« Affaire du quai de Valmy » : retour sur les attouchements sexuels commis par des gendarmes lors de l’évacuation du tribunal

Le corps des femmes a toujours été, dans les sociétés patriarcales, un butin de guerre. Mais même en temps de paix, il reste un enjeu de pouvoir.

Le corps des femmes a toujours été, dans les sociétés patriarcales, un butin de guerre. Mais même en temps de paix, il reste un enjeu de pouvoir.

En tant que colombienne de 67 ans, je sais que dans toutes les guerres les femmes sont les premières victimes. En Colombie, en 50 ans de conflit, 7 millions de personnes ont été déplacées. La moitié était des femmes. Parmi elles, 2 sur 10 (soit 1,4 millions) ont été victime de violences sexuelles selon l’ONU. De même, la violence ethnique contre les Indigènes et les Noirs touche principalement les femmes (65,5% des victimes d’homicides dans ces deux communautés sont des femmes).

En France, pays développé qui ne vit pas de guerre sur son territoire, les femmes sont également soumises à des conditions d’oppression dans la production et la reproduction sociale, à la maison comme dans l’espace public. Le pouvoir a toujours ses mains sur le corps des femmes : dans la rue (ex : les flics qui obligent les femmes à se dévoiler) et au travail (ex : affaire Wenstein), le harcèlement est une réalité qu’on a du mal à nommer. Les agressions permanentes et quotidiennes sont invisibilisées et notre silence renforce les dominateurs.

Une des clefs essentielles du pouvoir, c’est le contrôle par la peur. C’est cette peur généralisée qui nous empêche de dénoncer nos agresseurs. C’est contre cette peur que des millions de femmes se soulèvent actuellement. C’est contre elle que je dénonce la violence exercée par la gendarmerie française lors de l’évacuation brutale du tribunal correctionnel dans le procès de la voiture brûlée du Quai de Valmy le 11 octobre à Paris.

Nous avons été (au moins) deux femmes à être violentées dans notre intimité par des attouchements aux seins de la part des gendarmes. Ces gendarmes étaient couverts par la complaisance d’un supérieur hiérarchique que nous avons alerté et dont la seule réponse fut un méprisant « allez porter plainte ». Contre qui ? Il savait parfaitement que ses hommes ne portaient pas leurs plaques d’identification !

Nous avons vécu plus qu’une agression physique, un message d’intimidation pour nous faire obéir et accepter notre condition de femmes : ne pas protester contre l’injustice. Les institutions du capital, à commencer par les forces répressives, ont la légalité de contrôler nos pensées, nos actes et nos corps.

Il m’était inconcevable de penser que le seul fait de soutenir les inculpés du Quai de Valmy pouvait me soumettre à une agression sexuelle. A mon âge, je pouvais espérer être épargnée au moins de cette forme de violence misogyne.

En temps de paix et dans un État supposément de droit, la répression utilise tous les moyens, même les plus sordides. Un homme, protégé par son uniforme et sa hiérarchie, se permet des attouchements sur une femme.

V.

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