À nos ennemis - Vivendi

La « malversation intellectuelle » que propose cette enquête subjectivée est ici volontaire, franchement malveillante et bien évidemment partisane. Nous ne jouerons plus le jeu déloyal de « l´objectivité » scientifique, de « l´éthique » journalistique lorsqu´elles sont en fait les vieux mythes de l´organisation du réel, qui sous de fumeux prétextes, falsifie, dissimule, contrefait dans l´inexactitude et la conviction, tout acte étranger à sa grille de lecture. Les médias généralistes, ont depuis longtemps prouvé leur asservissement à l´ordre et à ses conventions, nous ne les traiterons pas mieux qu´ils nous traitent. Ce portrait n´a donc pas prétention à l´objectivité, ni à la neutralité pseudo-scientifique, ni à aucune espèce d´impartialité morale, il est explicitement CONTRE, il ne cherche ni à convaincre, ni à séduire, il n´a pas été formulé dans le souci pédagogique, mais dans l´ esprit d´une revanche qui manque cruellement de ponctualité. Malgré tout ce manque de sagesse, de sérieux et de distanciation journalistique, nous réaffirmons que les personnages et les situations de ce récit ne manque aucunement de véracité, voilà pourquoi toute ressemblance avec des évènements ou des personnes ayant existé ne pourrait être ni fortuite, ni être le résultat de pures coïncidences. Ce catastrophisme n´est donc pas inspiré de faits réels, il en est le seul et véritable bilan.

1984. Ça s´engage à mensualiser l´insolence.

Le gadget numérique est baptisé Canal Plus, son but, comme le précise un jeune cadre du groupe : “ Faire croire aux ploucs qu’ils ont du luxe“. Cette singularité médiatique encore artisanale, d´amateurisme maladroit et de créativité bon marché, est vite comprise comme le vivier de nouvelle forme transgressive à exploiter justement. Provocation, anticonformisme, une niche, dont les bénéfices seront temporairement hors concurrence.

Vendre à la « plèbe » la culture qu´elle mérite : Un Karl Zero aux tutoiements familiers, du porno et du foot.

Aujourd’hui, le leader du cinéma européen n´est plus ce gentil petit Parisien supposément crédule, bon enfant ou faussement vulgaire, n´ est pas que le bastion de l´inconvenance érigé par François Mitterrand, comme l´expression d´un socialisme hors mandat, privé et payant.

Premier sur la production, l´acquisition et la distribution avec des contrats de première exclusivité avec le tout Hollywood, le groupe dispose désormais d´une titanesque maitrise, dans la fange du grand spectacle il pétrit l´avenir d´un cinéma populaire, objet standard calqué sur la grande Amérique, conçu dans le soucis d´exportation, dans le catalogue du cinéma d´auteur à la française il s´est immiscé, source de prestige, élitisme notoire pour festivals fétichistes, qui vient le parer d´une distinction éthique sur les foires de récompenses.

De l´artisan à l´industrie, à l´industrialisation de l´artisanat.

Canal Plus est un royaume audiovisuel déployé sur plus de quarante pays. Il s´équilibre un pied dans le cinéma, un autre dans le business du sport. Il accumule des contrats uniques distribués sur les cinq continents. Ligue 1, ligue 2, rugby, basket, des centaines de millions d´euros au service de l’arène, aux intérêts de sponsors made in china et du chauvinisme triomphant.

Tchitchaah ! Rien que pour « améliorer nos vies ».

Pendant quatre décennies, Vivendi (alors Générale des Eaux) s´employait à améliorer nos vies... Ce pourquoi sûrement, il partit en pionnier, en quête du nouvel eldorado H2O, gain d´un besoin intarissable. La base de l´existence pour produit, la rareté d´une ressource à convertir en profit.

De Miami à Prague, de Berlin à Alger, de Calcutta à Chengdu, de Paris à Alexandrie...Le caméléon s´étendait sur deux pôles, communication et « environnement ».

Mais c´est en 2006 que Vivendi délaissa finalement son histoire, désormais renommée Véolia, leader mondial des secteurs du besoin, laissant les pistes de réflexions entamées sur la privatisation des services publics à ses nouveaux investisseurs, afin de concentrer définitivement ses activités sur le commerce des avant-gardes, jonction des télécoms et des loisirs en tête.

Mais désormais, qui et qui ? Le conglomérat n´a cessé de fusionner, de s´étendre, d´investir dans la pluralité. Tantôt matérielles, tantôt impalpables. De nos conversations satellitaires à nos couteuses récréations.

SFR engloutit les parts de Télé 2, de Cegetel Neuf Telecom, colonise les marchés « sous développés », Mauritanie, Gabon, Burkina Faso, Mali, Maroc. Entre lignes fixes, opérateurs mobiles, téléphonie publique, fournisseur d´accès internet, télévision payante au Brésil, pour conclure l´interminable bouleversement, sur l´abandon du groupe SFR en d´obscures transactions.

Sur la toile, les fibres optiques se resserrent, les flashs photoniques hypnotisent. Douze millions de fichiers humains s´adonnent à leur propre suppression grâce au légendaire World of Warcraft, que le groupe édite via sa filiale blizzard. Douze millions à qui l´on loue un rideau au réel. L´abandon d´une défaite contre des aventures qui ne se matérialiseront jamais.

Le leader mondial de la musique lui, y déploie des applications extraordinairement efficaces, engloutis des bases de téléchargements légales, entre partenariats et anticipations prometteuses.

Ça organise de luxueux rendez-vous.

Ici, le Master France de tennis. Là, le Vivendi Trophy de golf et dans les loges des opérations VIP de Roland-Garros, les mafias s´échangent des parts de marchés, entre deux cocktails, ça globalise les mondanités, ça privatise par gourmandise, ça partouze façon Cac 40. En parallèle, on démantèle les méchants réseaux pirates, on emprisonne, le tout gratuit et ses adhérents, on discrédite, en ne parlant plus que de pédophilie et de nazisme, on culpabilise le petit qui « tue la culture » quand les gros s´empiffrent de marchés internationaux, tout ça pour sauver l´art, ça va de soi.

*C´est au travers du prisme de notre mauvaise foi que nous analyserons ensemble la merveilleuse ascension d´un des élèves du groupe Vivendi, cherchant lui aussi, à sauver la culture :

En 2000, Denis Olivennes est affecté au poste de président de Canal + France.

En 2003, il devient président directeur général du groupe Fnac, contrôlé par le conglomérat Pinault Printemps Redoute.

En septembre 2006, il rend un dossier à la ministre de la Culture, Christine Albanel.

Les bases de la loi Hadopi sont alors sur papier, son but : prévenir le piratage, le sanctionner.

Le directeur de la Fnac, plus objectif de par son impartialité flagrante, établit une thèse qu´on peut réduire à La Gratuité c´est le vol , titre de son livre paru en 2007.

En 2008, il reçoit la légion d´honneur, une coïncidence, et quitte la même année son poste à la Fnac devenant ainsi directeur général délégué et directeur de la publication du Nouvel Observateur.

Fin 2010 il remplace à la tête d´Europe 1, Alexandre Bompard, qui deviendra lui-même début 2011 président de la Fnac. On appelle ça, les portes tournantes de l´emprise. Du même pas, Denis Olivennes enfourche son nouveau titre léger, minime, dérisoire disons, directeur du pôle information du groupe Lagardère...

Un tremplin qui lui offrit, et ce largement, la possibilité d´orienter le public vers ses réflexions sur la marchandisation culturelle.

Il a dit : « L’honneur et la liberté des hommes sont des absolus. Ils sont trop précieux pour qu’on les livre aux humeurs violentes et changeantes de l’opinion ».

La justice est l’amie de la raison. Elle est l’ennemie de la passion. » c´est pourquoi « Une société qui crée des interdits est une société qui progresse » ?

Tchitchaah ! Rien que pour « améliorer nos vies » ?

Qui veut se procurer son best-of de Bob Marley ? De Nirvana ? De Serge Gainsbourg ? Qui veut sa part de contestation ?

A l´heure où les artistes sont des marques comme les autres, leurs apparitions publiques sous contrôle lucratif.

Un monde unifié par l´écran, véritable trouvaille du siècle dernier, blason de fortune d´un groupe qui ne croît que par lui.

Qu´il soit tactile ou total, il vient nous protéger de toute chaleur trop vive, nous isoler de toute réalité tangible parce qu´encore commune, assez sociale pour la maladresse du corps, de l´imprévu, cette anomalie menaçante, ce risque.

Le tout-visible, dans son apogée grotesque du tout dérisoire, exprime à renforts de technique son souci d´équilibre, égalisation entre un nouveau parti politique et un pot de yaourt dépouillé de lactose, d´un commentateur sportif au ton grave à une situation de guerre civile au moyen orient.

Regards braqués sur ce vertige au centre d´une vacuité sans nom ; des manuels scolaires numérisés à l´héroïsme imbécile de l´acteur studio multimilliardaire, applications smartphones viennent séparer la foule, individualité sursollicité par l´effervescence marchande, émotionnelle ou informative, anonymes distingués dans une foule de vedette, selfies, likes, tweets, posts et réseaux, l´écran pour ultime interaction, screenlife et cybersociabilité, il n´y a plus que l´écran… et nous, devant.

Derrière, les tentacules du géant tentent d´étrangler toutes critiques via son incontestable pouvoir de décision.

Partout, nulle part.

Il nous vend l´émotion dans ses productions eurowoodiennes, dans son inventaire de chansons populaires, nous connecte aux virtualités juteuses, nous informe, nous divertit, le tout, dans la convergence : fournisseur d´accès internet, internet sur le téléphone, le téléphone pour la musique, la musique dans les films, les films en vente sur le net, le net pour les jeux vidéo, les jeux vidéo pour le téléphone, son écran pour téléviseur...

« Il y aura bientôt un seul point d’entrée dans la maison pour l’image, le multimédia, l’accès internet et la voix. Il faut être capable, pour conserver les marges, de maîtriser toute la chaîne : contenu, production, diffusion et lien avec l’abonné » nous annonçait déjà, sous la risée des sans ambitions, un de nos maitre en 1997, moins de vingt ans plus tard, ils y sont parvenus.

Entre deux fraudes fiscales de quelques milliards d´euros, des adresses IP pirates soufflées à la justice : un abonnement à la trahison, et l´abonnement, cette aubaine, tout ici ne fonctionne que sur cette mensualité, servitude fiable et volontaire, pour une opulence technologique de pacotille.

La condamnation fonctionne encore, toujours la morale, et dans la domestication institutionnelle et théologique que le médiocre éprouve, il s´engage à ne plus prendre sans payer, lui qui en avait pourtant pris l´habitude avec un certain contentement.

Le père au foyer, qui en dix ans avait accumulé une véritable médiathèque pour les enfants du quartier culpabilise, ses dvix sont au placard, les mp3 téléchargés légalement.

« Les voisins se sont fait coupé l´internet » soupirent-ils apeurés.

Coopérer, un mot d´ordre.

Mais, que faut-il penser de l´anecdote avignonnaise ? Quand la générale des eaux facturait un volume supérieur de 37 % au volume consommé ? Que fallait-il penser des marges bénéficiaires de 60% réalisées par vivendi à fréjus ou à saint raphaël ? Que fallait-il en penser lorsque la population de ces deux villages vivait une hausse de 57% des tarifs ? Mais surtout, que faut-il en retenir sur la logique d´un groupe de cette envergure ? Lorsqu´on connait le dénouement de l´histoire : Justice ; « Association de malfaiteur ». Pour avoir voulu intimider, avec deux gros bras, un expert qui cherchait à faire baisser les factures.

Qui organise les mentalités ? Lorsqu´il s´agit d´influer sur des décisions « publiques » ? Favorables aux intérêts d´une élite à l´intelligence mercantile. Qui a participé à la destruction du service publique argentin ? En y doublant les tarifs ? En y dégradant sa qualité ? Et qui y a subi ensuite la colère d´une population qui refusa de payer ?

Alors qu´ils nous maintiennent dans l´oublie, la paresse et le pardon, alors qu´ils anticipent nos craintes en concevant leurs socles, aux yeux de leur progression, de leurs manœuvres toujours plus méthodiques, de leur communication toujours plus sophistiquée, la mémoire est une chance à laquelle on nous refuse l´accès.

Ce monde lointain, de sommes et d´enjeux qu´ils nous tendent comme indéchiffrable, peut-être défriché, devant les juges ils larmoient, comme ce théâtre l´impose, et repartent vivre la liberté qui fait tant défaut aux nôtres.

Ils savourent notre inconscience, se régalent de notre apathie.
Mais nous aussi, nous avons faim.

Mots-clefs : bourgeoisie

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