18 mai, récit d’une journée de mobilisation

Récit d’un 18 mai dans les rues de Paris, entre grèves, blocage et manifs sauvages.

Le 18 mai 2015, on mobilisait devant le TGI de Bobigny pour le rendu de décision de la Cour d’appel dans le jugement de la mort de Zyed et Bouna.

Le 18 mai 2016 c’est aussi le passage au sénat d’un texte contre les contrôles d’identité au faciès

Le 18 mai 2016 c’est au final une interdiction de manifester signifiée au collectif Urgence Notre Police Assassine et que ce dernier apprend par les médias le matin même. C’est aussi une Place de la République transformée en camp retranché avec des barrières disposées tout autour du terre plein central et sur les trottoirs d’accès, sur chaque avenue entourant la place, et une nuée de gendarmes qui bloquent l’accès de tous côtés. C’est encore un rassemblement de quelques centaines de flics autour des bannières d’UNSA Police et d’Alliance, après que ces derniers aient refusé la présence de SGP Police et CGT Police, pour se concentrer sur le seul message de la « haine anti-flic » en-dehors de toute autre considération syndicale. Ça additionné à la présence du FN avec Marion-Maréchal Lepen, Gilbert Collard, l’image qui restera de cette mobilisation policière sera celle d’un pathétique caca nerveux d’Alliance.

Heureusement que la presse aide à faire passer la pilule, comme le Parisien qui titre « Mais si, les français vous aiment » avec une photo de CRS tassés dans leurs armures, derrière leurs boucliers. Sur la base d’un sondage de la boîte Odoxa (dont les présidents et directrice sont respectivement chroniqueurs de BFM et Itélé) qui fait dire à la population française ce que le Parisien a envie qu’elle dise : que les français sont massivement épris des flics et les soutiennent aveuglément dans un moment aussi difficile que l’État d’Urgence. Au passage, on notera que la statue de la République a été nettoyée de tous ses hommages pour la manif des flics alors qu’ils étaient restés en place tout au long des 50 jours d’occupation de Nuit Debout ; peut-être pour éviter qu’ils ne les piétinent à nouveau en accusant d’autres de les leur jeter à la tête.

11h : Contre-manifestation et manif sauvage

Mais revenons au déroulement de notre 18 mai : vers 11h30 des grappes de gentes tournent tout autour de la place, refoulées rue après rue par les gendarmes, avant de parvenir à s’approcher du contre-rassemblement au niveau de la Bourse du travail. Plusieurs checkpoints de fouilles des sacs séparent celleux qui arrivent des centaines qui entourent le café de la Place de la République. Gazage et bousculade ont achevé de repousser tout le monde sur l’entrée du Bld Magenta lorsqu’on arrive enfin à rejoindre les 300 à 500 personnes qui protestent là contre le rassemblement des flics.

Yeux rouges, slogans « la police déteste tout le monde » et son inverse « tout le monde déteste la police ». Une nuée de caméras : la place n’est accessible qu’aux « cartes de presse et de police ». La question est y-a-t-il aussi une carte de fachos ? Parce que visiblement ça passe aussi pour eux.

L’ambiance se tend quand les gendarmes doublent leurs effectifs autour de nous, et poussent hors de la place progressivement. Une issue reste pourtant grande ouverte : la rue Beaurepaire. Un appel à manifestation sauvage se repercute assez rapidement et l’emporte sur une partie de la foule hésitante. « Paris debout, soulève-toi ! », la manifestation s’élance et se met à courir tandis qu’une manoeuvre de gendarmes mobiles s’opère sur la rue parallèle.

Ni une ni deux, 300 personnes débouchent sur le quai de Valmy, au long du canal St Martin, à contre-sens de la circulation. Une unité de CRS suit à une centaine de mètres en courant. Soudain, en sens inverse, tout le monde voit arriver une voiture de police, prise dans la circulation un peu avant le square Vuillemin. Pas difficile d’imaginer ce qui va arriver : en moins de deux, la voiture est prise à partie, vitre avant et arrière brisées, les flics dedans ne sortent pas malgré le fumigène introduit par la fenêtre arrière qui commence à enfumer l’habitacle. Un manifestant ouvre la portière et fait sortir la policière du côté passager, son collègue sort à l’avant et s’avance vers celleux qui attaquent la voiture et se prend une série de coups sur les bras avant de s’enfuir avec sa collègue. La voiture se consume, flambe et se répand jusque dans le caniveau où l’essence dessine une longue traînée de flammes.

Une demi-heure après extinction par les pompiers, il ne restera plus qu’une carcasse carbonisée. A deux pas, devant une rangée de cars de police, deux grapheurs recouvrent un « Fluctuat nec mergitur inscrit sur un mur d’immeuble » avec des scènes d’émeute sur fond de place de la République : vraiment superbe.

Pendant ce temps-là, la manifestation s’effiloche et perd progressivement la moitié de ses participant-es qui s’égrennent dans les rues perpendiculaires au fur et à mesure de la remontée au long des voix de gare de l’est jusqu’à Château Landon. Tout le monde se disperse là, la journée continue.

14h : Manif cheminote à Gare de l’Est

A 14h c’est la manifestation des cheminots qui part de Gare de l’Est avec plusieurs centaines de personnes et qui bloquera les voies à St Lazare. Dans le même temps, à République, plus d’une centaine de personnes sont toujours rassemblées en attendant que les flics débarrassent le plancher.

Un drapeau d’Alliance est brûlé, le rassemblement bouge jusqu’au Faubourg du Temple depuis Magenta, poursuivi par des CRS. Une trentaine de personnes sont nassées à l’entrée de l’avenue de la République, deux interpellations et des contrôles un peu musclés sous les huée de dizaines de personnes rassemblées autour en soutien. Les slogans fusent, les cafés rangent frénétiquement leurs terrasses. Tout le monde est relâché après fouille et contrôle.

18h : manifestation contre l’État d’Urgence

Les bleus plient bagage vers 16h, barrières et camions remballés. A 18h la manifestation contre l’État d’Urgence réinvestit la place en même temps que Nuit Debout s’installe. Sur le sol on découvre les inscriptions des tués par la police sur les dalles de République pochés la veille : une chouette façon de rappeler à ceux qui ont foulé ces dalles le matin, qu’ils ont du sang sur les bottes.

200 personnes s’élancent vers Rambuteau derrière une large banderole et un camion sono : « État d’urgence, état policier, vous nous empêcherez pas de manifester ! ». Comme à leur habitude, la marée-chaussée inonde l’avant et l’arrière du cortège avec plus d’effectifs que la manifestation compte de manifestants. On voit même des flics avec des mitraillettes au poing : on sait jamais, une insurrection populaire est si vite arrivée, n’est-ce pas ?

Malgré des tentations de s’échapper à Rambuteau et de sortir des chemins casqués, le cortège revient sagement à République et clos encore une journée de manifestation bien remplie : « grève, blocage, manifs sauvages », tout y était ...

Solidarité avec les cinq interpellés qui sont accusés d’homicide suite à la voiture brûlée ! Les vrais homicides ils sont sur les dalles de la République !

Localisation : Paris