières qui ont fait la Révolution Française, mais la Révolution Française qui a fait que les Lumières soient identifiées comme sa propre essence identitaire, et depuis, malgré que la République et les Lumières ne soient que des productions simultanées du contexte historique tout entier du développement du capitalisme, on aime à promouvoir qu’elles sont une essence civilisationnelle.

Comme si on pouvait fabriquer l’Histoire... et pour cause, l’Histoire en ressort complètement falsifiée.

Pourtant, si on devait qualifier la teneur idéologique de la Révolution Française, ce sont bel et bien les aspirations libérales de la bourgeoisie qui ont trouvé refuge sous les idées les plus novatrices des Lumières, paradoxalement sous celles qui allaient être des précurseurs socialisme scientifique.

En effet, il y a un amalgame à éviter, présent dans ce fantasme républicain, entre d’un côté, la philosophie originelle, déiste, cartésienne des Lumières, un matérialisme métaphysique qui menait à un socialisme utopique et ouvrait les passerelles idéologiques au social-libéralisme et d’un autre côté, son évolution plus tardive opérée avec Rousseau et Diderot ouvrant la voie au matérialisme dialectique mais pas encore complètement libéré du mythe religieux.

« À parler exactement et au sens prosaïque », il existe deux tendances du matérialisme français : l’une tire son origine de Descartes, l’autre de Locke. La seconde est par excellence un élément de culture français et aboutit directement au socialisme ; l’autre, le matérialisme mécaniste, se perd dans la science française de la nature proprement dite. Les deux tendances s’entrecroisent au cours de leur développement. Nous n’avons pas à étudier ici plus en détail le matérialisme français datant directement de Descartes, pas plus que l’école française de Newton ni le développement général de la science française de la nature. (...)

De même que le matérialisme cartésien a son aboutissement dans la science de la nature proprement dite, l’autre tendance du matérialisme français débouche directement sur le socialisme et le communisme.

Quand on étudie les doctrines matérialistes de la bonté originelle et des dons intellectuels égaux des êtres humains, de la toute-puissance de l’expérience, de l’habitude, de l’éducation, de l’influence des circonstances extérieures sur l’homme, de la grande importance de l’industrie, de la légitimité de la jouissance, etc., il n’est pas besoin d’une grande sagacité pour découvrir les liens qui le rattachent nécessairement au communisme et au socialisme. [15]

5) La révolution française et le libéralisme économique

C’est alors l’apogée de la pensée critique, mais qui n’inspirera pas davantage la bourgeoisie dans les faits ; les besoins de la bourgeoisie étaient antagonistes de toute expérience dialectique, il s’agissait au fond d’imposer l’entreprise individuelle comme moyen de progrès humain et on devait alors justifier son utilité sociale par une idéalisation de l’humain, de la société humaine.

Les factions dirigeantes de la bourgeoisie se sont mises à entrevoir les profits qu’elles pourraient tirer de la colère populaire, de l’antichristianisme et des espoirs romantiques qu’ouvraient les Lumières chez les « sans-culottes ». Les plus radicales d’entre-elles ont initié la Terreur pour se débarrasser de ceux qui auraient pu mettre à mal leurs projets libéraux.

Ces « sans-culottes », la classe laborieuse de l’époque, un mélange de petits artisans, de petits paysans et d’ouvriers, allait donc juste servir à labourer le terrain de la révolution bourgeoise pour la libéralisation des secteurs économiques clés, car cette première n’était pas assez mûre et la bourgeoisie était bien plus organisée.

Après que la Terreur ait joué son rôle de nettoyage des plus modérés en se servant de la révolte des travailleurs, la Convention ne tarderait pas à sanctionner ceux qui voulurent appeler à de nouvelles insurrections révolutionnaires.

Lors du rapport de forces entre la Commune et la Convention, c’est la bourgeoisie légaliste de la Convention qui l’a emporté, mais ce ne fut pas sans accorder des concessions réformistes au prolétariat.

La Commune , s’appuyant sur le peuple révolutionnaire victorieux, obligea la Convention (la nouvelle Assemblée nationale), qui se réunit en septembre 1792 et proclama aussitôt la République, à faire d’importantes concessions. Sans la puissance menaçante de ce peuple, la Convention aurait probablement fait aussi peu de choses que les Assemblées précédentes pour les masses populaires. [16]

Ne pouvant éliminer que les éléments bourgeois les plus radicaux de la Commune - parfois sous des prétextes fallacieux - afin de ne pas se mettre le peuple à dos, il a fallu calmer les ardeurs populaires par la négociation et continuer d’adopter une vision plus progressiste mais superficielle, inscrite en toutes lettres dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

Les progrès ne vinrent donc pas des idées ou des vœux romantisés exprimés par les égalitaires les plus enthousiastes, mais du progrès matériel réalisé par la libéralisation réelle des secteurs de production contrôles par la bourgeoisie qui favoriseraient collatéralement le développement du prolétariat et l’union des classes laborieuses.

La conjuration de Babeuf n’a pu troubler qu’un instant le calme de la bourgeoisie française repue qui s’enrichissait. Elle avait déjà oublié les « frayeurs de l’an 1793 ». C’est bien elle et non le prolétariat qui a récolté tous les fruits de la Révolution française. L’ampleur de la violence que la Montagne a déployée contre la noblesse et ses biens n’a pas servi au prolétariat mais à la bourgeoisie. La majeure partie des biens [du clergé] réquisitionnés - « les biens nationaux » - ont été achetés et sont tombés dans les mains de la bourgeoisie aisée. La paupérisation du clergé et de la noblesse n’a fait que renforcer les pouvoirs économiques, sociaux et politiques de la bourgeoisie française. [17]

Face à l’inconsistance des bases naissantes du socialisme scientifique qui demeurait flou, désuet, face à une bourgeoisie aux commandes de la Révolution qui déifiait le matériel, c’est une espèce de social-libéralisme et une utopie idéalisée qui s’imposaient comme légitime.

Malgré les bonnes intentions affichées, ce fut bien l’ordre économique capitaliste et le concept d’État-nation qui furent instauré en lieu et place de l’ordre économique féodal, avec toutes les conceptions territoriales et marchandes des valeurs humaines que cela implique.

En effet, les promoteurs de l’idéologie libérale, qui voudraient idéaliser l’Histoire, n’ont aucune honte en affirmant que la proclamation des Droits de l’Homme se suffit à elle-même pour qu’ils soient effectifs, sans jamais avoir agi concrètement sur les facteurs provoquant l’atteinte à ceux-ci.

En se dispensant d’un tel travail, il devient dès lors plus facile d’imposer les Droits de l’Homme que de créer les conditions matérielles de son respect. De quelle pensée matérialiste dialectique cette idée absurde pourrait-elle surgir ? Assurément d’aucune !

6) L’idéal versus les faits

C’est normal qu’à l’occasion, les porteurs de cette idéologie libérale, celle qui donne une véritable justification aux horreurs du capitalisme et de l’impérialisme, brandissent haut et fort les valeurs de liberté comme uniques inspiratrices du processus républicain ; ils tentent de prouver ainsi que l’Occident est humaniste par essence et que l’Orient est son contraire, en déguisant leurs intérêts matériels.

C’est normal pour un libéral, ça l’est moins pour un marxiste...Les valeurs républicaines sont toutes des valeurs tronquées, déclarées dans le seul but d’obtenir la paix sociale et maintenir l’ordre marchand, il est facile de constater à quel point la devise républicaine Liberté Égalité Fraternité, la liberté d’expression ou la laïcité ne sont point honorées de façon égalitaire entre les citoyens.

La République n’est pas neutre, ses libertés sont majoritairement garanties par et pour la haute-société-blanche-chrétienne-masculine à l’intérieur de ses frontières nationales (il n’y a qu’à voir le nombre de députés musulmans qui siègent à l’Assemblée, pour ne citer que l’exemple le plus facile) et ce sont les faits qui sont têtus.

Quelques clicks seraient suffisants pour en trouver les exemples concrets, chiffrés même parfois, mais comble de l’hypocrisie raciste, la République interdit quelque étude que ce soit sur des critères visibles, ethniques, raciaux ou confessionnels...

Elle rend invisible le racisme ; il faut alors rester vigilants car seuls les faits des semaines ayant précédé [18] puis les actes anti-musulmans qui ont suivi les attentats, l’identité des victimes de violences policières, l’historique des commissariats dans les « zones sensibles », les agressions racistes peuvent nous en donner un aperçu en tant que partie émergée de l’iceberg.

En idéalisant notre société capitaliste en « société égale et fraternelle » et notre nation en « terre de libertés », elle fait donc fi de la réalité de tout un système de domination de genre, de classe et de race.

Elle oppose un idéal à un autre là où, en réalité, il y a deux conditions matérielles historiques distinctes qui, traduites de façon comptable, révèlent le pire crime que l’humanité n’ait jamais commis : celui des disparités monstrueuses entre régions du monde (sanitaires, alimentaires, sociales, ...) et celui des massacres dus aux instabilités politiques que celles-ci provoquent de façon permanente et sans aucune remise en question concrète qui se soit traduite par un changement quelconque de cap politique.
C’est le continuum de l’horreur, certifié juste et équitable par « la liberté d’expression ».

La révolution : par la neutralité ou par la lutte ?

A ceux qui se placent dans une opposition entre satire et racisme, en prétextant que l’adoption du premier terme dispense automatiquement du second, je leur dis qu’il n’y a pas de meilleure démonstration de lâcheté que celle de celui qui prétend agir sous-couvert de la neutralité de son propos, dans un contexte matériel évident d’inégalités sociales fondées sur la discrimination.

La société actuelle est une société dont le racisme est effectif agissant autant avec une violence symbolique qu’avec une violence physique, fabriquant un plafond de verre indépassable pour tout celui assimilé par ses stigmates visibles (couleur de peau, phénotype facial, habillement) à un stéréotype dévalorisé (Noir, Arabe, Musulman, Juif, Rrom,...).

La République n’est pas isolée dans une bulle idéale ; en participant du processus d’accumulation capitaliste mondial elle reproduit en son sein les rapports sociaux de domination qui lui sont propres.

Le capitalisme provoque non seulement une division de la société en classes antagonistes (bourgeoisie versus prolétaires), mais cette société inégalitaire doit également sans cesse justifier par la méritocratie qu’une majorité de Blancs aient accès à un confort matériel digne et que la majorité des « autres » vive dans l’oppression discriminatoire, dans une insécurité sociale, matérielle ou bien dans de misérables conditions de survie.

Le rapport social capitaliste se fonde sur la valorisation de la force de travail intellectuel ou physique et donc aussi la hiérarchisation des individus selon la valeur présupposée que leurs attributs physiques et intellectuels sont censés représenter sur le marché du travail.

Ces stéréotypes ainsi hiérarchisés sont héritées de la phase d’accumulation primitive du capital sous forme de représentations sociales stéréotypées. [19]

Une accumulation qui s’est produite essentiellement grâce à la colonisation, le travail gratuit ou forcé, pendant des centaines d’années, de millions de personnes (majoritairement de peuples Noirs d’Afrique Subsaharienne, de peuples originaires d’Amérique, de populations musulmanes d’Afrique du Nord ou du Moyen-Orient, mais aussi des habitants d’Asie ou d’Océanie), au bénéfice des bourgeoisies et d’aristocraties européennes, sur une justification idéologique raciste.

Il est évident que leurs héritiers aient tout intérêt à éviter toute remise en cause de cet état de fait qui constitue la base des disparités concrètes d’aujourd’hui.

Les inégalités devant la nationalité administrative, les forces de l’ordre, les politiques urbanistes de ghettoïsation, le discours de certains politiciens, de certains médias ou, plus avant, l’adoption du calendrier grégorien, de ses fériés catholiques ou les modifications législatives de la laïcité dans les colonies, viennent constituer un prolongement de cette construction hiérarchique sous un racisme institutionnalisé.

Que penser alors de celui qui ne prétendrait divertir qu’à l’ombre d’escadrons en cohortes assumant le maintien de l’ordre…

Critiquer de manière égale tout le monde, revient à se déclarer « neutre » alors qu’en vérité on déclare un statu quo sur le racisme ou le sexisme ambiant, laissant donc tels qu’ils sont les avantages accordés aux stigmates socialement valorisés.

Le concepts de laïcité déclarée, de liberté ou d’égalité, même écrits dans la loi, ne peuvent pas être respectés dans un système de domination capitaliste, la hiérarchie qui doit être légitimée est celle qui continue de générer le profit comptable et qui ne laisse pas de place aux considérations morales. C’est toute l’Histoire de l’hypocrisie de la République.

La loi de séparation de l’Église et de l’État de 1905 par exemple a fait l’objet de nombreux « aménagements coloniaux » orientés « par l’unique objectif de maintenir les seuls ministres du culte ayant fait preuve de loyalisme en leur octroyant des indemnités (...) dans le but de mieux contrôler la population indigène musulmane ». [20]

De même, rappelons qu’il a fallu 150 ans après la Révolution pour que les femmes obtiennent le droit de vote en France, pendant ce temps, elles étaient condamnées à assumer gratuitement tout un tas de tâches dévalorisées, afin que la force de travail de l’homme reste entièrement disponible pour le travail salarié. Aujourd’hui encore ces disparités persistent...

Le deuxième reproche que nous pouvons faire à ceux qui pensent que, dans le cas des actes terroristes de Paris, il s’agirait seulement d’une atteinte à la laïcité par « la menace obscurantiste de l’Islam », c’est de jouer le jeu de l’agresseur et de l’emballement médiatique : l’anticléricalisme de Charlie Hebdo ne trouvait pas d’écho significatif dans la population française (il était même au bord de la faillite [21] ) et lorsqu’il enflammait quelques imams sur Youtube cela prêtait plutôt à l’ironie.

Nous ne pouvons pas dire que Charlie Hebdo représentait un esprit de laïcité à défendre, ni un ennemi de l’Islam, encore moins un symbole du prolétariat.

Le journal essayait de se démêler tant bien que mal entre une ligne éditoriale très critiquée et la menace du dépôt de bilan, tout au plus nous pouvions dire que la menace pour une partie des musulmans venait du pays dans lequel s’exprimait ce média !

La course aux déclarations politiques tous azimuts opérée dans une émotion surmédiatisée à l’endroit des seuls journalistes de Charlie Hebdo, que peu connaissaient personnellement, mais que tous traitaient de camarades, que tous ont érigé à titre posthume en des « membres éminents du vedettariat », révèle plus de l’indignation sélective, intéressée, que d’une véritable empathie.

La tristesse appartient aux proches des victimes, nous - les militants - avons un devoir de positionnement politique. Si nous manifestons autant de tristesse pour la disparition de ces personnes dont nous ne connaissons que les caricatures de Mahomet, pourquoi n’en est-il pas de même pour les autres victimes d’attentats terroristes à travers le Monde ?

La question à se poser serait alors : qu’est-ce qui rapproche certaines personnes des dessinateurs de « musulmans barbus armés pour le djihad » et de « femmes soumises en burqa » ? Pourquoi ces personnes seraient-elles davantage touchées lorsque des terroristes s’en prennent à Charlie Hebdo en particulier, en qualifiant ses dessinateurs « d’ennemis de l’Islam » ? En quoi s’identifient-elles également à ce qualificatif ?

En quoi des personnes - qui n’ont aucune image en tête de ce journal autre que sa couverture avec un personnage arabo-musulman stéréotypé qui montre ses fesses - se seraient-elles identifiées tout-à-coup à des journalistes sans aucun succès, au point de défiler par centaines de milliers en scandant « Je suis Charlie », alors qu’en temps normal elles ne bougent pas un seul orteil pour protester contre les décapitations quasi-trimestrielles de journalistes ou contre les massacres de femmes et d’enfants ?

Pour quelle autre raison qu’une certaine solidarité envers un supposé blasphème auraient-elles bombé autant la poitrine si ce n’était parce que les dessinateurs de Charlie ont sans cesse été assimilés, depuis quelques années, aux « véritables ennemis de l’Islam » par des terroristes qui les fantasmaient et par certains médias qui rêvaient de le leur donner en pâture comme victimes potentielles de la « barbarie » ?

Qu’incarnait l’équipe de Charlie Hebdo sinon finalement un délire construit de part et d’autre sur des représentations aliénées de sociétés vouées à la compétition mondiale pour le profit et le pillage, un défouloir à des fins d’audimat et de récupération de la colère ?

Pourquoi a-t-il fallu, parmi tant d’autres occasions plus pertinentes, que des partis marxistes choisissent ce moment là d’aliénation collective, ce contexte on ne peut plus malsain pour tout d’un coup se trouver une conscience politique en dénonçant l’atteinte à la liberté d’opinion ? Pourquoi, sans aucune distance ils sont allés valider les thèses fantasmagoriques du « choc des civilisations » ?

Certains marxistes voulaient-ils considérer qu’il s’agissait de donner un monument aux prolétaires ? Dans ce cas si ces victimes innocentes d’une violence mondialisée constituent un monument pour le prolétariat alors les monuments aux morts de la République construits sur la mémoire des millions de victimes célébrant la guerre bourgeoise le sont tout autant.

Un brin de nationalisme qui sans doute fait oublier aux camarades que c’est la guerre qu’il faut dénoncer ; répondre à l’appel de l’Union sacrée, voire manifester dans la rue d’à côté en prétextant qu’on manifeste pour la liberté d’expression, me paraît alors une manière d’éluder le principal problème, de ne pas affronter le véritable ennemi, d’être neutre.

Le prolétariat ne peut donner son soutien à aucune consécration du nationalisme ; au contraire, il soutient tout ce qui aide à effacer les distinctions nationales et à faire tomber les barrières nationales, tout ce qui rend la liaison entre nationalités de plus en plus étroite, tout ce qui mène à la fusion des nations. Agir autrement, c’est se ranger aux côtés de la petite bourgeoisie nationaliste réactionnaire. [22]

Car la liberté d’expression c’est d’abord la possession du droit de s’exprimer librement, ce « dominium » (selon le terme de droit romain qui exprime le concept de totale propriété du maître sur son domaine, sur son chez soi, sur sa famille), est un pouvoir acquis par la force, mais justifié a posteriori comme un droit « naturel » à l’expression.

La loi française le précise, les limites fixées à la liberté d’expression sont « les troubles à l’ordre public » et cet ordre est la sécurité du marché, l’assurance de pouvoir accumuler du capital en exploitant des personnes et en écoulant de façon rentable les fruits de leur exploitation pour son profit individuel.

Si les caricatures sur des arabes - car y en a-t-il encore qui ne soient pas imaginés « barbus, armés et musulmans » ? -, n’étaient pas susceptibles pour les autorités d’engendrer des « troubles à l’ordre public », c’est bien que cette partie la plus médiatisée du journal, s’inscrivait dans cet ordre capitaliste des choses.

La liberté d’expression est donc actuellement le pouvoir matériel des dominants, par des moyens organisationnels, financiers et légaux, d’imposer leur parole un niveau au-dessus des autres.

N’en déplaise à une certaine opinion, une telle réalité ne peut être niée, les moyens qui permettent la liberté d’expression sont distribués de façon à ce que celle-ci fonctionne à sens unique, comme une marchandise.

Celle qui nous est légalement et matériellement permise en tant que prolétaires n’est qu’une doléance face à la véritable industrie de production du consentement de l’opinion publique et il faut en être conscient.

Ceux qui luttent pour défendre l’actuelle conception de la liberté d’expression « car les marxistes défendent les acquis de la révolution bourgeoise » sont des faussaires.
Ils nient que ce n’est pas par philosophie humaniste ou par idéal républicain qu’il nous est octroyé une certaine liberté de parole et d’opinion mais bien grâce à la lutte, il faut rendre sa dignité au réel.

C’est quand le prolétariat a pris conscience qu’il est au centre du cycle de production capitaliste et s’empare de ses moyens qu’il peut représenter une menace pour les profits de la bourgeoisie.

C’est fort de cette conscience de classe et du rapport de forces matériel penchant en faveur d’un prolétariat toujours plus nombreux, en lutte pour sa survie qui a permis de négocier les acquis sociaux dont nous bénéficions.

Aucunement la bourgeoisie n’a cédé une seule miette sur ses privilèges par la manière douce, il a fallu leur arracher des parts qu’aussitôt elle s’est empressé de récupérer en mettant à l’œuvre tous les moyens à sa disposition.

C’est sans aucun scrupule que la violence de l’oppression s’exprime depuis le haut en tentant de moraliser la manière dont la lutte devrait être menée, favorisant tantôt par ci un syndicalisme de complaisance, tantôt par là une expression timorée, voire confuse, des revendications du prolétariat.

C’est parce qu’il ne dépend plus de la bienveillance de ses exploiteurs, mais qu’il constitue une classe à part entière, indépendante, qu’il doit les renier et renier leur conceptions du monde et se réapproprier directement sa réelle situation matérielle.

L’expérience pratique de la lutte doit conduire les prolétaires à se détacher des représentations aliénées, nous ne saurions trouver le chemin de l’émancipation sans prendre conscience du sursis dans lequel nous sommes, sans troubler l’ordre public et sans nous mettre en totale opposition vis-à-vis de la pensée unique dans ses moments de communion quitte à effrayer une certaine frange du prolétariat en délire.

Comment faire la révolution sans briser l’écran dans lequel ils font contempler à des prolétaires embrigadés, leur propre vie déformée, réduite à sa dimension immédiate ou lointaine ? Si l’État démocratique bourgeois et le mode de production capitaliste qu’il défend sont censés refléter nos besoins quand, en réalité, il nous aliène et nous exploite, alors brisons-le.

Toute évolution, quel que soit son contenu, peut être présentée comme une série de divers degrés d’évolution qui sont reliés de manière que l’un d’eux constitue la négation de l’autre.
Quand, par exemple, un peuple évolue de la monarchie absolue à la monarchie constitutionnelle, il nie son existence politique antérieure. En aucun domaine, on ne peut traverser une évolution sans nier son mode d’existence antérieur. [23]

La République voudrait hypocritement nous faire accepter cet état de fait comme un droit égal, universel pour chaque individu, or, en tout état de cause, les conditions matérielles d’accession à la liberté (par l’accès aux études supérieures, à un réseau d’influence, aux financements, à la justice) bien que supérieures à certains territoires du monde, ne sont toujours pas les mêmes selon que l’on soit né dans une famille bourgeoise blanche catholique ou dans une famille de travailleurs arabes musulmans.

Red Rat

Notes

[3selon l’Observatoire des Inégalités en 2013 http://www.inegalites.fr/spip.php?article1393

[4en 2015, selon l’article de Wikipédia http://fr.wikipedia.org/wiki/Population_mondiale qui cite les prévisions du Département des Affaires Économiques et Sociales de l’ONU

[6Marx & Engels, Études philosophiques

[7Marx & Engels, Manifeste du Parti Communiste

[12« C’est l’idée - la théorie ultra-libérale, ndlr - selon laquelle les politiques qui profitent aux riches finiront par avantager les plus défavorisés ». John Quiggin, Economie Zombie

[13Engels, Socialisme utopique et socialisme scientifique

[14Engels, Dialectique de la nature

[15Marx & Engels, La sainte famille

[16Rosa Luxemburg, L’année 1793.

[17Ibid

[19voir Pap Ndiaye, La condition noire, essai sur une minorité française, Chapitre II

[20Raberh Achi, La séparation des Eglises et de l’État à l’épreuve de la situation coloniale. Les usages de la dérogation dans l’administration du culte musulman en Algérie (1905-1959) in revue Politix n°66 p 83-84

[22Lénine, Notes critiques sur la question nationale.

[23Marx, La critique moralisante et la morale critique

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